La Fabrique du rêve
Par Victor Stoichita.
Hazan, 280 p., 110 €.
Pénétrer l’inconscient : un vieux rêve caressé par nombre d’artistes face à leur chevalet. Dans un bel ouvrage grand format sous coffret, l’auteur explore cette grande machine de l’imaginaire humain par le biais de sa représentation picturale. Comment les maîtres de la Renaissance et de l’âge classique ont-ils tenté d’interpréter l’invisible ? De Raphaël à Vermeer, de Giotto à Bosch, de Dürer à Schongauer, c’est une incomparable galerie d’images où l’art croise le songe dans un défi aussi technique que freudien. L. Da.
Pièces iconiques
Par collectif.
Larousse, 304 p., 34,95 €.
Comment sont nés le jean, le Borsalino, le trench, la petite robe noire, la ballerine Repetto, le carré Hermès ou le sac Jacky ? Qui a propulsé la marinière au rang d’icône, de Jean Seberg à Jean-Paul Gauthier, en passant par Picasso ? Photographies, dessins et documents d’archives à la clé, ce beau livre revient sur la genèse, les reprises, les variations de dix-huit pièces emblématiques du chic à la française. Une saga vivante, traversée par des figures de la haute couture, du grand écran et du gotha. L. Da.
Amérique, des écrivains en majesté
Par Jean-Luc Bertini et Alexandre Thiltges.
Albin Michel, 335 p. 39,90 €.
Alexandre Thiltges et le virevoltant photographe Jean-Luc Bertini sont restés fidèles à Kerouac : ils prennent la route. Après Amérique, des écrivains en liberté, où ils rendaient visite aux écrivains de l’Ouest, voici Amérique, des écrivains en majesté, où ils vont interviewer ceux du Sud et de l’Est. Au cours de leur road-trip, on croise Colson Whitehead, Joyce Carol Oates, Jay McInerney et une vingtaine d’autres. Il n’y a pas que le choc des photos : les textes sont passionnants. L’Amérique n’aurait-elle pas dit son dernier mot ? L.-H. L. R.
Rose. Histoire d’une couleur
Par Michel Pastoureau.
Seuil, 192 p., 39,90 €.
En quatre têtes de chapitre, “Une couleur discrète (des origines au XIVe siècle)”, “Une couleur admirée (XIV-XVIe)”, “Une couleur en quête d’un nom (XVI-XVIIIe)”, “Une couleur ambiguë (XVIII-XXIe)”, le grand historien Michel Pastoureau dit tout de la complexité du rose, sans statut de couleur à part entière pour la science, mais si présent dans la nature. Dans ce septième livre d’une série entreprise en 2000 avec l’histoire du bleu, Pastoureau décline, comme à son habitude, lexique, symboles, vie quotidienne, pratiques sociales, applications techniques, morales religieuses, et créations artistiques. Passionnant ! M. P.
La Vie effrénée de Salvador Dali
Par Ian Gibson, traduit par Christophe Mercier.
Le Cherche midi, 648 p., 89 €.
En 1997, l’universitaire irlandais Ian Gibson, grand spécialiste du surréalisme espagnol, publiait l’ouvrage de référence sur Salvador Dali. Les éditions du Cherche Midi traduisent enfin cette somme, à la fois biographie exhaustive et beau livre fastueux. De Figueres à New York en passant par Paris et Madrid, l’auteur y cerne au plus près un peintre qui a voulu devenir mythe, un timide honteux qui s’est caché derrière les masques de la provocation et des excentricités. En guest star, on retrouve son égérie Amanda Lear, elle aussi championne des faux-semblants. T. M.
Les Gardiens du geste : Sur le chantier de Notre-Dame de Paris
Par Laurence Bost.
Gallimard, 112 p., 26 €.
Si, réouverture de Notre-Dame de Paris oblige, les ouvrages sur la cathédrale pleuvent, celui-ci se distingue par son approche. Unique artiste accueillie sur le chantier de restauration, Laurence Bost a immortalisé en peintures la centaine d’artisans venus de France et d’Europe redonner vie à l’édifice incendié en 2019. Elle y saisit la virtuosité des gestes séculaires dont ces charpentiers, tailleurs de pierre, taillandiers, maîtres verriers ou doreurs sont les précieux gardiens. Un beau livre qui accompagne l’exposition présentée au musée de la Légion d’honneur jusqu’au 2 mars. L. Da.
