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Bruno Chrétien : “L’âge d’or de la retraite par répartition est derrière nous”


L’Express : Les jeunes actifs tendent à penser que le système actuel par répartition aura disparu lorsqu’ils arriveront à l’âge de la retraite. Est-ce envisageable ?

Bruno Chrétien : Il y a trente ans, on entendait déjà ces craintes, mais elles sont infondées. Toutefois, l’âge d’or de la retraite par répartition est derrière nous. En France, le niveau de vie des retraités dépasse aujourd’hui celui des actifs. Le niveau des pensions est trop élevé par rapport à celui des cotisations ! Par exemple, en janvier 2024, les pensions ont été revalorisées de 5,3 % pour le régime de base et de 4,9 % pour l’Agirc-Arrco, tandis que les salaires des actifs n’ont augmenté que de 3,8 %. Le financement des régimes repose en grande partie sur les actifs et il devient difficile à maintenir, ce qui a conduit au report de l’âge de départ.

Pourquoi les réformes précédentes n’ont-elles pas résolu le problème ?

La rupture est survenue en 1982, lorsque François Mitterrand a abaissé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans. Des contrats de solidarité ont aussi permis de partir dès 56 ans avec 90 % du salaire net. Les Français ont massivement saisi cette opportunité. Depuis, les réformes n’ont fait que tenter de rattraper le coup. Le fond du problème réside dans l’équilibre entre cotisants et retraités. Il faut alléger les cotisations des actifs et réduire les pensions si l’on veut que la solution soit tenable pour les actifs.

Quels points de la dernière réforme pourraient-ils être améliorés ?

Le Premier ministre a assuré qu’il ne reviendrait pas sur la réforme, ce qui est une bonne nouvelle pour les finances publiques. Quelques ajustements sont néanmoins possibles sur des thèmes comme la pénibilité, les femmes et l’emploi des seniors, mais une refonte ambitieuse est peu probable étant donné la situation politique. Le mécanisme des carrières longues doit également être revu, certains en bénéficiant sans raison valable. Il faut le réserver aux métiers réellement pénibles (exposition au froid, port de charges lourdes, travail de nuit…). Ce dispositif pourrait aussi s’appliquer aux métiers en pénurie de main-d’œuvre. La retraite des femmes représente un autre enjeu, surtout avec la baisse des mariages et la disparition progressive des pensions de réversion qui en découle.

Quel rôle l’épargne retraite peut-elle jouer dans ce contexte ?

L’épargne retraite limitera l’impact de la baisse des pensions, tout en garantissant un meilleur niveau de vie. Elle ne remplacera pas les régimes obligatoires, mais les complétera. C’est une solution défensive pour les jeunes générations : il leur faudra payer plus pour obtenir des prestations similaires à celles d’aujourd’hui.

Un récent rapport suggère d’imposer un plan d’épargne retraite collectif dans les entreprises de plus de 11 salariés. Est-ce une bonne idée ?

Pas forcément. Si les entreprises n’en ont pas les moyens, elles n’abonderont pas ce dispositif. Mieux vaut encourager les versements lors de l’atteinte de certains résultats, à l’image de la participation et de l’intéressement.

Pourrions-nous passer à un régime de retraite par capitalisation, comme chez les Anglo-Saxons ?

Pas du jour au lendemain, car cela compromettrait le financement des retraites actuelles. Toutefois, la capitalisation peut constituer un complément utile, à condition d’être gérée par les partenaires sociaux, comme c’est le cas pour les régimes complémentaires des fonctionnaires et des pharmaciens.




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