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L’exposition à voir : au Carré d’Art de Nîmes, les courbes utopistes d’Aleksandra Kasuba

Elle est désormais la figure artistique la plus emblématique de son pays natal. Aleksandra Kasuba (1923-2019) a même éclipsé son mari, Vitautas, un sculpteur traditionnel en vue dans la Lituanie des années 1930, depuis longtemps oublié. L’académisme, ce n’était pas la tasse de thé de cette artiste issue de l’aristocratie cultivée d’Europe de l’Est qui, jusqu’à sa mort, à 96 ans, n’a cessé de chercher, d’imaginer et d’expérimenter des habitats du futur. La guerre s’en est mêlée, décidant de son destin : en 1944, à la suite des occupations nazie et soviétique, les Kasuba sont contraints de fuir le territoire lituanien. Après trois ans passés dans un camp de transit en Allemagne, ils s’établissent aux Etats-Unis. Tandis que la carrière de Vitautas Kasuba s’essouffle, celle d’Aleksandra s’envole. Dans son atelier de New York, où le couple s’est fixé au début des années 1960, elle conçoit des environnements spatiaux visionnaires faits de tissus tendus. Les angles droits y sont bannis, les courbes célébrées dans un idéal d’harmonisation humaine autour de la nature.

Au carrefour de l’architecture, du design et de l’installation, le travail d’Aleksandra Kasuba est quasiment inconnu chez nous. Jean-Marc Prévost, le directeur du Carré d’art de Nîmes, en a découvert la singularité à Vilnius et décidé de lui offrir une première rétrospective en Europe occidentale (jusqu’au 23 mars), dans le cadre de la Saison de la Lituanie en France. On y découvre d’abord les premières peintures et mosaïques de l’artiste, dans lesquelles surgit le “Wanderer”, un petit personnage de marcheur solitaire qui, tel un alter ego rêveur, traverse tout son travail.

Aleksandra Kasuba dans l’un de ses premiers environnements de contemplation, New York, 1970.

Puis viennent les grands projets, parfois restés à l’état de maquettes hallucinantes de finesse et de précision, tous témoins d’un art expérimental tourné vers l’éveil des sens et de l’âme. Parmi les pièces les plus spectaculaires figure Spectrum. An Afterthought, une structure monumentale conçue en 1975, à l’aide de tissus synthétiques, de filtres colorés et de lampes au néon. Le visiteur est convié à s’immerger dans cette suite de courbes où, ainsi que l’écrivait l’artiste, qui a documenté une grande partie de sa production, “la lumière fait ressortir les couleurs, les sépare, les disperse, les mélange, les éclaircit, les assombrit et les emporte”.

L’exposition du Carré d’art est enrichie de contributions d’époque des amis d’Aleksandra Kasuba, comme le parfumeur Danuté Pajaujis Anonis, la cinéaste Pola Chapelle, le réalisateur avant-gardiste Jonas Mekas ou encore le fondateur du mouvement Fluxus George Maciunas. Si ce dernier est considéré comme le précurseur de l’art contemporain, Kasuba, elle, reste une pionnière dans le domaine des agencements textiles en faisant “progresser l’interface hors du commun entre le sujet et l’environnement”, selon les mots de sa compatriote, l’historienne de l’art Inesa Brasiské.

Comme pour faire la synthèse de sa quête d’harmonisation entre l’homme, la nature et la technologie, Kasuba lance en 2001, aux termes de savantes réflexions mathématiques, la construction de la Rock Hill House dans le désert du Nouveau-Mexique. Prolongement du paysage environnant aux formes organiques et bâtie avec des matériaux du cru, la maison est un véritable cocon de rondeurs qui, une fois de plus, invite à la contemplation et défie l’orthogonalité. L’octogénaire hyperactive y vivra jusqu’en 2012, avant de regagner sa terre natale pour faire don de ses œuvres et de ses archives au Musée national d’art de Lituanie. Aujourd’hui, la star en son pays trouve enfin la lumière sous nos latitudes.




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