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Les aînés d’une fratrie sont-ils vraiment plus intelligents ? Par Franck Ramus


De nombreux parents observent de grandes différences chez leurs enfants. Pourtant, ils estiment qu’ils ont grandi dans le même environnement et n’ont pas été élevés différemment les uns des autres. Bien souvent, ces parents expliquent ce phénomène par l’ordre de naissance, qui façonnerait le développement cognitif et la personnalité de leur progéniture. Ces intuitions ont été reprises, amplifiées et théorisées par de nombreux auteurs et exposées dans quantité de livres.

L’une des intuitions les plus répandues est que les enfants entourés d’une fratrie nombreuse évoluent dans un environnement plus riche et stimulant que les enfants uniques et que les petits derniers en bénéficient forcément plus d’un point de vue cognitif que les premiers nés. Tout aussi populaire, l’idée selon laquelle les aînés, placés en position dominante, se retrouvent à défendre des avantages acquis et développent une personnalité plutôt conservatrice, alors que les cadets sont obligés de contester l’ordre établi et ont ainsi plus de chance de développer une personnalité rebelle, anticonformiste et progressiste. Et pourtant, il s’agit d’un cas d’école de croyances populaires qui s’effondrent lorsqu’elles sont confrontées aux données des études scientifiques.

Les différences de QI en fonction de la place dans la fratrie sont faibles

Pour tester de telles hypothèses, on ne peut bien sûr pas se fier aux anecdotes et aux cas particuliers. Il est nécessaire d’analyser de grandes populations pour lesquelles on connaît à la fois la place de chaque individu dans sa fratrie et diverses mesures cognitives et de personnalité. Il est également nécessaire de démêler plusieurs facteurs confondus. En effet, le rang de naissance est en partie corrélé à la taille de la fratrie (on ne peut être le quatrième dans une fratrie de deux enfants). En outre, les parents sont plus âgés à la naissance du dernier que du premier né. Enfin, les familles nombreuses sont sociologiquement différentes de celles qui ont peu d’enfants. Il est donc nécessaire de prendre en compte ces facteurs afin d’isoler l’effet du rang de naissance. Plusieurs études réalisées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Norvège ainsi qu’en France, par mon équipe, ont mené de telles analyses et obtenu des résultats convergents.

Premièrement, plus le rang de naissance est élevé, plus les scores cognitifs sont faibles (indépendamment des facteurs évoqués ci-dessus). Ce résultat très général vaut pour des scores de langage, de quotient intellectuel (QI), tout comme des mesures de performance scolaire. Mais cet effet est faible (1 à 2 points de QI par rang de naissance) et ne vaut qu’en moyenne. Il existe donc de nombreux contre-exemples. Et cela ne doit pas vous dissuader d’avoir un autre enfant si tel est votre désir. L’interprétation la plus compatible avec les données est celle de la “dilution des ressources”. En effet, le premier né bénéficie pendant quelques années de l’attention exclusive de ses parents, alors que les suivants doivent la partager avec les grands frères et sœurs. De fait, nos analyses dans la cohorte Elfe montrent que plus il y a de frères et sœurs, moins les parents passent de temps à interagir avec le dernier né.

Aucun effet du rang de naissance sur la personnalité

Bien sûr, les aînés interagissent aussi avec le petit dernier et peuvent combler ce déficit. Mais force est de constater qu’ils ne le comblent que partiellement, signe que leur manière de le stimuler n’a pas la même qualité que celle des parents. En revanche, nous avons également trouvé que l’effet négatif du rang de naissance sur le vocabulaire était atténué voire annulé lorsque aucun des parents ne parle français à la maison. Dans ce contexte particulier, le fait d’avoir un grand frère ou une grande sœur francophone est susceptible de contribuer positivement à l’acquisition du français.

Concernant la personnalité, les résultats sont tout aussi clairs : aucun effet du rang de naissance n’a été mis en évidence. Cela ne manquera pas de surprendre les parents qui constatent que les aînés, cadets et benjamins adoptent souvent des rôles différents au sein de la famille. Ils n’ont pas entièrement tort ! Mais il faut comprendre que ces rôles sont spécifiques à la sphère familiale. Les mêmes enfants peuvent se comporter bien différemment dans d’autres situations, et les parents aussi. Ainsi, il semble que ces rôles joués au sein de la famille ne soient qu’induits par le contexte. Ils n’ont pas d’impact durable sur les traits de personnalité stables que la personne manifestera à l’âge adulte.




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