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“La CIA et le FBI tremblent” : les sulfureuses affinités de la future patronne du renseignement Tulsi Gabbard


Il y a de quoi s’inquiéter lorsque la candidate au poste de directrice du renseignement national américain est encensée par les médias russes. Tulsi Gabbard est “notre copine”, a déclaré en 2022 un animateur populaire. C’est une “superwoman” a écrit récemment un organe de presse, une “camarade” a renchéri une chaîne de télé. Quant à la Komsomolskaya Pravda, elle a remarqué avec approbation que les Ukrainiens la considéraient “comme un agent de l’Etat russe”. “La CIA et le FBI tremblent”, a clamé le journal. Et pour une fois, il y a un grain de vérité. Même s’il n’y a aucune preuve qu’elle soit à la solde du Kremlin, la nomination de Tulsi Gabbard, 43 ans, a mis le monde du renseignement en émoi. Elle est “très problématique”, résume Christopher McKnight Nichols, professeur à l’université d’Etat de l’Ohio et spécialiste de questions de sécurité.

“Toutes ses positions vont à l’encontre de celles affichées par les organismes qu’elle est censée chapeauter.” La fonction de directeur du renseignement (DNI), a été créée en 2004 dans le but de remédier aux erreurs qui ont conduit aux attentats du 11 Septembre, notamment le manque de coopération entre les différentes agences. Son rôle est de coordonner les 18 services de renseignement et de centraliser leurs analyses. Si Tulsi Gabbard est confirmée par le Sénat, elle aura donc accès à tous les secrets d’Etat. Elle sera en charge également de préparer les briefings quotidiens pour la Maison-Blanche et de conseiller le président sur les menaces à la sécurité nationale. D’où une énorme influence.

Un penchant pour la désinformation

Cette fan de surf et de yoga originaire des îles Samoa américaines est un choix curieux. Outre son penchant pour la désinformation et les autocrates, elle n’a jamais dirigé la moindre organisation fédérale et n’a guère d’expérience en matière d’espionnage, de sécurité ou de diplomatie. Qu’importe ! La loyauté compte plus que les compétences pour Donald Trump qui apprécie son parcours atypique. Après avoir grandi à Hawai, Tulsi Gabbard a été élue à 21 ans au congrès de l’Etat sous la bannière démocrate. Elle s’est enrôlée ensuite dans la Garde nationale et a été envoyée en Irak en 2004, puis au Koweït.

En 2013, elle a remporté un siège à la Chambre des représentants. De confession hindoue, elle est mariée à un cameraman qui a des liens étroits, comme elle et toute sa famille, avec la Science of Identity Foundation, un groupe aux finances troubles dérivé de la secte Hare Krishna et mené par un gourou blanc très controversé. En 2020, cette brune télégénique à la voix bien timbrée s’est présentée aux primaires démocrates avec un programme progressiste. Après son échec, elle a quitté le parti le jugeant dominé par “une cabale élitiste de va-t-en guerre poussés par un wokisme lâche”, écrit-elle dans ses Mémoires. Elle est devenue commentatrice sur Fox News, la chaîne de droite, et s’est transformée en une trumpiste virulente, à tel point que Donald Trump a envisagé d’en faire sa colistière.

En annonçant sa nomination, ce dernier a vanté son “esprit intrépide”. Mais ce choix, comme celui du flamboyant Kash Patel à la tête du FBI – l’actuel directeur Christopher Wray a annoncé hier qu’il démissionnerait en janvier-, témoigne surtout de l’aversion du futur président à l’égard de ses services de renseignement. Il les accuse d’avoir comploté pour torpiller ses campagnes présidentielles et son premier mandat. A Helsinki en 2018, quand on lui a demandé s’il croyait à l’analyse des spécialistes américains selon laquelle Moscou s’était ingéré dans les élections de 2016 pour le faire élire, il a répondu de manière sidérante qu’il faisait davantage confiance au dirigeant du Kremlin. “Le président Poutine dit que ce n’est pas la Russie. Je ne vois pas de raison pour que ce soit elle”, a-t-il lancé.

Opposée aux interventions militaires

En Tulsi Gabbard, il a trouvé une âme sœur avec des vues tout aussi iconoclastes et isolationnistes. Peut-être à cause de son passage en Irak, elle est farouchement opposée aux interventions militaires américaines qui nous “mettent au bord de la guerre nucléaire” répète-t-elle. Lorsqu’elle était à la Chambre, la représentante d’Hawaï s’est fait connaître pour ses attaques contre la politique de Barack Obama en Syrie. Elle lui a reproché d’aider des groupes rebelles en lutte contre le régime sanguinaire du président Bachar el-Assad, lié à l’Iran et à la Russie, qu’elle est allée rencontrer secrètement à Bagdad. Face aux critiques, elle a répliqué que l'”on devrait être prêt à s’entretenir avec tout individu s’il y a une chance d’aider à mettre un terme à ce conflit”. Et elle s’est dite “sceptique” sur le fait que l’attaque à l’arme chimique contre la population civile ait été diligentée par Assad.

