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Il n’y a qu’une seule solution pour une paix durable au Liban, par Omar Youssef Souleimane


Les images venant du Liban font penser à la fin de la guerre de 2006 : des milliers de civils se réjouissent de leur retour dans leurs villages, leurs maisons, après avoir passé des mois dans des écoles, des foyers, ou même dans la rue. Depuis la Syrie, le nord du Liban ou Beyrouth, les voitures se dirigeant vers le sud ont provoqué d’énormes bouchons. Depuis l’annonce officielle de la trêve le 27 novembre, les Libanais expriment leur soulagement et célèbrent le retour de la stabilité pour la première fois depuis le 8 octobre 2023, quand le Hezbollah a pris la décision de lancer des missiles vers Israël pour soutenir le Hamas. La différence entre aujourd’hui et la fin de la guerre de 2006 ? A l’époque, les réfugiés brandissaient des photos de Nasrallah, leader du Hezbollah, considéré comme un héros victorieux. Aujourd’hui, Nasrallah est mort et la présence de la milice chiite semble presque effacée. Serait-ce le début d’une paix véritable ?

Comme la résolution 1701 qui a mis fin à la guerre de 2006, ce nouvel accord met avant le cessez-le-feu, le rétablissement de la stabilité dans le sud du Liban, et la présence de l’armée libanaise sur l’ensemble du territoire, tout en affirmant que les armes doivent rester exclusivement entre les mains de cette force officielle. Le seul article ajouté stipule que les deux parties conservent le droit de se défendre en cas de violation de la trêve par Israël ou le Liban. Tsahal est autorisée à rester dans certains villages du sud pendant 60 jours. Une situation qui pourrait conduire à des affrontements avec des éléments restants du Hezbollah, malgré la présence de l’armée libanaise et de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul). Ce qui s’est passé dès le lendemain de la trêve : un véhicule du Hezbollah a pénétré sur un terrain où Tsahal était encore déployée. L’armée israélienne a immédiatement réagi. Mais si cet accord doit avoir un avenir durable, cela dépendra de deux choses : la puissance de l’armée libanaise et la faiblesse du Hezbollah.

La Syrie lâche le Hezbollah

Bien avant le 7 octobre 2023, l’armée libanaise souffrait d’un manque de financements et d’armes modernes. Avec environ 126 000 soldats, elle n’avait pas les équipements nécessaires pour protéger le pays. Elle a toujours été dépendante des aides étrangères, notamment des Etats-Unis, de l’Europe et de l’Arabie saoudite. En 2013, cette dernière a alloué trois milliards de dollars d’aide pour contrer la domination iranienne sur le Liban via le Hezbollah. Depuis la guerre de 2006, la milice chiite s’était renforcée, avec environ 150 000 missiles, dont certains d’une grande qualité, et 45 000 combattants adhérant à une idéologie islamiste inspirée de l’ayatollah Khomeini. Sans l’accord de la population libanaise, le Hezbollah a joué un rôle essentiel aux côtés des soldats iraniens pour sauver le régime syrien de Bachar el-Assad. Il est devenu le principal acteur de la vie politique libanaise. Ses forces ont réussi à prendre le contrôle de la police et des services secrets, tout en verrouillant la presse. Cela a poussé les pays arabes sunnites en conflit avec l’Iran, tels que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, à couper toutes les aides destinées à la population libanaise.

Mais depuis septembre, l’élimination de la plupart des chefs du Hezbollah, ainsi que la destruction de nombreuses bases militaires, a changé la donne. Les frappes de Tsahal en Syrie contre les cadres du Hezbollah ont poussé le régime syrien à abandonner ce proxy iranien. Même les cadres de la milice réfugiés en Syrie n’avaient plus de soutien de la part du régime. Assad n’a fait aucune déclaration à propos de la mort de Nasrallah.

Les chiites, premières victimes de la guerre

Le 24 octobre, lors de la visite de Najib Mikati, le Premier ministre du gouvernement technocrate libanais à Paris, l’Elysée a annoncé une subvention de 100 millions d’euros pour le Liban. Des matériels militaires français ont été envoyés pour renforcer l’armée libanaise. Dès l’annonce de la trêve, l’armée s’est déplacée vers le sud pour protéger les frontières et remplacer le Hezbollah. Ces signes témoignent d’un véritable changement dans le pays. D’autant plus que le sommet arabe à Riyad, le 12 octobre, a exprimé sa solidarité inconditionnelle avec l’armée libanaise. L’Arabie saoudite peut jouer un rôle essentiel dans la reconstruction d’un Liban dévasté par ce conflit. Les Saoudiens entretiennent des liens historiques avec le Liban depuis l’accord de Taëf, signé en 1989 dans cette ville saoudienne, et qui a mis fin à la guerre civile, suivi d’aides financières et d’investissements pour reconstruire le centre de Beyrouth dans les années 1990.

Est-ce que cette trêve marquera une nouvelle stabilité pour le Liban ? Une occasion s’offre à ce pays de préserver sa souveraineté, de tourner la page de la guerre et de normaliser ses relations avec Israël : la seule solution pour une paix durable. Pour cela, il est essentiel d’élire un nouveau président et de rompre les liens avec l’Iran. Cela semble possible, d’autant que la perte de confiance envers le Hezbollah se fait sentir chez de nombreux Libanais, y compris au sein de la communauté chiite. Ces derniers sont les premières victimes de cette guerre. “Ce conflit oppose essentiellement Palestiniens et Israéliens. Pourquoi les Libanais devraient-ils en payer le prix ?”, a déclaré une femme sur les réseaux sociaux. Cette phrase circule largement parmi les communautés libanaises impliquées dans une guerre qui ne les concerne pas.

* Ecrivain et poète né à Damas, Omar Youssef Souleimane a participé aux manifestations contre le régime de Bachar el-Assad, mais, traqué par les services secrets, a dû fuir la Syrie en 2012. Réfugié en France, il a publié chez Flammarion Le Petit Terroriste, Le Dernier Syrien,Une chambre en exil, et récemment Etre Français.




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