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Les démocrates règlent (déjà) leurs comptes : “La plus grande responsabilité de la défaite incombe à…”


Une défaite au goût particulièrement amer. Non seulement Kamala Harris a échoué à devenir la première femme à diriger les Etats-Unis, mais la vice-présidente démocrate a été nettement battue par Donald Trump. Les républicains ont repris le contrôle du Sénat, dépassant leurs attentes, et sont très bien partis pour garder celui de la Chambre des représentants. L’hémorragie est donc totale pour les démocrates, qui disposaient pourtant des pleins pouvoirs à Washington il y a quatre ans seulement.

Certains d’entre eux ont déjà commencé à régler leurs comptes. À gauche comme au centre, plusieurs élus se sont emportés contre un parti qu’ils accusent d’être trop déconnecté des classes populaires et qui n’aurait rien tiré des leçons de son premier échec face à Donald Trump, en 2016. “Cela ne devrait surprendre personne qu’un parti démocrate qui a abandonné la classe ouvrière se retrouve lui-même abandonné par la classe ouvrière”, a tonné le sénateur socialiste indépendant du Vermont, Bernie Sanders, au lendemain du triomphe de Donald Trump. Selon cette figure de la gauche américaine, l’hémorragie de “la classe ouvrière blanche”, qui avait stupéfié lors de la première victoire du milliardaire en 2016 contre Hillary Clinton, s’est propagée en 2024 aux “travailleurs latino-américains et noirs américains”.

“Beaucoup d’élus sont durs et cyniques”

Comme le relève l’AFP, un sondage de sortie des urnes d’Edison Research montre que le président élu Donald Trump a séduit 56 % des “non-diplômés de l’université”, contre 42 % pour Kamala Harris. Soit, pour le républicain, six points de plus qu’en 2020. “Les grands intérêts financiers et les consultants grassement payés qui contrôlent le Parti démocrate tireront-ils de véritables leçons de cette campagne désastreuse ? Comprendront-ils la douleur et l’aliénation politique que subissent des dizaines de millions d’Américains ?”, s’interroge Bernie Sanders.

Le chef des démocrates, Jaime Harrison, très proche de Joe Biden, a vivement critiqué les accusations selon lesquelles son parti aurait tourné le dos aux travailleurs, les qualifiant de “pures conneries”. “Il y a beaucoup d’analyses qui circulent après cette élection et celle-ci ne fait pas partie des bonnes”, a-t-il balayé dans une publication sur le réseau social X. L’ancienne présidente de la Chambre américaine des représentants, Nancy Pelosi, a elle aussi contesté les commentaires du sénateur du Vermont. “Bernie Sanders n’a pas gagné”, a-t-elle rappelé Nancy Pelosi dans “The Interview”, un podcast du New York Times. “J’ai beaucoup de respect pour lui, pour ce qu’il représente, mais je ne respecte pas le fait qu’il dise que le parti démocrate a abandonné les familles ouvrières.”

Pour Tom Suozzi, élu à la Chambre des représentants de l’Etat de New York, la déconnexion de son parti avec les classes populaires ne porte pas que sur les questions économiques. Il a reproché à son camp d’avoir choisi comme terrain d’affrontement avec les républicains des questions qui inquiètent les élites progressistes, au détriment des sujets de fond qui préoccupent les classes populaires. Il a cité en exemple la question des droits des personnes transgenres ou les manifestations pro-palestiniennes qui ont agité les campus américains au printemps. “De nombreux Américains ont tout simplement plus peur de la gauche que de ce que fera le président Trump”, a-t-il alerté dans un communiqué.

Comme d’autres membres du parti démocrate, Marie Gluesenkamp Perez, tout juste réélue au Congrès dans une circonscription rurale et traditionnellement conservatrice de l’Etat de Washington, a appelé à un examen de conscience et a dénoncé une forme de “condescendance” de ses camarades démocrates à l’égard des classes populaires. “Beaucoup de responsables élus sont durs et cyniques, avec des formes d’irrespect pour les gens”, a-t-elle déploré vendredi dans un entretien au New York Times.

Le retrait trop tardif de Joe Biden

Au-delà de ces problèmes profonds de déconnexion avec les classes populaires, les démocrates ont également pointé du doigt des erreurs stratégiques. Les premiers coups ont visé Joe Biden : comment le président octogénaire a-t-il pu faire courir un tel risque à son parti en se portant candidat à sa réélection, malgré les doutes persistants sur son état de forme ? En s’accrochant malgré les premiers appels à se retirer et en menant des semaines de campagne sans allant, le président démocrate de 81 ans, qui s’était retiré de la course en juillet au profit de sa vice-présidente, a une part de responsabilité dans la défaite, estiment plusieurs cadres démocrates.

Nancy Pelosi a ainsi confié au New York Times que “si le président s’était retiré (de la course) plus tôt, il y aurait peut-être eu d’autres candidats”, ajoutant que le soutien immédiat de Joe Biden à Kamala Harris, une heure après l’annonce de son retrait, avait empêché la tenue d’une primaire. La ténor démocrate, réélue pour un 19e mandat, a toutefois loué “l’engouement” suscité par Kamala Harris lors de sa campagne.

L’influent ancien maire de New York, Mike Bloomberg, a, lui, tempêté contre ceux qui auraient “dissimulé les infirmités du président Joe Biden jusqu’à ce qu’elles deviennent indéniables”. “La plus grande responsabilité de cette défaite incombe au président”, a estimé Andrew Yang, qui s’est présenté contre Joe Biden en 2020 à la primaire démocrate et a soutenu la candidature infructueuse de Kamala Harris. “S’il avait démissionné en janvier au lieu de juillet, nous serions peut-être dans une situation très différente”, veut-il croire. Pour Andrew Yang, les dirigeants du Parti démocrate méritent également d’être blâmés pour avoir mis trop de temps à évincer Joe Biden.

À quelques exceptions près, notamment le représentant du Minnesota Dean Phillips, les démocrates ont évité de parler publiquement de l’âge de Joe Biden, relève Associated Press. Le représentant du Massachusetts Seth Moulton, l’un des nombreux législateurs démocrates ayant publiquement fait pression sur Joe Biden pour qu’il se retire cet été, a lui aussi estimé, jeudi sur CNN, que le parti démocrate “aurait été bien mieux loti” si Joe Biden avait quitté la course plus tôt.

Karine Jean-Pierre, attachée de presse de la Maison-Blanche, n’a pas directement répondu aux questions sur les critiques selon lesquelles Joe Biden aurait attendu trop longtemps pour se retirer. “Il pensait avoir pris la bonne décision”, a-t-elle déclaré cette semaine, selon Associated Press.




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