Il “n’est pas l’ennemi des Etats-Unis”, a-t-elle dit. Elle s’est fait remarquer de nouveau pour ses positions pro-Poutine au moment de l’invasion russe en Ukraine. La transfuge démocrate a tweeté que la guerre aurait pu être “facilement évitée” si l’administration Biden et l’Otan avaient “simplement reconnu les inquiétudes légitimes de la Russie en matière de sécurité”. Quelque temps plus tard, elle a posté une vidéo reprenant une théorie complotiste propagée par Moscou selon laquelle les Etats-Unis financeraient des dizaines de laboratoires biologiques en Ukraine susceptibles de lâcher des agents pathogènes mortels.

Encore plus préoccupant pour le FBI, la CIA et les autres agences, elle les voit comme des Big Brothers et n’a pas beaucoup de respect pour leurs activités. En 2020, juste avant son départ de la Chambre, Tulsi Gabbard a déposé un projet de loi pour éliminer le Patriot Act qui a étendu les pouvoirs de surveillance du gouvernement après les attentats du 11 Septembre. Elle a poussé également à voter – sans succès — une mesure destinée à protéger des agents fédéraux qui alerteraient les médias sur des programmes ou des rapports secrets. Elle a milité enfin pour l’abandon des poursuites contre Edward Snowden et Julian Assange, responsables de deux des plus grosses fuites de l’Histoire américaine. Pas tout à fait du goût de ses futurs collègues.

Mettre un terme à la loi qui autorise la surveillance électronique

En tant que DNI, elle pourrait essayer de réformer la collecte de l’information et mettre un terme à la loi qui autorise la surveillance électronique. Mais “c’est un personnage controversé, et compte tenu de ses positions sur la capacité des services de renseignement, elle risque de faire face à un défi de taille pour s’acquitter efficacement de sa tâche”, estime Jamil Jaffer, le directeur et fondateur du National Security Institute à l’université George Mason.

Cela promet des tensions entre les différentes agences, hésitantes à communiquer leurs données et leurs sources. Les experts anticipent aussi des frictions entre Tulsi Gabbard, Mike Waltz et Marco Rubio, respectivement futurs conseiller à la Sécurité nationale et ministre des Affaires étrangères, et beaucoup plus faucons. “Le fait que les candidats de Trump ne soient pas d’accord sur le rôle des Etats-Unis dans le monde va compliquer les choses,” observe James Lindsay du cercle de réflexion, le Council on Foreign Relations. “On peut s’attendre à ce que la politique étrangère de la seconde administration soit encore plus chaotique et turbulente que la première.” Christopher McKnight Nichols s’inquiète surtout de la coopération internationale.

“Les agences de renseignement dans le monde regardent les Etats-Unis avec appréhension”, poursuit-il. Il craint que “les alliés ne limitent l’échange d’information par peur que l’administration Trump ne divulgue leurs secrets et que les Etats-Unis agissent de même. Sans cette collaboration, beaucoup de pays, dont la France, seront plus à risque en matière de terrorisme.” Jamil Jaffer se veut plus rassurant : “L’Europe obtient bien plus des Etats-Unis que ce qu’elle leur fournit en termes de renseignement”, compte tenu de l’ampleur des capacités américaines. “Ce ne serait donc pas avantageux pour les services européens de ne pas partager leurs connaissances avec nous.”

Tulsi Gabbard est loin de faire l’unanimité, y compris dans le camp républicain. “Ce n’est pas un poste pour une sympathisante de la cause russe, iranienne, syrienne et chinoise”, a affirmé Nikki Haley, l’ex-ambassadrice de Trump à l’ONU. “Vous voulez vraiment qu’elle reçoive tous les secrets des Etats-Unis… alors qu’elle a clairement été dans la poche de Poutine”?, s’est exclamée Elizabeth Warren, la sénatrice démocrate. A-t-elle une chance d’être confirmée par le Sénat ? Elle va être soumise à “beaucoup de questions”, a reconnu sur CNN le sénateur républicain James Lankford. “Il est vraiment important que nous ayons à ce poste un leadership capable de soutenir” le renseignement. Reste à savoir si Tulsi Gabbard partage la même opinion.




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