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Donald Trump, une annonce choc par jour : sa méthode montre déjà ses limites


Ceux qui se voulaient rassurants en sont pour leurs frais. En moins de trois semaines, Donald Trump, tel un monarque absolu, a esquissé une feuille de route sidérante : s’emparer du Groenland et du canal de Panama ; faire du Canada le 51e Etat américain ; et prendre possession de la bande de Gaza pour la transformer en “Côte d’Azur” du Moyen-Orient.

Parallèlement, il a retiré les Etats-Unis des accords de Paris sur le climat, lancé le démantèlement de l’agence d’aide au développement international USAID (plus de 10 000 employés) et laissé son conseiller Elon Musk, chargé de tailler dans les dépenses publiques, prendre le contrôle du système de paiement du Trésor. Le milliardaire a aussi amorcé une guerre commerciale avec la Chine, brandi des droits de douane contre ses voisins canadien et mexicain, et relevé les taxes sur l’acier et l’aluminium importés aux Etats-Unis. A qui le tour ? Menacés, l’Union européenne et Taïwan tremblent.

Avec des objectifs clairs en politique intérieure – réduire l’Etat fédéral, freiner l’immigration, mettre fin au “wokisme” -, le 47e président, qui a eu quatre ans pour préparer son projet et composer ses équipes, a démarré son second mandat pied au plancher : quelque 80 décrets signés en deux semaines, contre une moyenne annuelle de 55 entre 2017 et 2021, a calculé Bloomberg. A ce rythme, il pourrait dépasser Franklin D. Roosevelt (1933-1945), qui en a paraphé plus de 300 par an pendant sa présidence.

Dans le monde de Trump, tout se monnaie

Sur le plan diplomatique, Trump II est plus agressif que Trump I, voire carrément impérialiste. L’ex-homme d’affaires a beau avoir théorisé dans son best-seller The Art of the Deal son goût pour la surenchère, sur Gaza ou d’autres sujets, “nous prenons très au sérieux ce qu’il dit”, prévient une source diplomatique française. Sage attitude. Loin d’être apaisé par sa réélection, le locataire de la Maison-Blanche veut obtenir des victoires sans appel en utilisant la puissance de l’Amérique pour faire plier ses adversaires, ennemis comme alliés. Dans le monde de Trump, tout se monnaie : la défense de l’Ukraine contre l’accès à ses terres rares. Celle de Taïwan contre des concessions sur les semi-conducteurs. Transactionnel à 100 %, pour lui, les valeurs n’ont pas leur place en politique étrangère.

Une approche façonnée par son passé de promoteur immobilier à New York. “Il a une lecture géographique des choses : il regarde le planisphère et identifie les ‘propriétés’ qui l’intéressent”, pointe Charles Kupchan, professeur à l’université Georgetown et ex-conseiller de Barack Obama. Opérant un retour troublant à la politique américaine du XIXe siècle, il découpe le monde en zones d’influence et veut acter la domination des Etats-Unis sur sa partie occidentale, des Amériques jusqu’au Groenland.

Une aubaine pour Xi Jinping

En même temps, celui qui rêve de décrocher le prix Nobel de la paix se voit comme une figure quasi messianique capable de mettre fin aux conflits dans le monde. Et tant mieux si ses idées folles choquent. “Il se considère comme un disrupteur, c’est sa marque de fabrique. Il a été élu sur l’idée que le système en place ne fonctionnait pas. Presque tout ce qu’il dit et fait a pour but de déstabiliser l’establishment. Une démarche qui le place au centre de l’attention”, reprend Charles Kupchan. Et qu’importe si son projet irréaliste et inique d’expulser près de 2 millions de Palestiniens de Gaza se heurte à l’hostilité des pays arabes. Il tentera de l’imposer par la force.

La “méthode” Trump commence cependant à montrer ses limites. Le républicain a finalement suspendu pour un mois sa menace d’imposer des barrières douanières de 25 % au Mexique et au Canada. Qu’a-t-il obtenu en échange ? Pas grand-chose. Les Canadiens ont nommé un “tzar” pour lutter contre le trafic de fentanyl. Quant aux Mexicains, ils ont promis de déployer 10 000 hommes à la frontière pour renforcer la lutte contre l’immigration illégale, mais c’est déjà ce qu’ils font depuis des années… Lors de son premier mandat, des annonces spectaculaires avaient déjà fait pschitt. Présenté comme le “plus grand deal que personne n’ait jamais vu”, l’accord commercial signé avec la Chine en janvier 2020 n’a jamais été respecté par Pékin. Enfin, malgré sa “bromance” avec le dictateur nord-coréen Kim Jong-un, Donald Trump n’a pas réussi à lui faire renoncer à son arsenal nucléaire.

D’ores et déjà, la résistance s’organise. Aux Etats-Unis, des tribunaux contestent nombre de décrets jugés illégaux. A l’étranger, la Chine a déclenché des représailles. Elle ne sera pas la seule si les taxes douanières continuent de pleuvoir sur la planète. Une aubaine pour le président chinois Xi Jinping, qui compte bien profiter des coups portés au soft power américain pour accroître son influence sur la scène internationale. Alors que s’esquissent les négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine, le leader républicain n’exclut pas que les Ukrainiens puissent “être russes un jour”. Du pain bénit pour le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, qui cherchera, lui aussi, à exploiter les failles de la mécanique trumpienne.




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