A de rares exceptions près, notre classe politique est malade. Malade de ne pas comprendre le fonctionnement basique d’une économie. Cette pathologie est particulièrement répandue dans les rangs de la gauche et dans ceux du RN, mais elle est transmissible bien au-delà. Elle s’étend malheureusement à une grande partie des économistes universitaires, très à l’aise quand il s’agit de modéliser les effets d’un changement de politique monétaire, mais complètement perdus quand on évoque le fonctionnement des entreprises. D’où cette idée qui colle au débat public comme un vieux sparadrap et consiste à vouloir augmenter la flat tax – le prélèvement forfaitaire unique, ou PFU –, cet impôt de 30 % qui frappe les revenus financiers. Un peu de pédagogie est nécessaire.
Notre nouveau ministre de l’Economie, Eric Lombard, qui connaît parfaitement ces sujets mais se trouve déjà rattrapé par le politiquement correct politique, expliquait en substance il y a quelques jours qu’augmenter la flat tax de quelques points ne serait pas problématique puisque de nombreux pays autour de nous frappent les revenus du capital à des taux compris entre 30 % et 35 %. Passer à 32 % ou 33 % serait donc indolore, en ce sens que cette augmentation ne dégraderait pas indûment notre compétitivité fiscale relative.
Notre compétitivité fiscale est mauvaise
Cette analyse est radicalement fausse. Prenons la fiscalité sur les dividendes. La flat tax est l’un des impôts qui les frappe, mais il n’est pas le seul. En effet, les dividendes, qui sont – il est navrant d’avoir à rappeler une telle évidence – une part des profits des entreprises, sont taxés à la source par l’impôt sur les bénéfices. En France, les dividendes sont donc taxés une première fois à 25 %, puis à 30 % pour ceux qui optent pour le PFU, c’est-à-dire finalement à 47,5 %. Il faut ajouter à cela la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, qui peut aller jusqu’à 4 % des revenus au-delà de 1 million d’euros, et la surtaxe de l’impôt des grandes entreprises, prévue dans le budget Barnier pour 2025 et, selon toute vraisemblance, reprise par le budget Bayrou. Pour résumer, la taxation minimale des dividendes en France s’élève à 47,5 % et elle peut facilement excéder 50 %. Notre pays est l’un de ceux au monde qui taxent le plus le capital. Notre compétitivité fiscale est donc mauvaise, avant même d’avoir touché à la flat tax.
Ceci étant dit, et au-delà des questions de concurrence fiscale, pourquoi passer la flax tax de 30 % à 33 % voire 35 % serait inepte ? D’abord, parce que cela ne rapporterait quasiment rien aux finances publiques. L’économiste Xavier Jaravel rappelle qu’au-delà de 30 % d’imposition du capital, le rendement de la fiscalité baisse dramatiquement voire devient négatif : c’est le fameux “effet Laffer”, qui existe bien dans la réalité. Tout simplement parce que les versements de dividendes se tarissent, par exemple au bénéfice des rachats d’actions, qui sont une alternative aux dividendes pour récompenser les actionnaires.
Le capital, ami des travailleurs et de l’écologie
Ensuite, parce que cela risque de détourner les Français d’acheter des actions. Or les étrangers, que les statistiques officielles de la Banque de France nomment les “non-résidents”, détiennent déjà quasiment 50 % du capital des entreprises du CAC 40. Voilà un sujet absolument stratégique pour ceux qui se soucient de l’indépendance de la France : une fiscalité dissuasive risque de faire passer nos entreprises cotées dans des mains étrangères. Frappez le capital français, il se transformera en capital étranger.
Enfin et surtout, augmenter la flat tax est une ineptie car le capital est le carburant de notre économie. Sans un capital abondant, nos entreprises ne peuvent ni embaucher, ni augmenter les salaires, ni investir dans l’intelligence artificielle ou la décarbonation. Le capital est l’ami des travailleurs et de l’écologie. Les populations les plus pauvres de la planète, en particulier en Afrique subsaharienne, le sont parce que, dans leurs pays, le capital est quasiment inexistant. Dire cela en France, c’est passer pour un provocateur de la pire espèce. Voilà pourtant un raisonnement élémentaire, bien mieux compris au bar de mon quartier que dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
Source