Le plan d’épargne retraite (PER) fête ses cinq ans. Certes, du haut de ses 108,8 milliards d’euros d’encours, il est loin de faire ombrage aux près de 2 000 milliards placés par les épargnants sur l’assurance-vie. Mais il s’est peu à peu imposé dans le paysage des placements en remplaçant l’ensemble des dispositifs existants dédiés à la retraite comme le Perp (plan d’épargne retraite populaire), le Madelin, le Perco (plan d’épargne retraite collectif) ou les anciens contrats “article 83”.
Cette enveloppe est proposée dans sa version collective par les entreprises à leurs salariés, et dans sa version individuelle – ouverte à tous – par les banques, les compagnies d’assurance, les mutuelles et les instituts de prévoyance. Cette dernière comporte trois compartiments : l’un pour recueillir les versements volontaires de l’épargnant, l’autre pour des transferts d’épargne salariale et le dernier pour les transferts issus d’un PER d’entreprise obligatoire. “Ces différentes poches ont chacune leur mode de fonctionnement avec une fiscalité, voire des conditions de sortie, spécifiques”, rappelle Gilles Belloir, le directeur général de Placement-direct.fr.
Point commun à tous les plans : il s’agit d’un produit “tunnel”, dont il n’est pas possible de sortir avant la retraite, sauf cas exceptionnels. “Il s’agit là d’une contrainte vertueuse : le blocage des fonds protège l’épargnant contre la tentation de récupérer ses capitaux prématurément”, estime Guillaume Eyssette, fondateur du cabinet de gestion de patrimoine indépendant Gefinéo. Achat d’une nouvelle voiture, travaux de rénovation, études des enfants : les occasions de dépenser les quelques dizaines de milliers d’euros mis de côté ne manquent pas. Ce n’est tout simplement pas possible lorsque l’argent est déposé sur un PER, à quelques exceptions près. La réglementation prévoit en effet quelques portes de sortie en cas d’achat de la résidence principale ou d’accident de la vie. En particulier, Il est possible de débloquer son épargne sans frais et sans impôt en cas d’invalidité, du décès du conjoint, d’expiration des droits au chômage, de surendettement ou de cessation d’activité à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire. Ces cas étant exceptionnels et imprévisibles, il ne faut donc verser sur un PER que des sommes dont on est certain de ne pas avoir besoin avant la retraite.
Malgré la contrainte du blocage des fonds, le succès du PER s’explique en grande partie par son avantage fiscal à l’entrée. Les versements volontaires sont déductibles du revenu imposable dans la limite de certains plafonds, qui dépendent du statut professionnel du détenteur. Les salariés déduisent les versements de leur revenu à hauteur du montant le plus élevé entre 10 % de leurs revenus professionnels, dans la limite de 35 194 euros pour les versements réalisés en 2024, et 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 4 399 euros en 2024. Pour les travailleurs non-salariés, le plafond est plus haut et découle des bénéfices imposables. Il peut monter jusqu’à 85 780 euros. “Plus la tranche marginale d’imposition du contribuable est élevée, plus l’avantage fiscal est important”, résume Alexandre Boutin, directeur de l’ingénierie patrimoniale de Primonial. Un salarié dans la tranche à 30 % plaçant 10 000 euros sur un PER réalise une économie d’impôt de 3 000 euros, donc son effort réel d’épargne se limite à 7 000 euros. Pour un contribuable dans la tranche à 41 %, l’économie d’impôt atteint même 4 100 euros. “Le PER s’adresse aux épargnants les plus fortement imposés : l’avantage fiscal est trop limité pour les ménages dans la tranche à 11 %, compte tenu de la contrainte du blocage des fonds”, estime Gilles Belloir.
Le PER est accessible à tout âge (il faut simplement être majeur, l’enveloppe n’étant plus accessible aux mineurs depuis le 1er janvier 2024). Mais plus l’horizon d’investissement est lointain, plus le capital accumulé aura le temps de fructifier. A la trentaine, les jeunes actifs ont souvent d’autres priorités que la préparation de la retraite, comme l’achat de leur résidence principale, mais rien n’empêche de débuter avec de petits montants. “Alimenter son PER par des versements mensuels programmés est une bonne idée. Une fois que le système est mis en place, on n’a plus besoin d’y penser et il reste possible d’interrompre ou de moduler le montant si besoin”, ajoute Guillaume Eyssette.
Comme pour l’assurance-vie, les supports proposés sont extrêmement variés : ils vont du fonds en euros à capital garanti aux unités de compte les plus variées (immobilier, actions, obligations, etc.). L’épargnant a le choix entre la gestion libre, dans laquelle il garde la main sur ses choix d’investissement au sein du PER, et la gestion pilotée, grâce à laquelle il délègue à un professionnel les décisions d’arbitrage. “L’épargnant détermine son profil de risque (“prudent”, “équilibré”, “dynamique”, “offensif”), puis son allocation d’actifs est progressivement sécurisée à l’approche de la date du départ à la retraite”, explique Martin Alix, directeur du développement produits de Primonial. Autrement dit, pour un profil “prudent”, la part des actifs risqués peut atteindre 70 % si l’épargnant prend sa retraite dans plus de dix ans ; 20 % si c’est entre deux et cinq ans et 10 % maximum lorsque l’horizon est inférieur à deux ans. L’objectif ? Eviter un mauvais échéancier qui contraindrait le détenteur à récupérer son épargne alors que les marchés financiers sont au plus bas.
L’avantage fiscal à l’entrée suffit à lui seul à décider nombre d’épargnants à alimenter leur PER. Mais le dispositif est doté d’un autre atout. “La grande nouveauté est la sortie en capital, ce qui n’était pas possible ou presque, avec les anciens dispositifs d’épargne retraite”, souligne Alexandre Boutin. La sortie en rente reste cependant autorisée. Dans ce cas, et si l’épargnant a bénéficié de l’avantage fiscal à l’entrée, la rente est imposée à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des pensions et rentes après un abattement de 10 % et soumise aux prélèvements sociaux après un abattement dont le montant dépend de l’âge lors de la liquidation du plan. En l’absence d’avantage à l’entrée, la rente est soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, les deux ponctions étant cette fois calculées après un abattement dépendant de l’âge.
En cas de sortie en capital, lorsque l’épargnant a bénéficié de l’avantage fiscal à l’entrée, la somme correspondant aux versements est imposable au barème de l’impôt sur le revenu, tandis que les plus-values sont soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30 %. Dans la pratique, il est conseillé de réaliser des rachats partiels progressifs, en fonction de ses besoins, pour limiter l’impact fiscal. En effet, un rachat massif en une seule fois pourrait dans certains cas faire basculer le contribuable dans la tranche marginale supérieure de l’impôt sur le revenu. Si les versements n’ont pas fait l’objet d’une déduction à l’entrée, alors seuls les gains sont taxés, à 30 %.
La gestion profilée s’ouvre au non coté
La loi “Industrie verte” impose d’inclure une part minimum d’actifs non cotés (capital investissement, dette privée…) dans les assurances-vie plans d’épargne retraite depuis le 24 octobre dernier. L’objectif ? Flécher une partie du bas de laine des Français vers l’économie réelle. Cette portion varie dans les PER en fonction du profil de risque du souscripteur (“prudent”, “équilibré”, “dynamique”, et désormais “offensif”, ce dernier profil étant introduit par cette même loi) et le temps restant avant le départ à la retraite. Par exemple, elle sera comprise au minimum entre 3 % et 8 % en fonction de l’horizon d’investissement pour un profil “équilibré”.
Cette mesure ne fait pas l’unanimité pour l’assurance-vie car elle pose notamment le problème de la liquidité de ce type d’actifs. Néanmoins, le PER – qui est bloqué jusqu’à la retraite – se prête plutôt bien à ce type d’investissements. “Les épargnants détenant déjà un plan en gestion à horizon vont progressivement avoir accès à de nouvelles grilles d’allocation incluant le non coté, précise Gilles Belloir, le directeur général de Placement-direct.fr. Ils pourront toutefois rester sur leur ancienne allocation, y compris pour leurs nouveaux versements.”
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