La Chine a approuvé officiellement en décembre un méga-projet de barrage hydroélectrique installé au Tibet, en aval du fleuve Yarlung Zangbo. Ce projet suscite des inquiétudes en Inde et au Bangladesh, ainsi que de la part de militants pour les droits de l’Homme et l’environnement au Tibet.
De quoi s’agit-il ?
Baptisé Motuo, ce projet de barrage hydroélectrique de 60 Gigawatts est prévu pour être trois fois plus grand que celui des Trois Gorges (22,5 GW), la plus grande installation hydroélectrique actuelle du monde. Il serait installé sur le Yarlung Tsangpo, le plus long fleuve du Tibet. Il fait partie d’une série de projets de barrages hydroélectriques, certains déjà en construction, la Chine souhaitant augmenter sa part d’énergies renouvelables dans sa consommation d’électricité “de 28,8 % en 2020 à 33 % cette année”, selon un article du journal économique Financial Times. Un rapport détaillé de l’association internationale Campaign for Tibet montre ainsi que 193 barrages ont déjà été construits au Tibet depuis 2000.
Le gouvernement chinois a officiellement approuvé ce nouveau méga-projet en décembre. “Le projet hydroélectrique du cours inférieur de la rivière Yarlung Zangbo est un projet écologique visant à promouvoir un développement à faible émission de carbone”, affirme un communiqué publié le 25 décembre par l’agence de presse chinoise Xinhua, qui ajoute qu’il s’agit d’un “projet populaire visant à assurer la prospérité du Tibet” et qui “respecte les priorités écologiques.”
Pourquoi le projet est-il contesté ?
Le projet est contesté sur plusieurs fronts, notamment parce que la Chine a donné peu d’informations précises à son sujet. Selon le New York Times, “même la conception de base du barrage est inconnue”. Or en Inde, le Yarlung Tsangpo s’appelle Brahmapoutre et se jette ensuite dans la Jamuna au Bangladesh. Le barrage se trouve aussi près de la frontière avec l’Etat indien de l’Arunachal Pradesh, territoire où, rappelle le Financial Times, les deux parties se sont livrées une guerre en 1962. “L’Inde et le Bangladesh craignent que le barrage ne modifie le débit naturel du fleuve, ce qui pourrait perturber l’accès à l’eau pour l’agriculture, la boisson et d’autres besoins humains essentiels”, selon le spécialiste des fleuves et de l’approvisionnement en eau en Asie du Sud, Neeraj Singh Manhas, interviewé par le journal économique.
L’Inde a ainsi prié la Chine début janvier “de s’assurer que les intérêts des Etats situés en aval du Brahmapoutre”, soit l’Inde et le Bangladesh, “ne subissent aucun préjudice du fait des activités en amont”, a déclaré le porte-parole du ministre indien des Affaires étrangères, Randhir Jaiswal. “Il s’agit d’un mégaprojet qui entraîne de nombreuses perturbations écologiques et qui ne tient pas compte des intérêts des Etats” situés en aval, a-t-il encore ajouté.
Déplacements de population et impact écologique
En outre, le barrage est situé dans une zone d’activité sismique, ce qui pourrait provoquer des inondations en cas de fissure ou des coulées de boue. Comme le soulignent des journalistes du New York Times, les autorités chinoises ont déclaré des fissures sur cinq barrages hydroélectriques au Tibet après un tremblement de terre de magnitude 7,1 ce mois-ci.
L’association internationale Campaign for Tibet déplore aussi les déplacements forcés de population causés par ces travaux de barrage, ainsi que les dégradations sur l’environnement. “Compte tenu de la taille du projet hydroélectrique et des risques de glissements de terrain liés à la construction, il est très probable qu’au moins 928 personnes vivant dans une zone d’impact […] seront expulsées”, a calculé l’ONG. D’après leur base de données, au moins 144 000 personnes sont connues pour avoir été expulsées et relocalisées à cause d’une installation hydroélectrique au Tibet, tandis qu’ils estiment à plus de 750 000 le nombre de personnes réellement affectées. “En plus de modifier négativement des écosystèmes écologiquement uniques en inondant les terres agricoles, les forêts, les prairies et les habitats de la faune sauvage et en creusant les flancs des montagnes, les barrages interrompent la vie aquatique, le sol, l’eau et les flux de nutriments, essentiels au maintien de la vie dans les pays situés en aval”, déplore encore l’association.
L’an dernier, des Tibétains avaient manifesté contre un projet de barrage qui menaçait des monastères et lieux sacrés de destruction. Le soulèvement avait été durement réprimé par les autorités chinoises, avec des manifestants battus et arrêtés, selon une enquête de la BBC.
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