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Retraites : pourquoi les chiffres de la Cour des comptes ne révèlent pas toute la vérité


Partir sur de bonnes bases, permettre un semblant de débat afin d’arracher un potentiel accord. Voilà en substance la mission que François Bayrou a confiée à la Cour des comptes, chargée de donner sa “vérité des chiffres” sur la situation financière de notre système de retraite. Après un mois de travail, les magistrats de la rue de Cambon ont remis le 20 février leur mission “flash”. Le conclave, rassemblant syndicats et organisations patronales, se réunira ce jeudi 27 février.

Les participants tâcheront de trouver, d’ici début juin, des pistes d’amélioration de la dernière réforme des retraites qui a porté à 64 ans l’âge légal de départ. Certains souhaitent son abrogation pure et simple, d’autres se disent prêts à perfectionner un texte adopté dans la douleur par 49-3 il y a deux ans. Le Premier ministre a néanmoins fixé une ligne rouge : la nouvelle mouture ne devra pas aggraver le “trou” des retraites.

Sur la table, figurera un épais rapport de la Cour des comptes prévoyant que le déficit du système de retraites s’élèvera à 6,6 milliards d’euros en 2025, se stabilisera jusqu’en 2030, avant de repartir en trombe et d’atteindre 15 milliards d’euros en 2035 puis 30 milliards en 2045. La juridiction financière avait aussi à répondre à une question cruciale : existe-t-il “un déficit caché”, lié, notamment, aux retraites des fonctionnaires ?

C’est le Premier ministre, qui, dans sa déclaration de politique générale, avait semé le doute en évoquant un déficit de 45 à 55 milliards d’euros, bien plus élevé que les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR). “François Bayrou a, en quelque sorte, ouvert la boîte de Pandore avec cette sortie”, estime l’économiste Charles Dennery, auteur de Réformer (vraiment) les retraites (PUF). Pour la Cour des comptes, il n’en est rien. Si elle reconnaît que l’Etat contribue fortement au rééquilibrage du système de retraite des fonctionnaires – 45,1 milliards d’euros en 2023 – en raison du déséquilibre démographique (moins d’actifs pour plus de retraités), l’institution considère que les régimes du privé et du public ne sont pas comparables et qu’il n’y a donc pas lieu de comptabiliser les subventions d’équilibre.

Une forme de lâcheté ?

“La Cour des comptes fait preuve d’une forme de lâcheté et d’aveuglement comptable”, critique l’économiste Antoine Levy. D’après lui, “c’est un artifice comptable qui permet d’ignorer le problème et de donner l’illusion que les partenaires sociaux gèrent pleinement les retraites, alors qu’en réalité, un tiers du système est financé par l’impôt. Dire que le système de retraite est ‘presque à l’équilibre’ est trompeur. En réalité, les contribuables financent le système deux fois : d’abord par leurs cotisations, qui offrent un rendement quasi nul puisqu’elles sont simplement restituées sous forme de pensions sans surplus, mais aussi par leurs impôts, qui ne donnent droit à aucune pension future.”

Le choix de la Cour des comptes semble avant tout motivé par des considérations politiques afin d’éviter au conclave une brève existence. “Si elle avait annoncé un déficit de 50 milliards d’euros, les partenaires sociaux auraient refusé d’entrer dans toute négociation. Il ne fallait pas charger la barque”, avance Charles Dennery. Désormais, le débat est faussé et le sujet risque d’être remis sous le tapis au moins jusqu’à la prochaine présidentielle.

Le débat désormais muselé

Une solution de facilité au mépris de la réalité. “Ils peuvent afficher un équilibre fictif et bâtir des projections irréalistes sur la croissance de la productivité, l’évolution des pensions, ou encore l’âge de départ à la retraite, tout en occultant le fait qu’une partie du financement repose sur des impôts et de la dette”, analyse Antoine Levy.

Comment les contredire désormais ? “Beaucoup diront qu’il n’y a pas de déficit caché, puisque la Cour des comptes ne l’a pas signalé. Cela rendra plus difficile la défense d’un discours alternatif sur la question”, déplore Charles Dennery.

Pour autant, l’ex-haut fonctionnaire Jean-Pascal Beaufret n’en démord pas. C’est lui qui, contre vents et marées, défend l’idée que la méthode comptable utilisée par le Cor, et désormais reprise par la Cour des comptes, n’est pas la bonne. Avec des conséquences majeures. “Si l’on ne prend en compte que le futur sans remettre en question le poids actuel des retraites, les mesures envisagées seront très limitées. Pendant des années, nous devrons emprunter massivement”, juge l’ancien directeur général des impôts qui chiffre même à 78 milliards d’euros l’ensemble des subventions délivrées par l’Etat en 2023 – plus de la moitié du déficit public cette année-là. “La Cour des comptes passe sous silence celles provenant des opérateurs de l’Etat, ainsi que les surcotisations versées par les collectivités et les hôpitaux”, assure-t-il. Masquant un peu plus la réalité implacable des chiffres dont elle prétendait pourtant vouloir donner toute la vérité.




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