Le président sud-coréen Yoon Suk-yeol, menacé de destitution samedi pour sa tentative ratée d’imposer la loi martiale, a été lâché vendredi 6 décembre par son propre parti qui a jugé qu’il faisait courir “un grand danger” au pays et a préconisé sa “suspension rapide”. Han Dong-hoon, le chef du Parti du pouvoir au peuple (PPP) auquel appartient Yoon Suk-yeol, a reconsidéré sa position, après avoir affirmé la veille que sa formation ferait échec à la motion en destitution déposée par l’opposition au Parlement.
Si Yoon Suk-yeol reste à son poste, “il existe un risque important que des actions extrêmes similaires à la déclaration de la loi martiale soient répétées, ce qui pourrait mettre la République de Corée et ses citoyens en grand danger”, a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée. Han Dong-hoon a également dit détenir des “preuves” que le président avait ordonné l’arrestation de dirigeants politiques dans la nuit de mardi à mercredi, lorsqu’il avait déclaré la loi martiale et envoyé l’armée boucler le Parlement, avant d’y renoncer sous la pression des députés et de la rue.
D’après le député d’opposition Jo Seung-lae, les images des caméras de surveillance du Parlement indiquent que les militaires ont cherché à arrêter le chef du Parti démocrate (la principale force d’opposition), Lee Jae-myung, le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik, et même Han Dong-hoon. Le bureau de Yoon Suk-yeol a assuré que ce dernier n’avait “pas donné l’ordre d’arrêter ni de placer en détention des membres de l’Assemblée nationale”, selon l’agence Yonhap.
“Pas besoin de s’inquiéter”
“Nous recevons de nombreuses informations concernant une seconde loi martiale. Jusqu’au vote de la loi de destitution samedi, tous les membres du Parti démocrate demeureront dans le bâtiment principal de l’Assemblée nationale”, a déclaré le député Jo Seung-lae. “Il n’y a pas de deuxième loi martiale”, a assuré à l’AFP un responsable de l’état-major. Les Sud-Coréens “n’ont pas besoin de s’inquiéter”, a renchéri un porte-parole du ministère de la Défense.
Si Yoon Suk-yeol ne démissionne pas avant, le Parlement monocaméral sud-coréen se réunira samedi à 19h00 (11h00 heure française) pour se prononcer sur sa destitution. Une majorité des deux tiers des 300 députés est nécessaire pour le chasser du pouvoir. Le PPP dispose de 108 sièges, contre 192 pour l’opposition. Cette dernière doit donc obtenir la défection d’au moins huit députés du parti présidentiel pour faire passer leur motion, ce qui paraît probable après les dernières déclarations du chef du PPP. “Même si quelques membres du parti au pouvoir soutiennent encore Yoon Suk-yeol, les déclarations de Han aujourd’hui semblent influencées par la gravité de la situation”, a expliqué à l’AFP Shin Yul, professeur de sciences politiques à l’université de Myongji. “Il semble que Han et les dirigeants du parti aient conclu qu’il existe une possibilité significative que le président Yoon déclare une seconde loi martiale”, a ajouté ce chercheur.
Si la motion est approuvée, Yoon Suk-yeol sera suspendu de ses fonctions en attendant la validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle. Si les juges donnent leur feu vert, une nouvelle élection présidentielle aura lieu sous 60 jours. L’intérim serait alors assuré par le Premier ministre Han Duck-soo.
Popularité au plus bas et manifestations quotidiennes
Yoon Suk-yeol, qui a disparu de la scène publique depuis mercredi matin, est par ailleurs visé par une enquête pour “rébellion”. Selon plusieurs médias locaux, le chef du parti présidentiel l’a rencontré vendredi. La cote de popularité de Yoon Suk-yeol a atteint un plus bas de 13 %, selon un sondage Gallup publié vendredi.
A la surprise générale, le président avait décrété la loi martiale mardi soir et tenté de museler le Parlement, où son camp est minoritaire, en y envoyant l’armée. Yoon Suk-yeol, élu de justesse en 2022, avait accusé les élus de l’opposition de bloquer “tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation”. Il avait justifié son coup de force par la nécessité de protéger “la Corée du Sud libérale des menaces des forces communistes nord-coréennes et pour éliminer les éléments hostiles à l’Etat”.
Malgré le bouclage de l’Assemblée, 190 députés avaient réussi à se faufiler à l’intérieur dans la nuit, parfois en escaladant les clôtures, et à voter à l’unanimité une motion réclamant la levée de loi martiale, pendant que leurs assistants empêchaient les soldats de pénétrer dans l’hémicycle en barricadant les portes avec des meubles. Le chef des forces spéciales, Kwak Jong-geun, a affirmé vendredi avoir reçu un ordre de l’ex-ministre de la Défense “de traîner dehors les membres de l’Assemblée nationale”.
Défiant la loi martiale, des milliers de manifestants s’étaient massés devant le Parlement pour demander le départ du président. Ce dernier a finalement cédé six heures après son annonce initiale et a renvoyé l’armée dans ses casernes. Depuis, des milliers de Sud-Coréens manifestent chaque jour devant les lieux de pouvoir pour réclamer son départ.
Vendredi, à l’occasion de leur premier appel après le coup de force de Yoon Suk-yeol, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a fait part à son homologue sud-coréen de sa “confiance quant à la résilience démocratique” de la Corée du Sud, réaffirmant “l’engagement sans faille des Etats-Unis dans notre alliance”, selon son porte-parole.
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