La filière de la bijouterie française doit sa notoriété aussi bien à l’excellence de sa haute joaillerie qu’à l’inventivité du segment fantaisie. Entre les deux, des maisons traditionnelles et une myriade de petits créateurs parviennent à tirer leur épingle du jeu. Le champ des possibles s’élargit ainsi à tous les styles de consommateurs. Les uns accumulent des parures iconiques de grandes marques, comme pour s’identifier à une appartenance sociale qui les rassure. Les autres préfèrent se distinguer en arborant une pièce au design singulier, généralement portée en dissymétrie, voire en solo. D’aucuns encore imaginent de nouvelles manières d’associer matières et formes. S’ils transgressent quelque peu les codes, leur posture conserve néanmoins un certain sens de la dérision. De fait, chacun contribue à redéfinir les standards de l’intemporel.

Bijoux d’oreilles, bagues pour deux doigts, accumulation de bracelets fins sur les poignets, de charms avec médailles autour du cou, boucles d’oreilles XXL portées en solitaire ou en asymétrie, chaînes de corps, piercings… jusqu’aux grillz, ces ornements dentaires empruntés à l’univers hip-hop. Née dans la rue ou sur les podiums, la manière de porter la joaillerie évolue en permanence et autorise toutes les libertés.

“On remarque une volonté de transgresser les codes, mais avec fantaisie, en faisant appel à cette forme de ‘glumour’ – mot-valisé formé à partir de ‘glamour’ et ‘humour’ – sans réelle provocation “, décrypte Vincent Grégoire, directeur Consumer Trends & Insights de l’agence NellyRodi. Le chasseur de tendances observe des courants qui perdurent, comme le goût pour les talismans et porte-bonheur en tout genre, ou les mélanges de styles : précieux avec fantaisie, vintage associé au contemporain, joyau de famille à côté de pièces iconiques de grandes maisons.

Se positionner en esthète

Il note aussi l’apparition récente d’un attrait pour les créations d’artistes, une manière d’afficher son éducation en matière de style, de se positionner en esthète face aux marques de la place Vendôme qui monopolisent le marché. Ce que confirme Clara de Pirey, directrice du pôle luxe chez NellyRodi. En septembre dernier, elle révélait une étude intitulée Watches & Jewelry’s New Era sur les enjeux de l’industrie horlogère et joaillière, qui “compte des acteurs historiques bousculés par la créativité d’une nouvelle garde extrêmement agile et l’exigence de clients de plus en plus experts”.

L’histoire du bijou n’a jamais connu une période aussi riche que ce début de XXIe siècle, où tout semble permis. Beaucoup recherchent comment afficher leur personnalité en arborant des parures distinctives, réalisées parfois sur mesure, ou dénichées en seconde main. Dans ce joyeux méli-mélo, chacun imagine et élabore son accumulation personnelle de pièces de joaillerie. Et dessine en quelque sorte les marqueurs de sa singularité.