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Du Daghestan à Amsterdam, une chasse aux juifs d’aujourd’hui, par Abnousse Shalmani


Ce n’était pas un pogrom. Ce n’était pas une contre-attaque aux immondes propos racistes de supporters israéliens – aussi bas du front que tous les autres supporters du monde – ce n’était pas non plus des représailles contre des Israéliens, soudain tous devenus des représentants coupables du gouvernement de Benyamin Netanyahou. C’était une chasse aux juifs.

Une chasse aux juifs organisée en amont du match qui opposait le Maccabi Tel-Aviv à l’Ajax Amsterdam – selon une enquête sérieuse menée par des journalistes néerlandais qui prouvent la préméditation.

Ce n’était pas non plus une chasse aux juifs qui rappelle “les heures les plus sombres de l’histoire européenne” – selon la formule consacrée et tant répétée par tant de politiciens à n’importe quel déluge d’antisémitisme qu’elle perd jusqu’à sa consistance historique. C’était une chasse aux juifs d’aujourd’hui, de maintenant, qui dit l’expression d’un antisémitisme deux fois millénaire renouvelé à la faveur de la guerre Israël-Hamas, mais pas seulement.

Les poncifs antisémites d’hier

L’antisémitisme d’aujourd’hui charrie tous les poncifs antisémites d’hier, du juif ennemi de l’humanité qui empoisonne les puits et boit le sang des enfants – tout comme il tue dans un but génocidaire des enfants gazaouis et libanais et n’est motivé que par la destruction totale de Gaza et du Liban – jusqu’au juif surpuissant, un marionnettiste de génie qui tire toutes les ficelles, de l’industrie pharmaceutique à la haute technologie, des élections occidentales à la mainmise sur les médias.

Mais cet antisémitisme s’habille d’une moralité d’aujourd’hui, qui transforme le juif en nazi, qui se place du côté d’un humanisme qui se revendique – se planque – antisioniste pour ne pas dire sa haine antisémite et tomber sous le coup de la loi.

Cette odieuse chasse aux juifs à Amsterdam rappelle celle du Daghestan (république russe à majorité musulmane de 3 millions d’habitants) où, le 29 octobre 2023, une foule surexcitée avait pris d’assaut l’aéroport de Makhatchkala, répondant à des appels antisémites sur les réseaux sociaux qui demandaient à la population de bloquer les passagers juifs et israéliens. Plus de 20 personnes avaient été blessées. Mais même avant cet événement impressionnant par son ampleur, des manifestations antisémites sont régulièrement organisées, un hôtel supposé abriter des “réfugiés israéliens” attaqué, un centre communautaire incendié. Derbent, la capitale historique, accueille encore plus d’un millier des juifs des montagnes, communauté millénaire dont le nombre se montait à 30 000 à l’époque soviétique et qui parlent une langue dérivée du persan. Il est cocasse de voir dans les rues des panneaux interdisant de louer des appartements à des “réfugiés juifs” qui n’existent pas.

Ce ne sont pas des rappels d’un passé sombre, mais bien la réalité d’aujourd’hui, d’un monde qui, des universités occidentales jusqu’aux confins du Daghestan, des rues de Londres à celles de Jakarta redécouvre dans l’enthousiasme un ennemi historique et commun – et 6 millions de juifs assassinés n’y changeront rien, l’effacement historique militant grignote la mémoire – d’un monde où on lit, éberlué, dans des tribunes réunissant intellectuels et universitaires, que la dette de la culpabilité de la Shoah vient d’être soldée par le “génocide” en cours à Gaza. Je ne sais pas si tous ces antisionistes se rendent compte qu’ils ne militent pas pour la paix mais contre l’existence même de l’Etat d’Israël, qu’ils ne défendent pas les Gazaouis et les Libanais mais les abandonnent aux griffes totalitaires et sanglantes du Hamas et du Hezbollah, qu’ils usent de la liberté si chèrement acquise dans les démocraties libérales pour les brader à ceux qui demain s’en prendront à leurs universités, leurs journaux, leurs écoles, leurs sexualités, leurs quotidiens.

Ce qui m’attriste, c’est l’aveuglement de ceux qui confondent le gouvernement israélien avec tous les juifs du monde, de ceux qui ne veulent pas comprendre que lutter contre le racisme sans lutter contre l’antisémitisme revient à donner un blanc-seing aux racistes, de ceux qui pensent que les juifs n’ont rien à faire au Proche-Orient et qu’ainsi ils piétinent la richesse historique qui dessine notre commune humanité.




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