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Guerre commerciale : confrontés à une pénurie d’œufs, les Etats-Unis cherchent l’aide… de l’Europe


À quelques semaines de Pâques, dans les rayons des supermarchés américains, il sera peut-être bientôt plus facile de trouver des œufs en chocolat plutôt que de véritables produits du poulailler. Les États-Unis connaissent ces derniers mois une importante épidémie de grippe aviaire. Depuis le début de l’année 2025, plus de 30 millions de poules pondeuses ont été euthanasiées dans le pays. Résultat : les prix de cette denrée pourtant commune montent en flèche. En un an, ils ont grimpé de 65 %. Une nouvelle hausse de 41 % est attendue en 2025, au moment où l’inflation étouffe déjà de nombreux foyers américains.

Cette crise tombe mal pour Donald Trump. Le président américain, lancé dans sa guerre commerciale contre de nombreux pays, est contraint de demander de l’aide à l’étranger pour fournir son pays en œufs. L’objectif ? Tenter de répondre à la demande et stabiliser l’augmentation du coût de ce produit très consommé par les Américains. “Nous parlons de centaines de millions d’œufs à court terme, a indiqué, ce vendredi 21 mars, la ministre de l’Agriculture, Brooke Rollins. C’est assez pour que cela aide à faire baisser davantage les prix en attendant que notre population de poules soit reconstituée.”

Des contacts avec de nombreux pays européens

Car remettre sur pied une cohorte de poules pondeuses prend du temps. Il faut attendre 18 mois après l’éclosion avant d’espérer qu’un de ces volatiles puisse fournir son premier œuf. Le département américain en charge de l’Agriculture s’est donc également réjoui dans un communiqué, vendredi, d’observer une diminution du nombre d’exportations d’œufs vers l’étranger. Il estime que “garder plus d’œufs sur le marché intérieur aide à stabiliser les prix”.

Malgré tout, les États-Unis vont avoir besoin de bien davantage pour fournir les supermarchés américains en œufs. Le déblocage d’un plan d’un milliard de dollars à destination de l’industrie de la volaille a été acté, avec plus de la moitié de ces ressources consacrées à la mise en place de mesures de biosécurité et à la recherche sur des vaccins contre la grippe aviaire. Mais, de manière plus concrète, Washington a aussi contacté plusieurs États d’accord pour envoyer en urgence des œufs outre-Atlantique. La Turquie et la Corée du Sud ont déjà accepté d’aider le pays, mais d’autres puissances sont aussi en discussion avec l’administration américaine.

C’est le cas de plusieurs États de l’Union européenne. Vendredi, les chambres d’agriculture de Pologne et de Lituanie ont ainsi confirmé à l’AFP avoir été approchées par les ambassades américaines à ce sujet il y a déjà plusieurs semaines. Selon le magazine danois AgriWatch, la Suède ou les Pays-Bas auraient également été appelés. Tout comme l’Italie, d’après les informations de Bloomberg. “[Jeudi], j’ai parlé à une poignée d’autres pays dont nous pourrons bientôt importer la production. Nous n’avons pas encore signé d’accord, donc je préfère ne pas donner leur nom”, s’est contentée de signaler Brooke Rollins lors de sa prise de parole.

Normes sanitaires et contexte douanier

Comme révélé par Reuters, le Danemark fait aussi partie de cette liste. Pourtant, Copenhague est la cible de véhémentes attaques de la part de Donald Trump depuis sa prise de pouvoir. Le président américain lorgne sur son territoire autonome du Groenland, riche en ressources pétrolières, minières et gazières, et dont il veut prendre le contrôle “d’une manière ou d’une autre”. L’association de promotion des œufs danois, pas forcément contre l’idée d’exporter davantage vers les États-Unis, a toutefois émis une réserve en rappelant que le marché européen était lui-même sous tensions d’approvisionnement. La Pologne et la Lituanie ont elles aussi indiqué vouloir avant tout exporter vers le Vieux continent pour y sécuriser les prix.

Autre problème : la conformité de produits européens vis-à-vis des normes américaines devrait être revue pour exporter en masse vers les États-Unis. Or aujourd’hui, “il faut des années pour obtenir un tel permis, a expliqué à l’AFP Gytis Kauzonas, de l’Association de la volaille lituanienne. Mais compte tenu de la situation, je pense que tout est possible.” La Finlande a de son côté rejeté les appels du pied de Washington pour ces mêmes raisons. “Lancer des exportations n’est pas une affaire simple, car il n’existe pas de règles convenues”, a pointé Veera Lehtilä, directrice générale de l’Association finlandaise de la volaille, interrogé par le média finlandais Yle.

La stratégie commerciale de Donald Trump semble ici toucher certaines limites. La guerre douanière entreprise vis-à-vis de l’Europe, qui promet d’infliger aux États-Unis de fortes contre-mesures tarifaires, ne facilite pas les échanges avec les 27 au moment de solliciter leur aide. Surtout, la situation montre la “dépendance des États-Unis et de l’Europe au commerce”, a réagi le ministre danois de l’Agriculture, Jacob Jensen, dans une déclaration relayée par la presse du royaume scandinave. Grâce aux œufs, l’UE pourrait-elle faire pression sur le président pour qu’il infléchisse sa position sur les droits de douane ? Simple hypothèse pour le moment, Bruxelles n’ayant pas exprimé sa position sur le sujet.




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