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Pourquoi l’administration Trump 2.0 pourrait devenir la plus anti-Chine de l’Histoire


C’est une première dans l’histoire des Etats-Unis : Marco Rubio, le futur secrétaire d’Etat, ne pourra en théorie pas poser le pied en Chine. Le sénateur républicain de Floride est en effet visé par des sanctions imposées par Pékin pour avoir soutenu les manifestations pro-démocratie à Hongkong en 2019 et critiqué la répression des musulmans au Xinjiang. Viscéralement anticommuniste, le dirigeant d’origine cubaine est persuadé, comme beaucoup de responsables à Washington, que la Chine représente une menace existentielle pour les Etats-Unis. Il n’a d’ailleurs pas manqué une occasion, ces dernières années, de proposer des mesures pour punir des officiels chinois ou bloquer l’importation de produits chinois suspectés d’être issus du travail forcé.

Le prochain ministre des Affaires étrangères est loin d’être le seul à mener ce combat, dans une administration Trump 2.0 qui apparaît sur le papier comme la plus antichinoise de tous les temps. Le prochain conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, considère lui aussi que Pékin est l’ennemi public n°1. Comme Rubio, c’est aussi un grand défenseur de la “souveraineté” de l’île de Taïwan – considérée par la Chine comme l’une de ses provinces.A ce duo de faucons, il faut ajouter John Ratcliffe, nommé à la tête de la CIA, qui écrivait fin 2020 : “Les renseignements sont clairs : Pékin a l’intention de dominer les Etats-Unis et le reste de la planète sur les plans économique, militaire et technologique.” Mais aussi Elise Stefanik, qui sera la représentante des Etats-Unis aux Nations unies ; et peut-être Robert Lighthizer, pressenti pour retrouver son poste de représentant au commerce, où il s’était illustré lors du premier mandat Trump en dressant des barrières douanières contre la Chine. Quant à Pete Hegseth, pressenti à la Défense, il martèle que “la Chine construit une armée pour vaincre l’Amérique”.

Freiner l’essor de la Chine

Reste à savoir comment ces nominations se traduiront dans les actes. Les inconnues sont nombreuses concernant les intentions de Donald Trump et la marge de manœuvre qu’il laissera à ses ministres. Le président républicain cherchera-t-il la confrontation avec Pékin ou à conclure un grand accord avec le président chinois Xi Jinping pour lequel il a publiquement déclaré son admiration (“Un homme brillant” qui “contrôle 1,4 milliard de personnes avec une main de fer”) ? Il n’est pas impossible que, mettant en pratique son manuel de L’Art de la négociation (The Art of the Deal), il augmente au maximum la pression sur le régime communiste, tout en cherchant un accord visant à réduire l’énorme déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine – même si celui signé lors de son premier mandat n’a guère été respecté par la Chine, d’après les analystes. Une chose paraît certaine, “il faut s’attendre à davantage de frictions entre les Etats-Unis et la Chine”, résume Yun Sun, spécialiste de la Chine au Stimson Center, à Washington. Après avoir atteint des sommets de tension sous Joe Biden au moment de l’affaire des ballons chinois “espions”, début 2023, les relations s’étaient apaisées ces derniers temps.

La menace la plus évidente est celle d’une nouvelle guerre commerciale. Trump a déjà promis qu’il imposerait des tarifs douaniers d’au moins 60 % sur les produits importés de Chine. Les Etats-Unis pourraient par ailleurs durcir encore davantage les restrictions sur les exportations de technologies stratégiques vers le géant asiatique. Objectif : freiner le développement de la deuxième économie mondiale dans des secteurs comme l’intelligence artificielle, l’informatique quantique ou la robotique, qui détermineront la hiérarchie mondiale dans les prochaines décennies. Ce mouvement avait été engagé lors du premier mandat de Trump, puis poursuivi par l’administration Biden. La Chine a réagi à ce durcissement en recherchant plus d’autonomie dans la fabrication de produits stratégiques (comme les semi-conducteurs) et moins dépendante du dollar. Mais le ralentissement actuel de son économie ne la met pas en position de force pour une guerre commerciale et technologique.

