* . * . * .

Larry Diamond (Stanford) : “Il y aura une rupture brutale entre Elon Musk et Donald Trump lorsque…”


Larry Diamond sait repérer de loin les nuages qui s’amoncellent sur une démocratie. Et les premiers signes de délitement. Et pour cause : il en a fait son domaine d’expertise. Depuis plusieurs années, ce très respecté politologue américain, dont les travaux trouvent un écho aussi bien chez les démocrates que chez les républicains, se penche sur les menaces qui pèsent sur la démocratie libérale aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde. Il en a même fait le sujet central de son dernier ouvrage (Ill Winds : Saving Democracy from Russian Rage, Chinese Ambition, and American Complacency, non traduit) publié en 2019. Spécialiste des régimes autoritaires, professeur à Stanford et chercheur à la Hoover Institution, l’un des think tanks les plus influents outre-Atlantique, Larry Diamond en est convaincu : non seulement ce second mandat de Donald Trump renforcera la montée des régimes autocratiques observée dans le monde depuis une quinzaine d’années – phénomène qu’il attribue en partie à l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 –, mais il pourrait aussi faire basculer la première puissance mondiale dans une nouvelle ère : “Les Etats-Unis resteront-ils une démocratie libérale, ou leurs institutions s’éroderont-elles au point de devenir méconnaissables, voire irréparables ?” s’interrogeait-il récemment dans les colonnes du prestigieux Foreign Affairs.

Pour L’Express, Larry Diamond livre son point de vue d’expert sur les débuts “explosifs” qui marqueront la nouvelle présidence Trump. Et les mois “chaotiques” à venir, qui risquent de mettre un coup d’arrêt brutal à l’idylle entre le milliardaire imprévisible et un autre tout aussi imprévisible : Elon Musk.

L’Express : “Depuis 2006, selon les mesures annuelles de Freedom House [NDLR : organisation américaine de promotion de la démocratie], la liberté et la démocratie sont en déclin. Les populistes autoritaires ont gagné dans les urnes et ont ensuite utilisé leurs armes pour éliminer les contre-pouvoirs et décimer leurs opposants”, écrivez-vous. Vous semblez situer cette montée en puissance des régimes autoritaires à l’époque de l’invasion en Irak lors du second mandat de George W. Bush…

Larry Diamond : En partie seulement. Je pense que cela a été l’un des nombreux facteurs qui se sont conjugués au cours de la première décennie du XXIe siècle pour créer un cadre moins favorable à la promotion de la démocratie. L’invasion de l’Irak a été très mal conçue et extrêmement chaotique. Je peux en témoigner car j’y étais [NDLR : Larry Diamond a passé plusieurs mois à Bagdad en 2004 en tant que conseiller des autorités américaines sur place]. Cette invasion a gravement entaché la légitimité et le dynamisme de la mission de promotion de la démocratie car elle s’est retrouvée assimilée à l’usage de la force militaire et accusée de servir des ambitions impérialistes. Cela a provoqué une réaction négative, en Europe, aux Etats-Unis et dans une grande partie du monde. La légitimité des efforts internationaux en faveur de la promotion de la démocratie a été remise en question ou a suscité davantage de doutes. Les Etats-Unis ont également perdu une part importante de leur influence et de leurs ressources. Et puis Barack Obama est arrivé à la Maison-Blanche. Il était un peu réticent à utiliser la force et l’influence américaine à cause de cela. Certes, il a contribué à pousser Hosni Moubarak vers la sortie en Egypte mais en Libye, par exemple, il ne s’est pas suffisamment investi pour stabiliser le pays après la chute de Kadhafi. Et dans le dossier syrien, Bachar el-Assad a bénéficié d’un sursis de plus de dix ans !

