Les progrès de l’intelligence artificielle monopolisent l’attention. Mais pendant ce temps, une autre technologie de rupture avance à bon pas : l’informatique quantique. Google a dévoilé ce lundi 9 décembre le fruit de ses derniers travaux en la matière : un processeur dernier cri baptisé Willow qui amène “deux progrès majeurs”, promet l’entreprise. Le premier ? La réduction “exponentielle du nombre d’erreurs”. Une capacité qui peut sembler aller de soi, mais dans ce domaine, il s’agit d’une avancée majeure. Et ce, à cause de la façon même dont les technologies quantiques se comportent. Contrairement à l’informatique classique, qui fonctionne avec des bits, qui ont une valeur de 0 ou de 1, l’informatique quantique utilise des qubits. Ces qubits peuvent avoir plusieurs valeurs simultanément, ce qui permet de réaliser une multitude de calculs en parallèle, et donc de réduire drastiquement le temps passé à résoudre des problèmes ou des équations complexes.
La nouvelle puce quantique de Google
Cependant, ces qubits ne sont pas très stables : même des particules de lumière peuvent les perturber, et créer un phénomène appelé décohérence. Cette décohérence les amène à commettre des erreurs difficiles à prévoir. De manière générale, “plus on utilise de qubits, plus il y a d’erreurs”, résume Hartmut Neven, chef du laboratoire de recherche de Google dans le quantique. Ce qui posait un problème de taille au secteur : les processeurs ne pouvaient pas grossir, et donc devenir plus puissants, sans faire encore plus d’erreurs. Un cercle vicieux qui a bloqué les scientifiques pendant “près de 30 ans”.
Les équipes de Google ont mis au point un système de correction des erreurs en temps réel. En encodant l’information sur plusieurs qubits, les chercheurs ont produit un “qubit logique”. Au lieu d’effectuer les calculs avec les qubits eux-mêmes, Google utilise les qubits logiques, fiabilisant le processus. Grâce à cette technique, Willow peut “réduire les erreurs de manière exponentielle au fur et à mesure que l’on augmente le nombre de qubits”, affirme l’entreprise.
Google a testé des réseaux de qubits physiques de plus en plus grands, passant d’une grille de 3×3 qubits encodés à une grille de 5×5, puis à une grille de 7×7. “A chaque fois, grâce à nos dernières avancées en matière de correction des erreurs, nous avons pu réduire le taux d’erreur de moitié”, se félicitent les chercheurs.
L’objectif : s’ouvrir au grand public
Deuxième avancée mise en avant par Google : Willow est rapide. Afin de mesurer l’efficacité du processeur quantique, les chercheurs l’ont soumis à un benchmark, mis au point en interne, nommé RCS. Il mesure “la performance des ordinateurs quantiques à travers des critères comme la fidélité des circuits, la vitesse d’exécution ou la tolérance au bruit, explique Louise Frion, responsable de projets nouvelles technologies de l’Institut Montaigne. Ce benchmark est utilisé par les équipes de Google pour comparer les processeurs quantiques à des ordinateurs classiques, et mesurer si le calcul quantique peut dépasser le calcul classique sur des tâches spécifiques”. Autrement dit, si la révolution quantique que l’industrie nous promet est une réalité.
Les résultats de Willow sont parlants. Le processeur quantique a effectué en moins de 5 minutes un calcul extrêmement complexe, qui aurait nécessité à l’un des superordinateurs les plus rapides du monde 10 septillions d’années — c’est-à-dire, 10 000 000 000 000 000 000 000 000 ans. Les processeurs Willow sont fabriqués aux États-Unis, précise Google, dans un centre de pointe construit expressément pour cela, à Santa Barbara. Tout le processus de fabrication de ces puces doit être contrôlé car “si un composant est lent ou si deux composants ne fonctionnent pas bien ensemble, les performances du système s’en ressentent”.
L’objectif à long terme de Google dans le quantique : s’ouvrir au grand public. “Jusqu’à présent, le secteur n’a mené que deux types d’expériences. D’un côté, des évaluations RCS qui mesurent la performance comparée à des ordinateurs classiques, mais n’ont pas d’applications réelles connues. De l’autre, des simulations scientifiquement intéressantes sur des ordinateurs, qui ont permis de nouvelle découvertes mais qui restent à la portée d’ordinateurs classiques”, reconnait l’équipe dans son communiqué de presse. Pour que la magie opère, il faudra réussir à concilier les deux.
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