Peut-on encore boire l’eau du robinet ? Un polluant éternel très compliqué à retirer de l’eau, l’acide trifluoroacétique (TFA), a été identifié dans l’eau d’une large majorité des villes où il a été recherché, signale une étude publiée ce jeudi 23 janvier. Retrouvé dans l’eau de 24 communes sur 30, il dépasse à lui seul, dans vingt communes, la norme référence en Europe de 100 nanogrammes/litre pour les vingt PFAS réglementés, qui doit entrer pleinement en vigueur en 2026, selon cette enquête réalisée par l’UFC-Que Choisir et l’ONG environnementale Générations Futures. Leur conclusion : les résultats sont “alarmants”
Quasi indestructibles, ces “polluants éternels” regroupent plus de 4 700 molécules et s’accumulent avec le temps dans l’air, le sol, les rivières, jusque dans le corps humain. En cas d’exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, d’après de premières études. S’il n’est pas, comme l’écrit l’enquête, “aussi dangereux que les PFOA ou PFOS”, interdits en Europe depuis plusieurs années, des zones d’ombre subsistent sur la toxicité du TFA et il est “quasi indestructible dans l’environnement”, alerte l’étude.
Parmi les 30 communes dont l’eau a été analysée, Paris arrive au second rang en matière de concentration, avec 6 200 ng/l, derrière Moussac, dans le Gard (13 000 ng/l). La ville de Bruxerolles, dans la Vienne, complète ce podium, avec 2 600 ng/l. Moussac se situe près de Salindres, où une usine du groupe Solvay produisait du TFA jusqu’en septembre dernier, rappelle l’enquête. “Certaines zones, comme Tours ou les environs de Rouen, présentent un véritable cocktail chimique, avec respectivement 10 et 11 PFAS différents relevés dans un seul prélèvement”, ajoute l’étude.
Le TFA, un perturbateur endocrinien ?
Le TFA est en France “très peu — pour ne pas dire jamais — recherché par les agences régionales de santé lors des contrôles des eaux potables” et l’enquête souligne qu’il est souvent issu de la dégradation du flufénacet, herbicide évalué fin septembre par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). 0r celle-ci a conclu, d’après Générations Futures, qu’il s’agit d’un perturbateur endocrinien.
“Si une substance active [ici, le flufénacet] est un perturbateur endocrinien, alors ses métabolites [dont le TFA] doivent être considérés par défaut comme pertinents” et donc contrôlés, commente Pauline Cervan, toxicologue de Générations Futures, citée dans l’enquête. Problème, le TFA est “moins bien retenu” que d’autres PFAS par les techniques de décontamination de l’eau, aussi bien celles s’appuyant sur des charbons actifs, que celles à base de filtration membranaire, en vogue dans les usines d’eau potable les plus modernes, a indiqué à l’AFP Julie Mendret, chercheuse à l’université de Montpellier.
Une norme française “trop peu protectrice”
La difficulté à retenir et donc à retirer ce produit chimique de l’eau s’explique par sa caractéristique de “PFAS à chaîne courte”, qui contient moins d’atomes de carbone et est de ce fait “très petit, très mobile”, indique cette spécialiste du traitement de l’eau. Outre le TFA, Générations Futures et l’UFC-Que Choisir ont analysé 33 PFAS : hors TFA, les concentrations en PFAS “restent conformes à la norme choisie par la France” (somme de 20 PFAS spécifiques limitée à 100 ng/l).
Mais cette norme est “bien moins stricte que celles d’autres pays” comme les États-Unis ou le Danemark, relèvent les deux associations, qui estiment que la norme française “est bien trop peu protectrice” et ne repose “sur aucune donnée toxicologique solide”. Ces organisations réclament l’application du principe de précaution. “Avec la norme américaine (4 ng/l pour 2 PFAS), 6 prélèvements (sur 30) dont ceux de Rouen et Amiens seraient considérés comme non conformes”, renchérit l’étude. Si l’ampleur réelle des dangers posés par l’ensemble de ces substances sur la santé reste encore floue, cette nouvelle enquête tire la sonnette d’alarme.
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