La présidence Trump commencera de manière explosive dès les premiers jours

Enfin, à partir de 2006, nous avons cessé d’assister à de grands mouvements réussis de promotion de la démocratie à l’échelle mondiale, le dernier exemple marquant ayant été la Révolution orange en Ukraine en 2004-2005. Je mets volontairement de côté les soulèvements du Printemps arabe au début des années 2010 qui ont fini tôt ou tard par être réprimés. Depuis lors, les transitions vers la démocratie et les restaurations démocratiques par les urnes ont pratiquement disparu. Cela s’est vérifié dans des pays comme l’Iran, le Venezuela ou le Zimbabwe. Mais l’invasion en Irak ne représente qu’une partie de l’explication…

Comment cela ?

Je vois en effet quatre autres facteurs. D’abord, le jeu des ressources et des pouvoirs a vraiment changé depuis le début des années 2000. Nous vivons aujourd’hui dans un monde très différent de celui des années 1980 et 1990, lorsque les alliés européens des Etats-Unis formaient une alliance beaucoup plus puissante, en mesure de pouvoir exercer davantage de pression sur les dictateurs et de soutenir plus efficacement les forces démocratiques sur le terrain. Elles disposaient des ressources nécessaires : pression économique, influence militaire, comme dans l’ex-Yougoslavie, pour contenir les acteurs autoritaires et maintenir un équilibre propice au changement démocratique.

Au cours des vingt dernières années, le monde est devenu à la fois bipolaire et multipolaire. Multipolaire, dans le sens où de nombreux pays ont désormais une influence et des ressources considérables, et refusent de s’inscrire dans une nouvelle guerre froide. Bipolaire, dans le sens où il existe encore une alliance des démocraties – une alliance trilatérale ancrée dans l’Alliance atlantique, incluant des pays comme le Japon et la Corée du Sud – opposée à un “axe de l’autoritarisme” regroupant la Chine, la Russie et d’autres régimes autocratiques, selon les conflits, notamment l’Iran, parfois la Turquie ainsi que le Venezuela, Cuba, etc. Ce changement dans l’équilibre global des forces a profondément affaibli la capacité des démocraties à faire pencher la balance des luttes nationales en faveur des figures démocratiques. Nous sommes devenus moins confiants et exerçons moins d’influence, tandis que les autocraties dans le monde sont plus confiantes, plus puissantes, et utilisent des moyens de pouvoir asymétriques – comme des technologies spécifiques –, pour contrer nos efforts et soutenir leurs alliés locaux.

Le troisième facteur est économique. En raison des excès de la mondialisation, de l’évolution technologique, et peut-être d’autres facteurs comme la déréglementation financière, nous avons assisté à une augmentation stupéfiante des inégalités de richesse et de revenus au sein des pays. Aux Etats-Unis, nous avons une concentration de richesse et de revenus qui atteint un niveau inédit depuis près d’un siècle. Ces disparités exacerbées alimentent le ressentiment des laissés-pour-compte. Elles ont favorisé la montée du populisme, de gauche ou de droite, avec des caractéristiques souvent illibérales et autoritaires. Par ailleurs, nous avons connu d’autres formes de détresse et d’instabilité économiques, notamment la crise financière de 2008, qui a laissé des séquelles durables dans de nombreux pays. Elle a en quelque sorte déstabilisé les systèmes en les rendant plus vulnérables aux excès de la mondialisation, laquelle, bien qu’ayant eu des effets positifs a aussi entraîné une perte massive d’emplois manufacturiers aux Etats-Unis, en Allemagne, et probablement en France également. Cela a contribué à l’insécurité économique et aux tensions sociales et psychologiques chez de nombreux travailleurs industriels. Ces derniers sont devenus des recrues potentielles pour des partis antisystème.

Quels sont les deux derniers facteurs ayant contribué, selon vous, à la montée des autoritarismes ?

