La légendaire faculté des Français à toujours voir le verre à moitié vide est bien connue. Cette année, l’actualité pour le moins mouvementée, tant sur le plan politique, économique et géopolitique, n’aura pas incité à l’optimisme. Pourtant, 2024 a aussi apporté de nombreuses bonnes nouvelles, notamment du côté de la science et de la technologie. Et en particulier dans le domaine médical. Des diagnostics plus précis pour Alzheimer, l’endométriose ou la dépression, l’espoir de vaincre le diabète de type 1 ou la myopathie de Duchenne, de nouveaux traitements préventifs contre la bronchiolite et même le VIH… Ensemble, ces découvertes dessinent un futur mieux armé pour vaincre les maladies. Autant de raison de se réjouir pour les années à venir et commencer l’année 2025 d’un bon pied.
Alzheimer, endométriose, dépression : vers de nouveaux tests de diagnostic
La crise sanitaire l’a rappelé : sans outil de diagnostic adéquat, difficile de vaincre la maladie. Qu’aurions nous fait sans les fameux tests PCR, capables en quelques instants de débusquer un Covid-19 asymptomatique ? A ce sujet, l’année 2024 a été riche en promesses. Depuis avril 2024, un test reposant sur des analyses sanguines est disponible en France pour aider à différencier la dépression de la bipolarité. Les deux maladies provoquent des phases dépressives, difficiles à distinguer. D’autres études sont nécessaires pour s’assurer de l’intérêt de ces outils par rapport à un diagnostic classique. Mais les résultats annoncés par l’entreprise sont encourageants.
Mieux encore : des scientifiques de Göteborg en Suède ont mis au point un test sanguin pour Alzheimer. Dévoilés en janvier les résultats sont cette fois-ci prometteurs. Lors des études, les diagnostics se sont avérés fiables à 90 %. D’autres méthodes existent mais elles sont longues ou douloureuses. Enfin, en octobre, la Haute autorité de santé s’est prononcée en faveur d’une prise en charge financière des Endotest, ces tests salivaires en cours de développement pour diagnostiquer l’endométriose. Pour aller plus loin, il faudra attendre les résultats de l’étude clinique qui a été lancée en parallèle. Ces propositions montrent que l’errance médicale, sur ces maladies du moins, pourrait bientôt ne plus être une fatalité.
Des cellules souches reprogrammées pour soigner le diabète de type 1
Va-t-on pouvoir soigner le diabète grâce à des cellules extraites de notre propre corps ? Une patiente de 25 ans souffrant d’un diabète de type 1 a reçu une greffe de cellules productrices d’insuline développées à partir de ses propres tissus. Une première mondiale. Pour réaliser cette prouesse, une équipe de chercheurs de l’université de Nankai (Chine) a d’abord prélevé du tissu adipeux de la patiente pour en extraire des cellules souches. Ces cellules indifférenciées ont en effet la capacité d’être reconverties en n’importe quel tissu de l’organisme. Les chercheurs les ont donc “reprogrammées” en cellules capables de produire de l’insuline. Puis ils les ont injectées dans les muscles abdominaux de la jeune femme. Deux mois et demi après la greffe, les cellules transplantées produisaient suffisamment d’insuline pour que la patiente puisse se passer de son traitement habituel. Surtout, cette production s’est maintenue un an après l’opération et son taux de glucose dans le sang (la glycémie) est resté stable, indiquent les chercheurs dans leur étude, publiée le 25 septembre dans la revue scientifique Cell.
Le diabète de type 1 touche environ 300 000 personnes en France. Il s’agit d’une maladie auto-immune dans laquelle le système immunitaire se retourne contre le patient et s’attaque aux cellules bêta du pancréas, qui produisent la fameuse insuline. Cette maladie se traite le plus souvent par des injections sous-cutanées d’insuline, plusieurs fois par jour. Les travaux chinois offrent donc un espoir d’un traitement moins contraignant. Deux autres patients ont depuis été traités avec des résultats préliminaires positifs. Les prochaines étapes consisteront à vérifier la durabilité de la production d’insuline sur cinq ans, avant de considérer la patiente “guérie”, et reproduire ces résultats chez d’autres diabétiques.
