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Feu sur Marine Le Pen plutôt que sur Jean-Luc Mélenchon : après la censure, Laurent Wauquiez change son fusil d’épaule


D’un adversaire à l’autre. Le 1er octobre, Laurent Wauquiez répond à la déclaration de politique générale (DPG) de Michel Barnier. Il a choisi son ennemi. Le patron des députés La Droite républicaine (DR) étrille dans l’hémicycle “l’extrême gauche”, accusé d’abandonner la laïcité et de semer le “chaos” dans le pays. Du Rassemblement national, il n’est jamais question dans son intervention. Marine Le Pen est épargnée.

Cette tonalité a évolué. Laurent Wauquiez cible ce mercredi 4 décembre la députée RN avant le vote de la motion de censure contre le Savoyard. “Vous vouliez vous montrer responsable, vous vous apprêtez à être irresponsable. Vous prétendiez incarner le parti de l’ordre, vous allez faire le pari du désordre”, lance l’ancien ministre, jugeant les ambitions présidentielles de la présidente de groupe incompatibles avec son “choix de l’instabilité”. La veille, le député dénonçait déjà devant ses troupes la “destruction” entreprise par Marine Le Pen et ses mauvaises manières. Au Premier ministre, elle a lancé si un léger “J’ai une bonne et mauvaise nouvelle” lors d’un ultime échange téléphonique.

“Elle joue son propre avenir à la roulette russe”

La droite juge à l’unisson que Marine Le Pen a commis une erreur stratégique majeure en baissant le pouce. “Elle fait un coup de poker politique et joue l’avenir du pays et son propre avenir à la roulette russe”, souligne un ministre LR. “Elle a ruiné dix ans de responsabilisation”, note Bruno Retailleau dans Le Figaro.

Le RN tentait de s’institutionnaliser ? Le voilà renvoyé à son statut de formation “protestataire”. Il cherche à élargir sa sociologie électorale aux retraités, commerçants et artisans ? Il aurait effrayé ces Français, soucieux de stabilité parlementaire. Cet électorat, longtemps chasse gardée de la droite, est une terre de conquête du Rassemblement national. Ainsi, Laurent Wauquiez a énuméré mercredi les conséquences néfastes de la motion de censure sur ces électeurs si disputés. La chute du gouvernement entraînerait “l’arrêt des aides d’urgence pour les agriculteurs”, “la fin du plan d’urgence pour sauver nos maisons de retraite de la faillite”, ou encore l’incertitude économique pour toutes les entreprises comme les professions libérales.

La droite traque les signes de colère. En réunion de groupe, des députés DR ont évoqué jeudi la gêne d’électeurs frontistes de leurs circonscriptions. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard note en privé la colère des exploitants contre les artisans de la chute de Michel Barnier. Et qu’importe la lettre écrite par Marine Le Pen aux agriculteurs pour calmer leurs inquiétudes. Tout comme cet entretien accordé à la chaîne de droite conservatrice Cnews, lors duquel elle a justifié son acte politique. Elle dénonce même auprès du Figaro un “budget socialiste”, empruntant une réthorique libérale. “Il faut qu’ils voient qu’en contrepartie des 40 milliards d’impôts, dont 4 milliards d’augmentations du coût du travail, il n’y avait aucune économie sérieuse sur le fonctionnement de l’État.”

Glissement idéologique

Le RN, nouvel agent du chaos. Enfin, la droite se dote d’un nouvel angle d’attaque contre la formation d’extrême droite, qu’elle peine tant à combattre. Les Républicains se sont rapprochés des positions historiques du RN en matière d’immigration. Ce glissement idéologique a entaché leur singularité. La droite a cessé d’opposer un discours de valeurs à l’héritier du FN, par crainte de s’aliéner ses électeurs. Le diable de la République a changé. Laurent Wauquiez dépeint désormais La France insoumise en “plus grand danger politique pour notre pays”. Il souhaite mettre en scène son affrontement idéologique avec LFI, dans la grande tradition bipartisane. “La véritable opposition dans le pays n’est pas face au macronisme ou au Rassemblement national. Elle est face à une gauche […] déterminée à mener une politique multiculturelle de destruction”, théorisait-il en décembre 2023 dans Le Figaro.

Que reste-t-il face au RN ? La droite se contente d’étriller son projet économique, présenté comme “d’extrême gauche”. Cet argument est répété ad nauseam, non sans paresse intellectuelle. Il fait fi des évolutions du RN. Et laisse surtout la droite à la merci de revirements futurs d’une formation à l’étonnante plasticité idéologique. Quand Éric Ciotti décide de s’allier à Marine Le Pen en juin 2024, Annie Genevard le met en garde : “On n’est d’accord sur rien avec eux sur l’économie et le social”. “Ils évolueront”, répond le Niçois. Comme si l’élargissement de la base électorale frontiste induisait un alignement sur la doctrine économique de la droite.

“Le RN est un parti de gens qui ne travaillent pas”

Alors, la droite traque ses divergences avec son adversaire. Sa compétence peut-être ? LR toise ce rival au faible vivier de cadres et insiste sur son inaptitude supposée à exercer le pouvoir. “Le RN est un parti de gens qui ne travaillent pas”, assurait début 2024 l’eurodéputé François-Xavier Bellamy. Le vote de la censure par Marine Le Pen nourrit ce récit d’une formation protestataire, loin de l’exercice du pouvoir. Par ses capacités, comme son esprit de responsabilité.

Cette offensive infusera-t-elle dans l’opinion ? Les électeurs de la première circonscription des Ardennes, théâtre d’élections législatives partielles, apporteront dimanche une première réponse. Le candidat RN Jordan Duflot affrontera au second tour Lionel Vuibert, député Renaissance de 2022 à 2024. Le frontiste est arrivé en tête au premier tour avec 39,12 % des suffrages. En réunion de groupe, le député DR des Ardennes Pierre Cordier a averti les siens. Une défaite du RN serait un camouflet pour Marine Le Pen. S’il l’emporte avec plus de 55 %, alors son coup politique ne lui aura pas été fatal.




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