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Donald Trump 2024, pire que celui de 2016 ? “Cette fois, il pourra laisser libre cours à ses instincts”


Et si Joe Biden était l’artisan du retour en grande pompe de Donald Trump en 2024 ? En s’accrochant à sa candidature malgré les supplications de son propre camp qui le pressait de se retirer de la course, en échouant à juguler une inflation galopante – depuis le début de son mandat, les prix ont augmenté en moyenne de 20 % aux Etats-Unis – et en lambinant à s’attaquer à la crise migratoire – qui figure parmi les premières préoccupations des Américains – le président démocrate pourrait bien avoir pavé le chemin du milliardaire républicain vers la Maison-Blanche.

D’autant que l’ancien magnat de l’immobilier, lui, s’est forgé la réputation “de faire ce qu’il dit”. Et lorsque ce qu’il “dit” n’est pas “fait”, Donald Trump déporte la faute sur le soi-disant mille-feuille bureaucratique qui scléroserait l’administration outre-Atlantique. À partir du bilan de son premier mandat, Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles Saint-Quentin et auteur de l’ouvrage Le rêve américain à l’épreuve de Donald Trump (ed. Vendémiaire, 2020) se projette dans les quatre prochaines années pendant lesquelles le chantre du MAGA (Make America Great Again) pourrait laisser bien davantage libre cours à son instinct.

L’Express : Tout au long de la campagne, Donald Trump a martelé l’idée selon laquelle il était le seul à “faire ce qu’il dit”. Ses promesses de campagne ont-elles été satisfaites lors de son premier mandat (2017-2021) ?

Lauric Henneton : Je dirais plutôt qu’il dit qu’il fait ce qu’il dit. La réalité est en réalité moins flatteuse. L’exemple le plus symbolique de son premier mandat est ce fameux mur à la frontière avec le Mexique qu’il n’a jamais pu construire. Il a pu rafistoler des portions qui avaient été bâties par ses prédécesseurs, mais il n’a pas “construit le mur” comme il le promettait. Simplement parce qu’il n’avait pas la préparation nécessaire au départ, et qu’ensuite il n’avait plus de Chambre des représentants à majorité républicaine (après les midterms de 2018) et Nancy Pelosi a veillé à le mettre en échec sur ce point. Il a en revanche fait des baisses d’impôts historiques, il a essayé tant bien que mal de réguler l’immigration par décrets (mais beaucoup ont été retoqués par les tribunaux fédéraux) et il a retourné la table sur la relation avec la Chine. C’est sa principale victoire, puisque l’administration Biden n’a pas touché à ses barrières douanières et n’a pas été plus conciliante avec Pékin. Sa diplomatie a été assez erratique aussi, mais il faut mettre à son crédit les accords d’Abraham, qui esquissaient une refonte complète des relations au Proche-Orient.

A-t-il davantage appliqué son programme que ne l’a fait Joe Biden ces quatre dernières années ?

On ne peut pas vraiment comparer. Certes, l’un comme l’autre a commencé son mandat avec une majorité à la Chambre et au Sénat, mais Donald Trump dans un contexte de croissance économique hérité des années Obama, Biden dans un contexte de crise économique et sanitaire d’une rare ampleur. Joe Biden a obtenu quelques grands textes bipartisans, et aurait pu en ajouter un, sur l’immigration, si Donald Trump ne s’y était pas opposé. C’est la principale différence : Biden a plus fait pour produire des textes bipartisans, censés acter une réconciliation nationale post-Trump.

L’absence de perfomativité du camp démocrate sous le mandat de Joe Biden ne serait-il pas finalement l’un des premiers responsables du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ? The New Yorker titrait mercredi 6 novembre : “Donald Trump’s Second Term is Joe Biden’s real Legacy” (en français, “Le second mandat de Donald Trump est le véritable héritage de Joe Biden”)…

C’est cruel mais c’est une façon de voir les choses. En effet, on peut retenir de l’administration Biden que c’est celle qui a tiré les Etats-Unis hors de la zone de turbulences du Covid, mais c’est aussi celle qui n’a ni pu ni su faire baisser les prix à leur niveau d’avant-Covid. La conséquence est cette pensée magique chez beaucoup d’électeurs : en votant Trump, ils pensent mettre en route la machine à remonter le temps afin de faire baisser les prix.

Lors de son premier mandat, Donald Trump s’est régulièrement plaint d’être empêché dans son action par le trop-plein de bureaucratie. Pendant sa campagne de 2024, il a réitéré vouloir s’en débarrasser. Le peut-il réellement ?