Des médicaments antiobésité toujours plus efficaces
L’année 2024 a vu les bonnes nouvelles se multiplier sur le front des traitements antiobésité. Dans un avis très attendu, la Haute autorité de santé (HAS) a donné son feu vert le 4 décembre à un remboursement du Wegovy de NovoNordisk. Ce produit n’était jusque-là pris en charge que pour quelques milliers de patients dans le cadre d’une procédure dérogatoire qui s’était achevée à l’automne, avant d’être prolongée à titre gracieux par le fabricant danois jusqu’au début de l’année prochaine.
Il y a quelques mois, la HAS avait déjà publié un premier avis favorable au remboursement, mais avec une appréciation de l’amélioration du service médical rendu qui n’aurait pas permis au laboratoire de négocier son prix dans de bonnes conditions. Le processus avait donc été bloqué. NovoNordisk a présenté depuis de nouvelles données qui ont amené l’institution à modifier son analyse. Cette étape franchie, les discussions sur le prix vont pouvoir s’engager avec l’Etat, à travers le Comité économique des produits de santé. L’ensemble des patients éligibles devraient donc pouvoir bénéficier d’une prise en charge dans les mois qui viennent.
En fin d’année, le laboratoire américain Eli Lilly a lancé en France la commercialisation de son propre traitement antiobésité, appelé Mounjaro en Europe (Zepbound aux Etats-Unis). Les études ont montré que son efficacité était encore plus importante que celle du Wegovy, mais il n’est pour l’instant pas remboursé dans notre pays. Et d’autres médicaments encore plus puissants devraient arriver dans les prochains mois. Eli Lilly dispose d’un autre produit, le retatrutide, dont des essais de phase deux (à confirmer à plus grande échelle) ont montré qu’il entraînait des réductions de poids de près de 25 % en moyenne en onze mois. Les laboratoires travaillent également sur des molécules plus simples à administrer, par voie orale plutôt que par des injections.
Grâce au Beyfortus, le danger de la bronchiolite s’éloigne
En 2024, le nombre d’hospitalisations causées par la bronchiolite a chuté. La raison à cela ? L’arrivée d’un nouveau traitement préventif, le Beyfortus. Développés par AstraZeneca et commercialisés en France par Sanofi, ces anticorps monoclonaux ont permis d’éviter 35 % des hospitalisations chez les bébés âgés de 0 à 2 mois, l’âge auquel les risques liés à cette infection respiratoire sont les plus élevés. C’est du moins ce qu’indique une étude publiée par l’institut Pasteur, en avril. L’injection a été plébiscitée par les jeunes parents : 80 % d’entre eux ont autorisé son administration la saison dernière. Bien au-delà des espérances des pouvoirs publics, qui s’étaient donné pour objectif de toucher 30 % des enfants potentiellement concernés.
Une bonne nouvelle : la bronchiolite est souvent sous-estimée en France, alors qu’elle pouvait entraîner jusqu’à présent l’hospitalisation de 3 % des moins d’un an. Il y a là de quoi se réjouir. A condition d’accepter le traitement directement à la maternité, où il est pour l’instant entièrement pris en charge. Le faire plus tard est possible mais les parents doivent alors débourser environ 280 euros de leur poche.
L’espoir contre la myopathie de Duchenne
Sacha symbolise à lui tout seul les avancées réalisées ces dernières années en matière de thérapie génique. Le garçonnet, atteint d’une myopathie de Duchenne, a été le premier petit Français à recevoir, en 2022, une dose thérapeutique d’un traitement développé par Généthon, le laboratoire financé grâce aux dons du téléthon. Depuis, son état s’est amélioré, et ses progrès ont été dévoilés par les scientifiques cette année. Alors que les petits malades de son âge ont normalement de plus en plus de mal à mobiliser leurs muscles et perdent en force, lui continue à grimper les escaliers en courant, à faire du vélo et à courir, comme tous les petits garçons de son âge. Deux autres enfants inclus dans le même essai clinique ont vu leur état se stabiliser. Ces données, très préliminaires, restent toutefois à confirmer par un essai à plus large échelle qui devrait démarrer cette année, si Généthon parvient à trouver un partenaire industriel prêt à s’engager pour soutenir sa technologie et accompagner ces développements.