D’abord, les crises migratoires, liées à la mondialisation et à l’instabilité au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique latine et ailleurs, ont conduit à des niveaux d’immigration sans précédent en Europe, aux Etats-Unis et dans d’autres pays industrialisés. A travers l’histoire américaine, nous avons toujours observé des poussées de mouvements d’extrême droite, illibéraux et autoritaires lorsque le pourcentage de personnes nées à l’étranger dépassait 11 ou 12 %. Aujourd’hui, ce chiffre est proche de 14 %, et dans certains pays industrialisés, comme le Canada, il est significativement plus élevé, proche des 20 %. Ces changements touchent principalement l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie – des régions historiquement démocratiques et tolérantes. Cependant, les gens ont besoin de temps pour s’adapter à ces évolutions sociales et culturelles rapides, qui n’ont pas été suffisamment encadrées. Beaucoup estiment, à juste titre, que les Etats doivent pouvoir contrôler leurs frontières pour diverses raisons. Cela a donc été un facteur déstabilisant.

En parallèle, la montée des réseaux sociaux a ajouté une couche explosive à cette situation. Certes, dans les premières années, leur essor a été un facteur très positif pour la démocratie. J’ai même écrit un livre en 2012 (Liberation Technology, non traduit) pour expliquer comment les outils numériques et les réseaux sociaux pouvaient être des moteurs de changement démocratique en facilitant la mobilisation et la coordination des citoyens. Mais ces outils sont devenus des armes de surveillance, de contrôle et de propagande pour les Etats autoritaires, dopées de manière terrifiante désormais par l’arrivée de l’intelligence artificielle. Ces technologies ont également affaibli les fonctions régulatrices et éditoriales qui limitaient la désinformation et les rumeurs, créant autrefois un espace commun d’information. Celui-ci est aujourd’hui quasi inexistant, ayant laissé place à des acteurs malveillants ou autoritaires. Nous savons que les informations choquantes, polarisantes ou outrageantes ont beaucoup plus de viralité et d’impact que les vérités simples et ennuyeuses. Cela a conduit à une polarisation excessive qui déchire actuellement les démocraties, notamment en Corée du Sud.

Vous dressez un tableau extrêmement noir de l’état du monde…

Oui, car tous ces facteurs se combinent pour créer une situation extrêmement dangereuse et déstabilisante. Les partis politiques perdent en soutien et en légitimité, les gens sont de plus en plus cyniques, leur attention diminue, et gouverner devient une tâche de plus en plus complexe. Les démocraties industrialisées avancées deviennent plus instables et vulnérables à l’extrémisme. Regardez ce qui se passe en Autriche avec le parti de la Liberté (un parti populiste d’extrême droite), qui a été invité à former un gouvernement, ou encore l’AfD qui pourrait réaliser une nouvelle percée lors des élections législatives allemandes prévues fin février.

Il est donc devenu plus difficile de faire avancer les transitions démocratiques à cause des changements dans l’équilibre des pouvoirs internationaux. Et pendant que les démocraties libérales font face à des problèmes internes de plus en plus graves, la Chine, la Russie et d’autres régimes autoritaires travaillent activement pour réprimer toute aide étrangère en faveur de la démocratie.

Donald Trump fait officiellement son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier. Son élection à la présidence des Etats-Unis pourrait, selon vous, impacter les démocraties du monde entier. Pourquoi ?

L’une des principales raisons est que les modèles politiques et les styles de leadership ont un effet de diffusion d’un dirigeant à un autre. Ainsi, on a pu observer que l’élection de Viktor Orban en Hongrie en 2010, et son empressement à promouvoir son style de gouvernance a eu un effet d’entraînement auprès d’autres leaders. Les dirigeants illibéraux de droite ont en effet souvent tendance à se soutenir et à s’encourager mutuellement. Récemment par exemple, Elon Musk a explicitement soutenu l’AfD. Donald Trump, quant à lui, montre clairement qu’il apprécie les autocrates et méprise les modèles de démocraties libérales.

