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“Severance”, saison 2 : les séries peuvent-elles nous apprendre à mieux manager ?


Ambiance sous-sol aseptisé, néons blafards et salariés déshumanisés : Severance est de retour le 17 janvier sur Apple TV+. Dans cette série dystopique, les employés du sous-sol de l’entreprise Lumon ont tous une particularité : avoir choisi la “dissociation”, une opération chirurgicale consistant à placer une puce dans leur cerveau pour définir une frontière cognitive imperméable entre vie privée et professionnelle. Résultat : leurs soucis personnels s’évanouissent aux portes du bureau. Et leur histoire avec. “Severance est sortie pile au moment de la généralisation du télétravail, quand cette question des frontières s’est justement posée”, rappelle Claire Edey Gamassou, enseignante-chercheuse en management à l’université Paris-Est Créteil et co-organisatrice du colloque “Management en séries”. “Cette fiction illustre bien ce que l’on apprend en sciences du management : être déconnecté de soi va à l’inverse du potentiel d’épanouissement d’un collectif.”

Un anti-manuel de management

Dans la première saison (attention spoiler), chacun des “dissociés” finit, en effet, par souffrir d’ignorer qui il est réellement et cherche désespérément à échapper à cette prison psychologique. Pourtant, pour tenter de garder ses employés calmes et motivés, Lumon déploie des trésors de créativités : des jeux de farce-et-attrape à gagner, des “gaufres parties” organisées dans une reproduction de la chambre du saint-patron ou encore des “séances bien-être” où l’on déroule aux salariés les qualités de leur “exter” (leur “eux-mêmes” dans la vie perso). Pour calmer les récalcitrants, une salle de torture psychologique est prévue. Le supplice ? Psalmodier des excuses jusqu’à épuisement.

Severance est un concentré caricatural des méthodes de management les plus manipulatrices, absurdes et cyniques, analyse la spécialiste. De l’injonction à nouer des liens sans autoriser les pauses en commun, au culte du patron, en passant par l’utilisation du ludique, beaucoup de scènes peuvent être analysées. Mais si je devais m’appuyer sur cette série dans un cours, je m’en servirais pour illustrer le concept de mise en concurrence”. Lumon a, en effet, trouvé une idée simple pour dissuader les différents services de l’entreprise de se parler : la présence d’un tableau représentant un groupe de personnes en train d’être massacré – littéralement – par celui se trouvant à l’autre bout du couloir…

Rendre tangible l’émotion et les rapports humains

Dans le monde de l’enseignement, l’objet fictionnel est devenu un support, rendant tangible l’émotion et les différents rapports humains. Depuis 2023, le colloque interdisciplinaire “Management en séries” consacre deux journées de travail annuelles à ces questions. On s’y intéresse à la lutte de pouvoir à travers Peaky Blinders ou à la gestion d’un salarié en rébellion en s’appuyant sur Le Bureau des légendes.

“Toutes les fictions peuvent être utiles, rappelle Claire Edey Gamassou. Si l’on y réfléchit, dès que l’on cherche à atteindre un objectif et qu’il y a un collectif, on fait du management : ça fonctionne même pour l’organisation d’un dîner entre amis.” Résultat, les séries se font une place dans la littérature universitaire : Mad men sert de référence pour un manuel de marketing tout comme La casa de Papel, pour un ouvrage sur le management (les deux aux éditions EMS). Trois ans après la saison 1, le retour des dissociés de Lumon sur nos écrans, sera-t-il, lui aussi, l’occasion de nouvelles leçons ?




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