TDAH : des recommandations claires pour le diagnostic et le traitement
Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité existe, il ne s’agit pas d’un mal inventé par les laboratoires pour vendre des médicaments. Dans un avis très remarqué, la Haute autorité de santé a publié le 23 septembre ses recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de cette pathologie. Un soulagement pour les patients et pour leurs familles, alors que certains, à l’instar de la psychologue d’obédience psychanalytique Caroline Goldman, alimentaient la polémique ces dernières années en niant la réalité de ce trouble et sa prévalence.
Dans leur avis, les experts de la HAS ont rappelé que le TDAH est très fréquent, “avec une prévalence estimée autour de 5 % des enfants et des adolescents, et 3 % des adultes”. Son diagnostic doit être réservé aux médecins formés, qui peuvent orienter les patients vers des thérapies comportementales et de la guidance parentale, pour aider les parents à mieux accompagner leurs enfants. Si cette prise en charge ne suffit pas, un traitement médicamenteux peut être prescrit. La Haute autorité de santé rappelle aussi que la psychanalyse, qui n’a pas prouvé son efficacité, ne peut être recommandée. Reste maintenant à s’assurer que ces recommandations soient bien mises en pratique par toutes les institutions chargées de l’accueil des enfants et de leurs familles.
L’encourageante chute du tabagisme à confirmer
La baisse du tabagisme se poursuit en France. Une étude publiée en novembre 2024 par l’agence Santé publique France confirme la tendance positive sur le long terme, même si près d’un tiers des Français reste encore fumeur. Le tabagisme, principalement lié à la consommation de cigarettes, demeure l’une des causes majeures de mortalité en France et dans le monde, provoquant non seulement des cancers mais aussi des maladies cardiovasculaires. Les efforts de santé publique menés depuis plus d’une décennie avaient permis une diminution significative de la consommation de tabac à la fin des années 2010, avant que cette dynamique ne soit temporairement ralentie par la crise du Covid au début des années 2020. D’après cette nouvelle enquête réalisée auprès d’environ 15 000 personnes, 31 % des Français déclarent fumer. Un chiffre qui traduit une stabilisation après des années de baisse. Mais il existe des signaux positifs, notamment la diminution du taux de fumeurs quotidiens à 23 %. “Il s’agit de la prévalence du tabagisme quotidien la plus faible jamais enregistrée parmi les 18-75 ans depuis que cet indicateur existe”, souligne l’étude.
“On peut se féliciter de ces chiffres, c’est positif, commence le professeur Loïc Josseran, président de l’université de Versailles St Quentin et président d’Alliance contre le tabac. Néanmoins, un quart de Français fumeurs, cela reste énorme, c’est bien plus que dans d’autres pays – comme les Etats-Unis – qui affichent 10 % voire moins de fumeurs”. Surtout, le professeur s’inquiète du manque de courage politique en matière de lutte contre le tabac. Le prochain plan anti-tabac, qui prévoit un paquet à 13 euros en 2027, n’a même pas été validé. “Et c’est de toute manière trop peu pour espérer décourager les consommateurs, il faut une hausse radicale, à 16 euros minimum”, plaide-t-il. Alors que le Royaume-Uni prévoit d’interdire la vente aux personnes nées après 2009, la France, elle, n’a toujours pas mis en œuvre les décrets d’application anti-puff, ni interdit les nicopouches. “La consommation de ces nouveaux produits de la nicotine progresse chez les jeunes, on le constate dans nos études, et l’Etat ne fait rien. C’est désolant”, constate le Pr. Josseran.