Kaïdara, Amadou Hampâté Bâ
Illustré par Omar Ba.
Diane de Selliers, coffret, 268 p., 230 €.
C’est la confrontation, superbe, des œuvres de deux artistes : page de gauche, le Kaïdira, long poème allégorique de l’écrivain malien d’origine peule Amadou Hampatê Bâ (1901-1991) racontant le cheminement de trois compagnons et leur rencontre avec Kaïdira, dieu de l’or et de la connaissance ; et en recto (ou en double page), 40 illustrations hautes en couleurs du renommé Sénégalais Omar Ba. Le résultat est époustouflant. A découvrir en un seul souffle ou en deux lectures séparées. Notre conseil ? Additionner les deux méthodes. M. P.
Solitaires. Une histoire du Vendée Globe
Par Sébastien Destremau et Théodore de Kerros. Illustrations Laurent Duvoux.
Ed. E/P/A, 96 p., 40 €.
Un grand format à l’italienne pour un superbe livre illustré autour de la plus mythique des courses au large. Le skipper chevronné Sébastien Destremau, qui a déjà deux participations au Vendée à son actif, et le reporter baroudeur Théodore de Kerros y ont recueilli les témoignages de 11 concurrents emblématiques (Philippe Jeantot, Justine Mettraux…), enrichis par le récit, plus personnel, de Destremau autour de sa propre expérience. Ne manquait plus que le graphisme virtuose de Laurent Duvoux qui vient animer la traversée et en restituer en couleur et en mouvement toutes les péripéties. Evasion garantie. L. Da.
Métamorphoses françaises
Par Jérôme Fourquet.
Seuil, 208 p., 29,90 €.
Métamorphoses françaises synthétise en images les travaux de Jérôme Fourquet, Géo Trouvetou des datas et chroniqueur de l’archipélisation française. A travers des infographies, le politologue et directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop dissèque les mutations sociales et politiques de notre pays, entre déchristianisation, évolutions des prénoms, essor des familles monoparentales, américanisation des modes de vie et boom du yoga ou des brocantes. Un album de famille collectif qui s’est déjà vendu à près de 25 000 exemplaires. T. M.
Je t’aime
Par Dominique Marny.
Les Saints Pères, 312 p., 200 €.
On est ici dans le haut de gamme : les éditions des Saints Pères s’adressent aux esthètes collectionneurs. Spécialisée à ses débuts dans la reproduction luxueuse de manuscrits, la maison élargit peu à peu sa palette. Petite-nièce de Cocteau, Dominique Marny avait consacré à son oncle un livre onirique paru l’an dernier chez le même éditeur (Chambres avec vue). Avec Je t’aime, elle reste du côté du rêve en traversant une carte du Tendre où Mademoiselle de Scudéry côtoie Gustav Klimt. Citations, œuvres d’art : un livre où tout est cristallisation. L.-H. L. R.
Chefs-d’œuvre disparus
Par Sophie Pujas.
Hoëbeke, 221 p., 32 €.
La destinée des chefs-d’œuvre peut s’avérer mouvementée. Jusqu’à entraîner leur disparition, mystérieuse, accidentelle, voire criminelle. Cambriolages, pillages de guerre, erreurs humaines, incendies… Des tableaux ou de sculptures se sont ainsi évaporés dans la nature. La romancière et journaliste Sophie Pujas en répertorie plus d’une centaine dont elle retrace le rocambolesque cheminement. Tout, vous saurez tout sur l’introuvable Caravage volé par la Mafia, le Picasso détruit dans un crash aérien, La Circassienne au bain naufragée du Titanic ou le double autoportrait d’Egon Schiele saisi par les nazis. L. Da.
Les Ruines de Paris
Par Nathan Devers, Yves Marchand et Romain Meffre.
Albin Michel, 132 p., 49 €.
Si vous feuilletez par hasard ce livre sans lire son sous-titre, “Quand l’intelligence artificielle prédit l’avenir”, vous avez de quoi être estomaqués : la butte Montmartre envahie par la végétation tout comme la tour Eiffel brisée à son premier étage, la Grande Arche de la Défense décatie, les musées et l’Opéra comme soufflés par une explosion, etc., et le pire, c’est que c’est beau. Les photographes Marchand et Meffre expliquent ici leur travail “machiavélique” de mise en ruine (pas si facile que cela), tandis que Nathan Devers disserte sur ce Paris vu à travers le prisme de Pompéi et sur les 80 images, métaphores “des inquiétudes, des vertiges apocalyptiques qui habitent l’imaginaire collectif”. Percutant ! M. P.