Ce qui est très clair, cette fois, c’est qu’il n’y aura plus autour de lui que des gens réunis par leur loyauté absolue à l’homme et au projet trumpiste. Et dans les coulisses, Donald Trump souhaite mettre en place des fonctionnaires zélés pour prévenir toute dissidence interne. S’il y parvient, on pourrait alors voir ce que l’on n’a pas vu lors du premier mandat, à savoir une version chimiquement pure du trumpisme. Et il n’y aura pas les “adultes dans la pièce” comme on dit en anglais, pour le raisonner, notamment à l’international. Les garde-fous ne seront plus là, et les contre-pouvoirs (Congrès, Cour suprême) non plus. Le Congrès pourrait s’opposer à certaines décisions en politique étrangère cependant, y compris les républicains, mais globalement il pourra bien davantage laisser libre cours à ses instincts.

Sur le plan international, il assure pouvoir régler les deux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient en quelques jours. Quelle est sa véritable marge de manœuvre ?

L’international est son domaine réservé à deux égards : la diplomatie et la politique commerciale, donc les barrières douanières. Il est très transactionnel, donc il décroche son téléphone et il fait des “deals”. Cependant il faut qu’il soit gagnant, ou au moins qu’il apparaisse gagnant, sinon il a l’air faible. Et ça, il déteste. Donc il peut faire des propositions aux différentes parties, au Proche-Orient et entre la Russie et l’Ukraine, mais encore faut-il que ses moyens de persuasion et dissuasion fonctionnent. Et sur ce point il reste pas mal de points d’interrogation.

Cette obsession du résultat immédiat qui sert de socle à son discours populiste peut-elle être interprétée comme l’héritage de sa carrière d’homme d’affaires ?

C’est ce qu’il veut que l’on pense, bien sûr. Et les perceptions sont essentielles. Mais la réalité de son bilan d’entrepreneur est assez inégale. Ses différents conseillers ont beaucoup parlé de sa très faible capacité d’attention.

Un duo Trump-Musk au gouvernement, c’est d’une certaine façon l’arrivée à tête de la Maison-Blanche du monde des affaires. Doit-on s’en inquiéter ?

On peut surtout s’inquiéter de la disparition des contre-pouvoirs : si les républicains trumpisés contrôlent la Chambre, le Sénat et la Cour suprême, que les agences fédérales sont largement trumpisées elles aussi, alors Musk ou d’autres n’auront plus les garde-fous que l’on attend dans un Etat de droit. Les conflits d’intérêts pourraient se multiplier et un Elon Musk associé au pouvoir pourrait utiliser les leviers de celui-ci pour nuire à ses concurrents. Le principal problème que l’on entrevoit, c’est cette possible disparition des barrières au sein du système.

Elon Musk a déjà annoncé qu’il avait identifié 2 000 milliards de coupes dans les dépenses publiques. Est-ce faisable sans assécher les services publics ?

C’est une somme considérable, et on peut se demander comment il a pu réaliser cet audit, ou si c’est du bluff. On peut estimer que des coupes de cette ampleur, vertigineuse, iraient bien au-delà du dégraissage du mammouth. Et ça deviendrait un problème politique si les programmes fédéraux, que perçoivent aussi les électeurs de Trump, se trouvent amputés. Elon Musk doit donc garder à l’esprit qu’il ne doit pas nuire aux intérêts de son “patron”, même si celui-ci ne pourra plus être réélu.

Donald Trump incarne-t-il plus encore qu’en 2016 la locomotive du populisme ?

En 2016 il était l’improbable coup de pied dans la fourmilière du système, sans grand espoir d’une élection. En 2024, il est davantage la confirmation qu’une certaine forme de populisme, correctement incarnée, peut s’installer durablement dans le paysage politique. Mais pour cela il faut à la fois un contexte propice, notamment dégagiste, et une personnalité hors du commun. Car d’autres trumpistes-qui-ne-sont-pas-Trump ont échoué assez lamentablement en 2022 et en 2024, dans des Etats comme la Pennsylvanie avec Doug Mastriano et la Caroline du Nord, avec Mark Robinson. Le trumpisme sans Trump ne séduit pas. La victoire de Trump est donc paradoxalement une victoire en demi-teinte pour les populistes, car elle n’est pas forcément réplicable ailleurs. Et c’est aussi très largement une défaite des démocrates, qui perdent beaucoup d’électeurs, alors que les républicains ne progressent que très peu en valeur absolue, ce à quoi personne ne prête vraiment attention.




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