Un autre motif d’inquiétude est que Donald Trump n’a, semble-t-il, aucun désir de promouvoir la démocratie et la liberté à travers le monde. Bien que certains membres de son gouvernement, comme Marco Rubio (futur chef de la diplomatie américaine), y soient attachés depuis longtemps, je pense que nous allons assister à un nouveau recul des efforts de promotion de la démocratie par les Etats-Unis. La politique étrangère américaine risque à nouveau d’affaiblir l’alliance occidentale et de se rapprocher des dictateurs à travers le monde.

Troisièmement, je suis convaincu que la situation mondiale actuelle ne pourra s’améliorer de manière significative à moins d’un rééquilibrage des forces entre les démocraties et les autocraties. Ce n’est pas seulement une question de ressources économiques ou militaires, mais aussi de croyance en la justesse morale de nos systèmes et de notre détermination à les défendre dans des contextes comme la guerre en Ukraine ou face à une éventuelle attaque de Taïwan par la Chine. Or, même si la puissance militaire américaine venait à se renforcer, je crains que la coordination et la solidarité entre les démocraties ne fassent défaut à l’avenir face aux régimes autoritaires.

Enfin, Donald Trump s’attaquera aux valeurs et aux institutions démocratiques des Etats-Unis de manière beaucoup plus vigoureuse et implacable que lors de son premier mandat. Je crois que cela commencera dès les premiers jours. Son objectif semble être la vengeance et la rétribution, ce qu’il n’a jamais caché. Je pense qu’il va gracier la plupart des personnes condamnées dans l’assaut du Capitole il y a quatre ans. De plus, il tentera probablement d’utiliser le pouvoir juridique, d’investigation et réglementaire des Etats-Unis contre ses détracteurs, mais aussi contre les médias, les universités et contre quiconque perçu comme un ennemi.

Ce type de modèle basé sur une rhétorique autoritaire et un réel recul démocratique ne sera évidemment pas favorable à la cause de la liberté dans le monde.

Donald Trump a reçu un peu moins de 50 % du vote populaire. Durant la campagne, il a multiplié les menaces à l’encontre des opposants politiques. Dans ce contexte tendu, comment cette autre moitié du pays qui n’a pas voté pour lui risque-t-elle de traverser les quatre prochaines années ?

A mon avis, cela commencera de manière explosive dès les premières semaines. Il y aura beaucoup de résistance et de contre-attaques dès le départ. Le défi pour les démocrates, mais aussi pour les indépendants et les républicains qui s’opposent aux initiatives autoritaires de Trump, sera de faire la part entre leur opposition à ses dérives et leurs réactions à certaines mesures qui pourraient avoir des effets positifs. Cela impliquera une forme de coopération, ou du moins des négociations, afin d’orienter ces initiatives vers un compromis et une direction plus acceptable.

Elon Musk surestime grandement son influence au royaume de Trump

En revanche, l’instrumentalisation du FBI – raison pour laquelle il souhaite placer Kash Patel à sa tête – de l’Internal Revenue Service [NDLR : l’agence qui perçoit les impôts], et potentiellement de l’ensemble des forces armées américaines, du département de la Défense, de nos agences de renseignement, et ainsi de suite, est extrêmement inquiétante et typique des dirigeants autoritaires. Les tentatives de pression et d’intimidation à l’égard des médias sont déjà visibles. Prenez le Washington Post, qui perd des abonnés à un rythme alarmant et semble littéralement s’effondrer tandis que ses journalistes quittent massivement le navire pour rejoindre d’autres rédactions. Dans le même temps, une partie du monde des affaires et des entrepreneurs milliardaires n’hésite pas à compromettre ses principes et à se soumettre par peur ou par opportunisme. Il est donc peu probable que la résistance vienne de leur côté. Cependant, il ne faut pas céder à la panique. Il existe aux Etats-Unis une société civile solide, de nombreux freins et contrepoids au niveau national, ainsi qu’un système fédéral qui répartit beaucoup de pouvoir aux Etats. Ainsi qu’un système judiciaire qui, bien que très politisé dans certains cas, reste en grande partie attaché aux principes de l’Etat de droit. En 2020, par exemple, lorsque Trump a contesté les résultats électoraux devant les tribunaux dans plus de 80 juridictions, il a perdu pratiquement tous ses procès, y compris devant des juges qu’il avait lui-même nommés.