Vers l’éradication du cancer du col de l’utérus
Ce n’est pas tous les jours qu’on éradique un cancer. Pour ce qui est des tumeurs du col de l’utérus, il n’y a qu’un pas. L’année écoulée l’a montré, il est possible de se débarrasser de ces grosseurs malignes, à une seule condition : vacciner contre le papillomavirus. Le lien était déjà établi, il l’est encore plus à la lecture des dernières données américaines, parues en novembre. Là-bas, le taux d’incidence de ces cancers a chuté de 65 % depuis 2012. Soit environ 12 % par an. De telles données donnent de l’espoir : oui, il est possible de vaincre ce cancer. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé en Australie, également grâce à ces vaccins. Mais en France où des campagnes ont été lancées dans les collèges ces dernières années, la vaccination patine. Environ 55 % des filles nées en 2011 ont reçu une dose en 2023, et seulement 41 % des garçons. C’est quasiment deux fois moins qu’aux États-Unis. Qui a dit que les Américains étaient vaccino-sceptiques ?
Une injection tous les six mois : la révolution “Lenacapavir” contre le VIH
Il y aurait, dans ces seringues, LA découverte de l’année. C’est du moins ce qu’a écrit la prestigieuse revue scientifique Science à propos du Lenacapavir. Comprenez-les : le vaccin contre le VIH qui cause le Sida est le graal de tous les chercheurs en vaccinologie et en infectiologie. Le Lenacapavir n’est certes pas un vaccin à proprement parler. C’est une solution antirétrovirale à injecter. Mais il agit presque comme un vaccin : à en croire les données publiées en juillet par le laboratoire Gilead, deux piqûres par an de ce médicament suffiraient ainsi à protéger complètement contre l’infection sexuellement transmissible.
S’il existe déjà des traitements préventifs contre le Sida comme la PrEP, tout le monde ne pense pas à prendre les comprimés. Un million de personnes se contaminent encore à travers le monde chaque année. Le Lenacapavir pourrait changer la donne. Surtout dans les pays en voie de développement, où il n’est pas facile d’aller au dispensaire. C’est en tout cas ce que dit l’essai de Gilead : durant l’étude, plus de 90 % des patients ont observé le traitement sur l’ensemble de la durée indiquée, contre seulement 10 % dans le cas de comprimés à avaler. L’injection présente quelques effets secondaires, certes. Des nodules, surtout, des boutons sur le lieu d’injection. Ils disparaissent rapidement.
Une première xénogreffe durable ?
Les greffes d’organes de porcs sur les humains sont de plus en plus prometteuses. Le 25 novembre 2024, des médecins de l’Institut Langone Health (New York, Etats-Unis) ont réussi une xénogreffe d’un rein de cochon sur une patiente de 53 ans, Towana Looney. Cette dernière avait offert un de ses reins à sa mère en 1999, avant de développer des complications rénales dans le rein qui lui restait. En dialyse depuis 2016, elle était sur la liste prioritaire pour bénéficier d’une greffe humaine, mais aucun donneur compatible n’avait pu être trouvé. Face à l’aggravation de son état de santé, les médecins de l’institut Langone lui ont proposé une greffe d’un rein de porc génétiquement modifié. L’opération a été autorisée par l’autorité de régulation américaine, la FDA.
“Elle semble bien se porter, nous sommes en train d’analyser ses prélèvements biologiques”, indique le Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et chercheur à l’Institut de Transplantation de Paris (Pitor), qui travaille en étroite collaboration avec l’Institut Langone Health. C’est seulement la troisième fois qu’un rein provenant d’un cochon est transplanté chez un être humain vivant, et la première fois que ce rein a subi 10 modifications génétiques. Towana Looney est aujourd’hui la seule personne au monde vivant avec un organe de porc. Son espérance de vie avec ce nouvel organe sera décisive pour la recherche, et ouvre de nombreux espoirs dans le domaine des greffes, qui manque encore cruellement de donneurs humains.
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