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Photographie : sur les traces de Marville, l’énigmatique pionnier


Qui était vraiment Charles Marville ? L’homme, qui a immortalisé les monuments et les artères de Paris avant et après les transformations de la capitale entreprises sous le Second Empire, compte parmi les pionniers de la photographie au XIXe siècle. Pourtant, sa vie et son œuvre restent énigmatiques à bien des égards. C’est ce que nous raconte la première biographie consacrée au personnage, un ouvrage XXL, richement documenté et illustré, qui se lit comme un roman policier.

Dans le rôle du limier, l’architecte et historien Bertrand Lemoine s’est attachée à retracer le parcours de Marville, dont on a découvert il y a seulement quelques années le véritable patronyme : né Charles-François Bossu en 1813, moqué par ses camarades d’école en raison de son nom, il adopte un pseudonyme dès ses débuts en tant qu’illustrateur graveur.

Pour l’inspecteur Lemoine, tout commence à Lectoure, dans le Gers, quand il découvre, en 2018, un tableau dans la vitrine d’un antiquaire. La toile, qui figure un homme, pinceau et palette à la main, ressemble à un autoportrait. Après recherche, l’homme s’avèrera être Charles Marville. S’est-il représenté lui-même ? A-t-il posé pour l’un de ses amis artistes ? Et, d’ailleurs, a-t-il même œuvré comme peintre, lui qui se présentait ainsi, mais dont, en dehors de la somme photographique qu’il a laissée, seuls des dessins nous sont parvenus ?

De ce personnage discret, qui travaillait à l’abri des regards dans son atelier de la rue d’Enfer – aujourd’hui Denfert-Rochereau -, on ne connait pas plus l’intimité. Resté célibataire jusqu’à sa mort en 1879, il est proche d’Ingres dont il photographie les œuvres, flanqué d’un jeune assistant qui semble occuper une place plus importante que celle d’un simple collaborateur, nanti d’une mystérieuse compagne qui deviendra son héritière.

Au fil des 650 pages du pavé de Bertrand Lemoine, le Vieux et le Nouveau Paris se déploient sous nos yeux, le passage du daguerréotype au calotype se fait jour, tandis que la Commune embrase la Ville Lumière. Décryptée en détail, la production du précurseur de l’objectif, qui n’a laissé ni correspondance ni écrits, révèle un artiste sensible : photographe virtuose des grands travaux haussmanniens et de la flèche de Notre-Dame érigée par son contemporain Viollet-Le-Duc, Charles Marville s’est livré aussi à de somptueuse études de ciels, captés depuis son balcon, annonciatrices de l’impressionnisme.

Charles Marville, du pinceau à la chambre noire, par Bertrand Lemoine, éditions Presses des Ponts, 656 p., 65 €.




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