Pour toutes ces raisons, il est fort probable que si Trump agissait de manière autoritaire, il ferait face à une opposition ferme et à une résistance significative.

Et du côté du Congrès ?

Bien que Donald Trump contrôle les deux chambres, sa majorité est fragile. La marge des républicains à la Chambre des représentants est la plus serrée depuis près d’un siècle ! Au Sénat, la majorité est un peu plus large avec 53 sièges contre 47, mais sans suppression du filibuster (une technique parlementaire d’obstruction), il faudra 60 voix pour adopter la plupart des textes de lois. Or, le nouveau chef des républicains au Sénat, John Thune – qui n’était pas le candidat favori de Trump – a déjà annoncé qu’il ne soutiendrait pas l’abolition de l’obstruction parlementaire. Ainsi, Trump pourrait se heurter à des résistances au sein du Congrès.

Et puis des tests cruciaux approchent, notamment lors des votes du Sénat pour confirmer des nominations controversées au sein du cabinet, telles que Kash Patel au FBI, Tulsi Gabbard comme directrice du renseignement national, et Robert Kennedy Jr., opposant aux vaccins, comme secrétaire à la Santé. Ces scrutins donneront un premier aperçu des obstacles que pourrait rencontrer l’administration. Cependant ne nous faisons pas d’illusions : cette nouvelle administration exercera une pression écrasante sur l’opposition et cherchera à intimider et à menacer ses adversaires au Capitole ou ceux qui refuseront de se soumettre. Je prédis que cela va devenir extrêmement brutal. Ils menaceront probablement les universités de leur retirer des financements fédéraux si elles ne se conforment pas aux exigences de Trump. Nous allons assister à des événements que nous n’avons presque jamais vus auparavant ou que nous avions brièvement observés durant les derniers mois de l’administration Nixon.

Reste que Donald Trump a été démocratiquement élu…

Les Américains n’ont pas voté pour cela. Ils ont glissé un bulletin Trump principalement pour trois raisons. Premièrement, l’économie : maîtriser l’inflation et améliorer les perspectives économiques. Deuxièmement, l’immigration : Trump devrait obtenir des avancées significatives, notamment sur un renforcement des frontières et la réforme du système d’asile. Et troisièmement, un changement de cap : tourner la page d’une politique identitaire jugée excessive que certains qualifient de “wokeness”. Nous verrons probablement des changements dans ces deux derniers domaines.

Pour autant, les défis sont nombreux pour Donald Trump. Ce qu’il envisage, notamment en matière de fiscalité et de transfert de richesse de la classe moyenne vers les plus riches, ainsi que ses dépenses excessives pour financer ses priorités, explique son empressement à se débarrasser dès le départ du plafond de la dette. Mais il est peu probable qu’il y parvienne. L’électorat américain, qui a des attentes politiques claires est généralement pragmatique. Si celles-ci ne sont pas satisfaites, il n’hésitera pas à sanctionner le pouvoir en place. D’autant que nous vivons une époque où les électeurs punissent rapidement les gouvernements en place.

Je pense aussi que les républicains perdront probablement le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de 2026. Par conséquent, la majeure partie de leur agenda législatif devra se faire durant ces deux premières années. Et s’ils persistent à gouverner de manière aussi autoritaire, ils auront beaucoup de mal à se faire réélire en 2028 – si toutefois nous avons encore des élections libres et équitables à ce moment-là.

