A ce stade, rien n’indique qu’ils vont parvenir à s’entendre. Fidèle à sa stratégie de “pression maximale”, Donald Trump a tancé Vladimir Poutine : s’il n’y a pas “rapidement” d’accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine, il imposera à Moscou “des taxes, droits de douane et sanctions” très élevés, a-t-il martelé sur Truth Social. Il n’a pas échappé au président américain que l’économie russe présente des signes alarmants de surchauffe : 9 % d’inflation officielle (mais des hausses de prix plus proches des 15 % dans les supermarchés), un rouble en chute libre… Dans ce contexte dégradé, s’attaquer aux ventes de gaz et de pétrole russes – qui représente plus de la moitié des recettes d’exportation, selon les dernières données disponibles – porterait un coup sévère à la guerre de Poutine.
Pas sûr, toutefois, que cette menace suffise à le faire plier. Bien que “préoccupé” par la situation économique, le chef du Kremlin n’est pas (encore) à court de ressources. A l’initiative sur le champ de bataille, il pourrait opposer une fin de non-recevoir à Washington. En fin connaisseur de la psyché trumpienne, il pourrait aussi prendre le président américain à contre-pied. Déjà, il a commencé à le flatter en le qualifiant d'”intelligent” et de “pragmatique”. Il pourrait maintenant l’inciter à traiter directement avec lui du sort de l’Ukraine. Sans Volodymyr Zelensky. Et sans les Européens.
Nouveau Yalta
En septembre dernier, Poutine s’était dit prêt à négocier une paix sur la base de la “formule d’Istanbul”, des pourparlers entre Kiev et Moscou qui s’étaient tenus au printemps 2022. L’Ukraine acceptait de devenir neutre, mais pouvait adhérer à l’Union européenne. L’affaire avait capoté, Kiev n’ayant pas obtenu de garanties suffisantes de sécurité.
Mais Poutine veut aller plus loin. “Il est préférable que nous […] discutions calmement de tous les domaines qui intéressent à la fois les Etats-Unis et la Russie”, a-t-il déclaré la semaine dernière, en évoquant une possible rencontre avec le nouveau président américain. Les négociations sur la fin du conflit en Ukraine pourraient ainsi s’intégrer dans un format plus large, visant à définir une nouvelle architecture de sécurité européenne. Un nouveau Yalta.
Mettre fin à la guerre – seul – et redessiner un nouvel ordre pour l’Occident ? Ce serait tentant pour un Donald Trump, qui rêve du prix Nobel de la paix. A Kiev, on voit le danger : Poutine veut “négocier le sort de l’Europe sans l’Europe”, a alerté Andriï Iermak, chef de cabinet du président Zelensky, le 24 janvier. Méfiance, en effet. Entre un Trump égotique et un Poutine manipulateur, le risque existe que les Européens soient tenus à l’écart de “grandes manœuvres diplomatiques” et qu’il se fassent balayer de leur propre histoire. Ou, pour le dire autrement, qu’ils ne soient pas à la table des négociations, mais qu’ils en soient le menu.
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