Face au mur
Par Cyrille Gouyette.
Editions Alternatives, 224 p., 30 €.
Un énième livre sur l’art urbain ? Oui, mais sous l’angle original du portrait. Historien de l’art et iconophile tout terrain, Cyril Gouyette nous raconte comment ce genre pictural d’abord élitiste puis abandonné, a retrouvé ses lettres de noblesse dans la rue. En reprenant des figures célèbres ou en créant de nouvelles icônes, ici mises en regard avec des œuvres du passé, les graffeurs se réapproprient le registre, faisant fi des techniques et des codes s’y rattachant, pour mieux le régénérer. L. Da.
1945
Par Jean-Christophe Buisson.
Perrin, 311 p., 26 €.
Profitons de la trêve hivernale en nous replongeant quatre-vingts ans en arrière avec 1945, éphéméride superbement illustrée dans laquelle Jean-Christophe Buisson raconte avec son brio habituel cette année charnière. Il passe au crible l’actualité militaire, diplomatique et culturelle, de la conférence de Yalta au prix Goncourt attribué à Jean-Louis-Bory pour Mon village à l’heure allemande. Mieux valait ne pas se trouver à Royan, Dresde, Hiroshima, Nagasaki… Sale temps aussi pour les écrivains collabos, entre l’exécution de Brasillach et le suicide de Drieu La Rochelle. L’espoir renaît ici et là : les camps d’Auschwitz et Dachau sont libérés, les femmes peuvent voter en France, le jazz explose, le cinéma est créatif… Buisson redonne vie à tous ces enfants du paradis (et de l’enfer). L.-H. L. R.
Sur le fleuve Amazone
Par Jean-Christophe Rufin.
Calmann-Lévy, 150 p., 29,90 €.
Le neurologue-psychiatre le plus célèbre de l’Académie Française, ancien dirigeant de Médecins sans frontières et d’Action contre la faim, a toujours aimé sillonner le monde. Aussi n’est-il pas étonnant que l’auteur de Rouge Brésil (Goncourt 2001) soit parti en janvier 2020 sur le fleuve Amazone effectuer ce carnet de voyage, composé d’aquarelles, de dessins et de textes, tous de sa main. Descendre l’Amazone, “c’est non combattre, mais s’abandonner”, voilà pourquoi le romancier a choisi, non pas de partir de Belém, comme dans l’Aguirre de Werner Herzog, mais de São Gabriel, en amont du Rio Negro. 3 000 kilomètres l’attendent, sur des ferrys surchargés : nuits dans le hamac, comparses divers (Amérindiens, Sénégalais, Vénézuéliens), villes sans charme… La croisière atypique de Senhor Rufin est des plus exotiques. M. P.
Concorde, l’icône d’un idéal
Par Adrien Motel.
Place des Victoires, 240 p., 49 €.
C’est l’icône d’une époque révolue, celle de l’âge d’or d’une France gaullienne comme du carburant à profusion. Il fut un temps où l’on pouvait traverser l’Atlantique en trois heures en mangeant du foie gras truffé dans des cabines d’Andrée Putman, sans se soucier d’émissions carbone ou de l’épuisement des ressources naturelles. Après le paquebot Normandie, Adrien Motel retrace la saga du Concorde, de l’alliance entre Français et Britanniques en 1962 jusqu’à la catastrophe de 2000 à Gonesse. Le « plus bel oiseau du monde » a été un triomphe technologique, un chef-d’œuvre esthétique et un mirage économique. T. M.
Vies des artistes
Par Giorgio Vasari.
Citadelles & Mazenod, 552 p., 225 €.
Certes, cet imposant coffret a son prix (et pèse son poids), mais c’est le genre d’ouvrage qui fait office de pièce maîtresse dans une bibliothèque et se transmet d’une génération à l’autre. Cimabue, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Titien… L’écrin renferme 35 des plus fameuses Vies de Giorgio Vasari parues en 1550, dans lesquelles le père de l’histoire de l’art dresse le portrait des peintres, sculpteurs et architectes phares de la Renaissance italienne en éclairant le contexte culturel de l’époque. Du lourd ! L. Da.
Ernest Cole, photographe
Par Ernest Cole et Raoul Peck.
Denoël, 240 p., 35 €.
Primé au festival de Cannes et en salles le 25 décembre, Ernest Cole, photographe est aussi un livre, un très beau livre. Nourri par les clichés en noir et blanc inédits de Cole (1940-1990), photographe sud-africain exilé politique aux Etats-Unis en 1966 (et banni par contumace), il est le témoignage stupéfiant des ravages de l’apartheid du régime afrikaner et de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Townships misérables, arrestations arbitraires en Afrique du Sud, puis, après la frénésie new-yorkaise, la peur dans le Sud en proie aux lois Jim Crow… Et toujours ce même courage. M. P.
Rimbaud est vivant
Par Luc Loiseaux.
Gallimard, 263 p., 39 €.
Les fétichistes de Rimbaud ont peu de grain à moudre sur le plan visuel, le poète n’ayant laissé que de rares photos de lui. C’est ce qui a motivé ce projet de Luc Loiseaux, déconcertant sur le papier, envoûtant à l’arrivée : “Etre absolument moderne” et faire appel à une IA générative d’images pour imaginer la vie du poète – la période allant de 1870 à 1875. A la lecture, on se dit que ce livre original devrait en inspirer d’autres dans un futur proche. Quand la légende est plus belle que la réalité, réinventez-la à l’aide d’une IA ? L.-H. L. R.
Ombres et lumières
Par Vincent Perez.
Skira, 144 p., 35 €.
On le sait moins, l’acteur et réalisateur Vincent Perez est également un photographe reconnu. Après Un voyage en Russie (2017), il livre aujourd’hui son regard sur un lieu emblématique de la bohème artistique de l’Ecole de Paris : la Grande Chaumière. Avec son vieil argentique, il a fait poser des modèles pour capturer l’essence de cet endroit unique, qui a vu passer Miro, Balthus ou Louise Bourgeois, et en convoquer les figures marquantes comme Kiki de Montparnasse. Des clichés en noir et blanc à la beauté intemporelle qui questionnent aussi le traitement du nu à l’ère post #MeToo. L. Da.
Ni vu ni connu
Par Sarah Belmont.
Chêne, 256 p., 39,90 €.
Repentirs, repeints, retouches ou réemplois, sous la peinture se cachent parfois des tracés, des fragments de personnages ou même des compositions entières qui en disent long sur les intentions et le processus créatif des plus grands artistes. Que nous racontent cet homme dissimulé sous l’odalisque de Boucher, cet angelot libertin effacé par Watteau ou ce cupidon recouvert chez Vermeer ? L’auteure a mené l’enquête avec la complicité du Centre de recherches et de restauration des musées de France (C2RMF) pour nous dévoiler les dessous de 25 tableaux. Un déshabillage palpitant, infrarouges, ultraviolets et rayons X à l’appui. L. Da.
Les Grandes Batailles de l’Histoire
Par Paolo Cau.
Glénat, 304 p., 39,95 €.
De Qadesh, qui vit l’affrontement entre Hittites et Egyptiens en 1285 avant J.-C., jusqu’à l’invasion de l’Ukraine en 2022, en passant par Alésia, Hastings, Waterloo, Verdun ou Stalingrad, un expert italien retrace, à travers 100 batailles décisives, trois mille ans d’histoire militaire. Chaque bataille est accompagnée d’un texte expliquant le contexte et le déroulement des combats, ainsi que de cartes, de reconstitutions numériques, de focus sur les armements et d’infographies sur les forces en présence. Le cadeau rêvé pour les fanas mili. T. M.
Naufragés. Histoires vraies
Par Daniel Fiévet.
Julliard, 214 p., 34,90 €.
Il est des histoires extraordinaires qui ont marqué celle de la navigation. Non par les exploits de ses marins, mais par l’incroyable instinct de survie de ces naufragés confrontés à l’adversité, tels les rescapés du radeau de La Méduse. A partir de ces incroyables faits divers qui, du XVIIe au XXe siècle, sont entrés dans la légende, le journaliste de France Inter Daniel Fiévet a conçu un podcast (écouté par plus de 2,5 millions de personnes) et aujourd’hui ce bel album illustré par Nicolas Vial et Aleksi Cavaillez. M. P.
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