Ces derniers temps, plus encore que Donald Trump, c’est Elon Musk qui inquiète la plupart des dirigeants européens, qui l’accusent d’ingérence dans les affaires internes de leur pays…

Elon Musk représente une menace majeure. En contrôlant l’une des plateformes de réseaux sociaux les plus influentes au monde, X (anciennement Twitter), Elon Musk dispose d’un puissant levier de communication et d’influence. Sa voix, l’ampleur de ses soutiens et la légitimité qui découle du fait qu’il est l’homme le plus riche du monde lui confèrent un poids majeur à chaque fois qu’il prend position, notamment sur les affaires intérieures d’un Etat. Si les lois sur le financement des campagnes dans les démocraties européennes ne sont pas suffisamment strictes ou ne sont pas appliquées de manière adéquate, il existe un réel risque. D’autant que je ne pense pas que, dans tous les pays, les interdictions existant sur les contributions étrangères soient systématiquement respectées. Et la possibilité qu’il injecte une partie de sa propre fortune dans ces campagnes est inquiétante. Mais nous pouvons aussi imaginer un retour de bâton. Les citoyens voudront-ils vraiment accepter ce contrôle autoritaire et profondément illibéral, dictant leurs destins politiques ? Cela pourrait aller dans les deux sens.

A quel point Elon Musk, guère apprécié dans les rangs conservateurs du mouvement Maga (Make America Great Again), pourra-t-il peser dans les choix du président Trump ?

A mon avis, Elon Musk surestime largement son influence au royaume de Trump ainsi que son poids politique aux Etats-Unis. Beaucoup jugent – et peut-être est-ce une prévision trop évidente – qu’une rupture entre les deux hommes est inévitable, lorsque ce dernier se lassera que les gens fassent référence à Musk comme un “président de l’ombre”. Au-delà de la relation entre les deux hommes, de profondes divisions traversent déjà les trumpistes, en particulier entre les libertariens ultrariches, dont beaucoup sont des entrepreneurs de la Silicon Valley ou des magnats financiers de Wall Street, et l’aile des “révolutionnaires sociaux” façon Steve Bannon. Tout cela annonce une période extrêmement chaotique.

Après la défaite de Kamala Harris, vous avez écrit : “Face aux populistes, la victoire (des libéraux) exige des propositions programmatiques répondant aux préoccupations matérielles, au-delà de la simple défense de la démocratie.”

C’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. J’ai exposé un certain nombre de points que les libéraux ou les démocrates (au sens large) aux Etats-Unis doivent prendre en compte pour relever les défis posés par les politiques de Trump. Il est impératif de bâtir un programme fondé sur une analyse intellectuelle rigoureuse afin d’affronter cette nouvelle ère, particulièrement périlleuse, marquée par la marginalisation économique, l’aggravation des inégalités et un désenchantement social.

De plus, nous entrons dans une période de bouleversements liés à la révolution de l’intelligence artificielle (IA), qui, je le crains, entraînera une réduction massive et sans précédent des emplois dans les secteurs ouvriers. Nous sommes à l’aube d’un précipice terrifiant. Ainsi les démocrates, qu’ils soient des acteurs politiques ou intellectuels, ont un immense travail à effectuer pour définir des stratégies économiques et sociales permettant de concilier la croissance économique et les incitations à la création de richesse avec la nécessité d’une répartition équitable, d’une égalité des chances et de l’assurance d’une vie digne pour chaque citoyen. Si cela ne doit pas nous empêcher de parler des valeurs démocratiques, ce sujet ne peut pas être la seule priorité, ni même l’axe principal d’une campagne électorale, car nous savons d’expérience que ce n’est pas ce qui mobilise majoritairement les électeurs. Face aux manœuvres des autocrates et des populistes, les partis et les leaders démocratiques doivent être suffisamment intelligents pour dissiper ces écrans de fumée et ramener le débat sur des enjeux concrets qui touchent réellement les citoyens.




Source
Exit mobile version

.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . %%%. . . * . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . . . . .