Il y a les lettres, bien sûr, mais l’aventure du Dictionnaire de l’Académie française est aussi une histoire de dates et de chiffres. Alors que sa première édition remonte à 1694, aujourd’hui s’achève la neuvième édition avec la parution de son quatrième tome (de R à ZZZ, 800 pages, 2 k 517 g, 100 euros), aboutissement d’un édifice entamé il y a environ quarante ans. Maurice Druon, alors secrétaire perpétuel, le rappelait lui-même dans sa préface, en 1992, du premier tome (de A à Enzyme) élaboré à partir de 1986 : “Les doléances et les plaisanteries que suscitent les lenteurs du Dictionnaire sont presque aussi anciennes que l’Académie elle-même, mais, expliquait-il, notre dictionnaire n’est ni encyclopédique, ni historique, ni analogique, ni même étymologique”, il est celui de l’usage !
Or, “l’usage demande du temps à s’établir, et du temps encore à se constater”, poursuivait Maurice Druon se faisant poète pour l’occasion : “Des expressions nées de la dernière pluie s’en iront avec la sécheresse suivante.” C’est ainsi que 52 000 définitions ont survécu à la sagacité de la Commission du Dictionnaire, soit environ 20 000 mots supplémentaires par rapport à la huitième édition.
Philippe Delerm et sa nouvelle livraison d’instantanés légers
Lui aussi connaît l’usage des mots et des expressions, il en fait même son miel depuis des lustres. Après La Première Gorgée de bière… (1997), La Sieste assassinée (2001), Ma grand-mère avait les mêmes (2008), Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases (2018), L’Extase du selfie (2019), voici Les gens sont comme cela et autres petites phrases métaphysiques (Seuil), de Philippe Delerm, nouvelle livraison d’instantanés légers, de fragments savoureux et d’observations gentiment ironiques sur notre comédie humaine. Au menu, “Je ne souhaite ça à personne”, “Tu me donneras la recette”, “C’est du Feydeau”, “On refaisait le monde”, “Elle m’a fait une angine”, “Tu vas sortir de ta zone de confort”, “Ajouter au panier”, “C’est que du bonheur”… Autant d’expressions lancées à table, entre amis, en famille, devant l’école, sur les sites de vente… que cet infatigable scrutateur du petit rien relève et analyse avec pertinence.
D’un professeur de lettres à l’autre. A son tour, Daniel Pennac s’empare des expressions imagées. Avec pour complice Florence Cestac, il publie Les mots s’amusent (Le Robert), un festival de détournements savoureux, ou plutôt de prises au pied de la lettre, de tournures telles “d’entrée de jeu”, “être plein aux as”, “être dans les nuages”, “avoir plusieurs casquettes”… Daniel Pennac explique, s’enflamme, extrapole et Florence Cestac illustre avec humour l’expression. De quoi égayer nos académiciens.
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