“Continuer à se battre.” C’est ainsi que Kamala Harris a tenu à remobiliser son camp, mercredi, au lendemain de sa défaite écrasante contre Donald Trump. Si ces mots s’adressaient notamment à ses électeurs, les motivant à poursuivre leur engagement, la candidate démocrate semble elle-même vouloir montrer l’exemple : “je n’abandonne pas le combat.”
Il faut dire que jusqu’ici, la carrière de Kamala Harris avait surtout été celle d’une ascension constante et de plafonds de verre explosés tour à tour. Première procureure noire du district de San Francisco en 2003, elle est aussi la première femme à devenir procureure générale d’un Etat, la Californie, en 2010. Lorsqu’elle se lance en politique, le succès est similaire, s’imposant dans son camp dès sa première candidature pour devenir sénatrice de Californie – en 2017, elle est seulement la seconde femme noire à accéder à ce poste. Puis en devenant la première vice-présidente des États-Unis en 2021, après une défaite à la primaire démocrate. Mais cette fois-ci, la pièce a rebondi de l’autre côté. Kamala Harris a échoué face à Donald Trump, ce qui interroge sur son futur.
Une candidature en 2028 ?
Âgée de 60 ans, Kamala Harris est encore loin des 78 ans de Donald Trump ou de Joe Biden à son investiture en 2021. Elle pourrait ainsi être tentée de se représenter, alors que son investiture en août a été actée dans l’urgence du retrait du président Biden. Cette option semble néanmoins improbable : les États-Unis ne sont un pays guère compatissant avec les perdants.
S’il est commun, en France, de voir des candidats défaits plusieurs fois et cependant continuer de se présenter à l’élection présidentielle, les secondes chances n’existent en principe pas outre-Atlantique, rendant la victoire de Donald Trump d’autant plus historique. Ainsi, aucun des grands battus au XXIe siècle du côté démocrate – Hillary Clinton en 2016, John Kerry en 2004, Al Gore en 2000 – comme du côté républicain – John McCain en 2008, Mitt Romney en 2012 – n’ont fait le choix de retenter leur chance quatre ans plus tard. Et tous n’avaient pas été aussi défaits aussi largement que Kamala Harris au niveau des grands électeurs comme du vote populaire.
Si l’avenir de l’actuelle vice-présidente ne semble pas s’écrire à la Maison-Blanche, il pourrait se faire à d’autres niveaux. Certains parlent déjà d’elle au poste de gouverneur de Californie, l’État où elle a forgé toute sa carrière judiciaire puis politique. Mais en aura-t-elle la motivation ? Surtout, rien ne lui assure qu’une nouvelle génération de démocrates ne vienne pas poser des jalons dans la perspective de 2028.
Ainsi, certains de ses proches prédisent la probable fin de sa carrière politique. “A-t-elle fait tout ce chemin pour perdre au moment le plus important de l’histoire américaine ? Malheureusement, la réponse s’est avérée être oui”, affirme auprès du Times Gil Duran, ancien directeur de communication de Kamala Harris lorsqu’elle était procureure générale de Californie. “Cela me semble être la fin, et non le début d’une carrière politique. Cela ressemble à un ‘game over’. C’est tragique, pour elle et pour le pays”, ajoute-t-il.
D’autres modes d’action ?
Mais une fin de carrière politique ne veut pas forcément dire une disparition totale. Kamala Harris pourrait notamment s’inspirer de ses prédécesseurs et mener ses combats par d’autres biais. Hillary Clinton avait misé sur l’écriture d’un livre, Ça s’est passé comme ça (What Happened, en langue originale), pour raconter de façon très personnelle sa campagne présidentielle perdue face à Donald Trump en 2016. L’ouvrage avait connu un franc succès – 300 000 ventes à la première semaine – et lui avait permis d’en partie racheter une image largement détériorée par sa défaite.
Celle qui sera bientôt ex-vice-présidente des Etats-Unis pourrait également faire le choix de s’investir et de peser dans le débat public via des fondations ou des think tanks. Des institutions ou des lieux extérieurs à la sphère politique, mais où sa parole pourrait être plus libre et compter encore davantage, même dans le camp démocrate. “Elle apporte une valeur immense au parti. Son parcours, sa compréhension de l’élaboration de politiques intersectionnelles et sa capacité à créer des coalitions sont ses plus grands atouts. C’est une combattante pour le peuple. Elle a contribué, et continuera à le faire, à améliorer la vie de chacun, quel que soit son milieu d’origine. Quoi qu’elle fasse ensuite, je sais qu’elle continuera d’être une source d’inspiration”, a ainsi affirmé auprès du New York Times Barbara Lee, représentante de l’Etat de Californie.
L’ancien candidat malheureux démocrate Al Gore s’était, lui, investi pleinement dans la cause écologique après sa défaite en 2000, en étant notamment l’incarnation du documentaire Une vérité qui dérange, doublement oscarisé en 2007. Un activisme qui lui a fait accéder au prix Nobel de la Paix en 2007, au côté du Giec, pour “leurs efforts afin de mettre en place et diffuser une meilleure compréhension du changement climatique causé par l’homme”. Si elle ne fait probablement pas oublier la blessure indélébile d’une défaite à l’élection présidentielle, recevoir une telle distinction doit tout de même contribuer à comprendre que la vie ne s’arrête pas pour autant le soir d’une défaite électorale.
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