Forte pression sur Taïwan

L’arrivée d’une équipe de faucons à la Maison-Blanche pourrait aussi accroître le risque d’escalade en Asie-Pacifique. “Il faut s’attendre à une remontée des tensions autour de Taïwan en 2025. Surtout si les Etats-Unis renforcent leur présence militaire dans la région et adoptent un comportement plus affirmé ; et si leurs livraisons d’armes à Taïpei augmentent”, prévoit Marc Julienne, directeur du Centre Asie de l’Ifri. La Chine pourrait alors se montrer plus belliqueuse encore dans le détroit de Taïwan et en mer de Chine méridionale. “Avec l’intensification de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, leurs relations deviennent de plus en plus tendues. Mais la stratégie de Trump à l’égard de la Chine consiste à privilégier l’endiguement et les mesures de restriction, afin d’empêcher ce pays de défier les Etats-Unis comme leader mondial, plutôt que de chercher la guerre ou de créer une crise”, nuance Chen Daoyin, politologue indépendant et ancien professeur à l’université de sciences politiques et de droit de Shanghai.

Donald Trump a pu laisser entendre – contrairement à Joe Biden – que les Etats-Unis n’interviendraient pas nécessairement en cas d’attaque chinoise contre Taïwan. Difficile toutefois de prévoir comment il réagirait en réalité dans un tel scénario, tant le soutien à Taïwan fait consensus à Washington. Et tant l’ego de Trump risquerait de mal supporter une défaite majeure face à Xi Jinping dans la région. En attendant, “Trump exercera une forte pression sur Taïwan pour que l’île renforce ses défenses militaires et équilibre davantage ses échanges commerciaux avec les Etats-Unis”, pointe la sinologue Yun Sun. Le leader républicain, qui a accusé l’île d’avoir “volé” aux Américains l’industrie des semi-conducteurs, pourrait aussi inciter le président taïwanais Lai Ching-te à adopter un ton plus prudent envers le régime communiste.

Face à la déferlante de nominations hostiles à la Chine, Pékin fait pour l’instant le dos rond en attendant de voir ce que lui réserve l’administration Trump 2.0. Mais si l’arrivée de Marco Rubio n’est pas une bonne nouvelle pour le régime communiste, les autorités sont probablement soulagées d’avoir évité un retour de Mike Pompeo, l’ancien secrétaire d’Etat de Trump, jugé encore plus dangereux. “Contrairement à Mike Pompeo, Marco Rubio n’a pas publiquement plaidé en faveur de changements au sein du régime chinois ou de l’établissement de relations diplomatiques formelles entre Washington et Taïpei. Les commentaires de Pompeo visant à antagoniser le peuple chinois au parti au pouvoir ont suscité de vives inquiétudes à Pékin par rapport à la sécurité du régime, qui est la priorité absolue du parti communiste chinois”, souligne Tong Zhao, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, à Washington.

Elon Musk comme intermédiaire ?

Confrontées à cette nouvelle donne à la Maison-Blanche, les autorités chinoises vont chercher la parade. “Elles vont sans doute essayer de jouer sur les incohérences et les contradictions de la politique de Trump, notamment en tentant d’instrumentaliser des entrepreneurs comme Elon Musk, qui ont beaucoup investi en Chine, et de s’en servir comme intermédiaires”, pronostique Jean-Pierre Cabestan, chercheur associé à Asia Centre. “La constellation des faucons anti-Chine créera une relation de travail très difficile au niveau opérationnel et ministériel. Pékinessaiera probablement de contourner le problème en faisant en sorte que Xi s’engage davantage dans une relation directe avec Trump, sachant qu’il aura le dernier mot sur toutes les décisions”, complète Steve Tsang, directeur de l’institut SOAS China, à l’université de Londres.

L’influence qu’aura d’Elon Musk sur le président américain constitue une autre inconnue de l’équation. Le patron de Tesla et de SpaceX a été propulsé à la tête d’un département de “l’efficacité gouvernementale” chargé de tailler dans les dépenses de l’Etat fédéral, mais le principal soutien financier de la campagne de Trump pourrait aussi vouloir peser sur la politique étrangère de son pays. Salué comme un “super génie” par le président élu, il était présent lors de sa première conversation téléphonique avec le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky début novembre ; et il a rencontré récemment l’ambassadeur iranien à l’ONU pour “apaiser les tensions” entre Téhéran et les Etats-Unis, selon le New York Times – une entrevue démentie par l’Iran.

Or l’homme le plus riche du monde a d’énormes intérêts en Chine, où il produit la moitié de ses véhicules électriques Tesla. Soucieux d’établir de bonnes relations avec Pékin, il s’est illustré ces dernières années par des propos parfaitement alignés sur la rhétorique chinoise, estimant que Taïwan était une “partie intégrante” de la Chine ou suggérant que l’île adopte un statut similaire à celui de Hongkong. Reste que Trump n’aime pas partager la vedette, ni qu’on s’oppose à lui : pas sûr donc que Muskparvienne à lui imposer ses vues. Ni à empêcher que les relations sino-américaines n’entrent dans une ère de turbulences.




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