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L’exposition à voir : à Cannes, la Malmaison se réinvente

Voilà des décennies qu’elle n’avait pas bénéficié d’une rénovation à la hauteur de sa destinée. Tout commence en 1863 quand les architectes Blondel et Vianey construisent la Malmaison en tant que villa annexe du Grand Hôtel, édifié la même année, alors que le front de mer cannois aimante les hivernants fortunés et que les établissements de luxe se multiplient sur la toute nouvelle Croisette. La demeure, qui mêle les styles avec un penchant marqué pour le baroque, est agrandie en 1901 sur l’impulsion du grand-duc Michel de Russie pour y nicher son cercle des golfeurs. Un temps propriété de lord Crawford, elle finit par tomber en 1970 dans le giron de la ville, qui y loge ses activités culturelles.

Aujourd’hui, après deux années de chantier, la belle dame de l’emblématique promenade vient de faire peau neuve, sous la houlette architecturale de Nelson Wilmotte (le fils de Jean-Michel). Si la Malmaison conserve sa façade d’époque, une toiture résolument contemporaine en bois et zinc recouvre désormais l’édifice, agrémenté d’un rooftop. Quant aux espaces intérieurs, ils ont été entièrement réhabilités, triplant la surface dévolue aux expositions, qui occupe trois étages. Coût total de l’opération : près de 11 millions d’euros.

Territoire réinterrogé

Le projet, qui rentre dans le programme “La Croisette réinvente sa légende”, lancé par le maire, David Lisnard, s’inscrit dans la préservation du patrimoine – d’où cette restructuration aux antipodes du white cube – et l’ouverture au monde pour attirer les artistes reconnus ou phénomènes émergents de la sphère internationale. Centre d’art contemporain, l’endroit ne glissera pas moins un événement autour de l’art moderne dans sa programmation annuelle, le Midi ayant constitué une terre d’accueil et d’inspiration pour les plus grandes signatures du XXᵉ siècle.

En témoigne l’exposition inaugurale, visible jusqu’au 20 avril, qui réunit sur le thème de la Méditerranée les œuvres d’une cinquantaine d’artistes d’hier et d’aujourd’hui. Intitulé Luxe, calme et volupté – clin d’œil à Baudelaire mais également à Matisse pour son tableau du même nom -, l’accrochage des commissaires Amélie Adamo et Hanna Baudet offre ainsi d’intéressantes confrontations entre les époques et les univers, entre un Sud idéalisé dans une quête d’éden gorgé de soleil et un territoire réinterrogé, voire chahuté, sur la toile.

Dans “La Ronde” (2024), Nazanin Pouyandeh fait un clin d’œil appuyé à Matisse.

On y voit les étapes initiatiques de Matisse et Derain à Collioure, Signac à Saint-Tropez, ou encore Picasso à Antibes et Cannes, qui trouvent là la lumière et la couleur propices au travail sur le motif, entrer en collision avec la figuration libre de Combas, les teintes chaudes de Thomas Verny, parti sur les traces des Fauves. Les bleus et verts de L’Eté, de Pierre Bonnard, sont revisités par Christine Guinamand dans son Joueur d’échecs.

L’Iranienne Nazanin Pouyandeh signe une composition hyperréaliste, La Ronde, elle aussi renvoyant à Henri Matisse, dont la toile homonyme figure sur un carnet de croquis au sol, tandis que Louis Cane commet un Adam et Eve aux formes picassiennes. Dans une sculpture évolutive faite de savon et vouée à l’érosion, Frédérique Nalbandian, originaire de Menton, prend, quant à elle, le “contre-pied du paradis retrouvé pour transmettre l’impermanence d’un monde menacé”, tout comme Thomas Lévy-Lasne remplace la silhouette de Gustave Courbet saluant la mer par une poubelle. Quand le maître, en son temps découvrait, émerveillé, les rivages de Palavas, son jeune héritier met à mal le mythe de l’âge d’or azuréen.

Luxe, calme et volupté, jusqu’au 20 avril, La Malmaison, Cannes.




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