Voilà une décennie, la France s’engageait à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. A commencer par celle des industries qui doivent faire baisser drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Transports, énergie, BTP, usines : largement aidés par l’État, tous les grands secteurs de l’économie se sont lancés dans la bataille et la marche en avant semble irréversible dans notre pays. Un volontarisme qui contraste avec ce que l’on observe à l’étranger. Aux Etats-Unis, Donald Trump a regagné la Maison-Blanche et sort des accords de Paris. En Chine, les émissions de GES repartent à la hausse. Même l’Union européenne s’apprête à alléger son Pacte Vert, pourtant adopté en 2019. Autant dire que le mouvement général se ralentit et inquiète.
Sans surprise, l’année 2024 s’est achevée sur un recul du marché automobile français avec une énorme déception : la stagnation des ventes des versions électriques. “Les entreprises ne jouent pas le jeu”, fustigeait Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, sur RTL, fin décembre.
De fait, alors qu’en 2023 les immatriculations de voitures et de véhicules utilitaires légers fonctionnant uniquement sur batteries avaient bondi de 71,6 % dans les flottes, “le soufflé est nettement retombé avec une hausse de 2,1 %”, note l’Observatoire de la mobilité d’Arval, dans son bilan annuel, publié le 6 janvier. Un coup de frein dû essentiellement aux petits fourgons, en recul 6,7 %, contre une progression de 89,1 % un an plus tôt. La fin du bonus de 3 000 euros a pénalisé un secteur pour lequel l’offre reste peu étoffée. Du côté des citadines et des berlines, “la montée en puissance demeure poussive”, selon l’Observatoire, à 5,3 %. Grandes gagnantes des motorisations, les hybrides s’arrogent 48,8 % des acquisitions.
Les gestionnaires de parc forcés à effectuer la transition énergétique
“La suppression de la prime écologique constitue un élément de charges important, mais l’augmentation du malus sur les thermiques a produit un jeu de vase communicant qui tend à améliorer le coût de détention des gammes électriques, note Erwan Matte, directeur nouvelles mobilités et RSE du loueur longue durée Athlon. Sur ce chemin de crête, les entreprises cherchent le bon équilibre entre les impératifs budgétaires et une mobilité qui réponde à leurs besoins. Avec les évolutions technologiques opérées par les différents constructeurs, les modèles électrifiés répondent à un plus grand nombre de cas d’usage.”
La pression réglementaire et fiscale incite les gestionnaires de parc à effectuer la transition énergétique. Cependant, “les PME ont des critères de choix très pragmatiques, avec des marges de manœuvre moindres que celles des grands groupes, poursuit Erwan Matte. Nous arrivons à démontrer que le budget de la mobilité peut être optimisé, grâce à l’accompagnement des salariés, la formation à l’écoconduite pour préserver l’autonomie des batteries, la mise en place de bornes de recharge sur site ou au domicile des employés.”
Une solution retenue par son client Sodexo, dont 56 % des 2 200 véhicules sont électrifiés, de façon à lever la crainte de la panne sèche. “Nous sommes convaincus du rôle que nous avons à jouer pour minimiser les impacts négatifs de notre activité sur l’environnement. La lutte contre le gaspillage alimentaire constitue l’un de nos engagements majeurs. Il était tout à fait naturel que notre flotte suive nos valeurs. Nous n’avons pas adopté de positions dogmatiques. Nous préférons nous appuyer sur des collaborateurs promoteurs de ce genre d’alternatives. La mise en place prend certes plus de temps, mais l’adhésion obtenue en ressort est plus grande”, explique Stéphane Nevière, responsable du parc.
Incertitudes
Des formules telles que la location de moyenne durée séduit les saisonniers ou les sociétés dont les besoins s’avèrent parfois ponctuels. Un régime qui permet à certains employeurs de familiariser leurs conducteurs aux nouvelles énergies.
Reste que le rythme de la décarbonation a pâti de celui du marché professionnel, en recul de 4,4 %. “Les incertitudes politiques et économiques n’ont guère incité aux investissements. Pour une PME dotée de cinq véhicules, la corrélation entre achat et croissance de son activité demeure forte”, précise Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’observatoire Cetelem. Face à cet attentisme, une clarification s’impose.
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