Le bras de fer entre l’administration de Donald Trump et la justice se poursuit. Cette fois, ce sont les cabinets d’avocats et les avocats eux-mêmes que le président des États-Unis tente de museler. Vendredi 21 mars, dans la soirée, le milliardaire a publié un décret permettant de sanctionner les professionnels “poursuivant des affaires judiciaires sans fondement, en particulier dans les cas impliquant la sécurité nationale, intérieure, publique ou l’intégrité des élections”. Selon le New York Times, “le mémorandum ordonne aux responsables des départements de la justice et de la sécurité intérieure de demander des sanctions contre ceux qui s’engagent dans des litiges frivoles, déraisonnables et vexatoires à l’encontre des États-Unis”, ou dans des affaires soumises aux agences fédérales.
Cette directive intervient alors que l’administration Trump fait face à plus de 130 poursuites judiciaires contestant des mesures visant à démanteler des agences et des programmes de promotion de la diversité, à geler les dépenses, licencier des employés fédéraux et à expulser des immigrés sans procédure régulière. Les experts juridiques craignent ainsi que cette ordonnance ne permette à l’administration d’intenter des actions contre ceux qui mettent en cause la légalité des mesures prises par Donald Trump. “Ce mémorandum présidentiel s’attaque aux fondements mêmes de notre système juridique en menaçant et en intimidant les plaideurs qui cherchent à obliger notre gouvernement à respecter la loi et la Constitution”, s’inquiète le Washington Post.
Aux États-Unis, les juges fédéraux peuvent en effet déjà sanctionner les poursuites judiciaires sans fondements. C’est ainsi que plusieurs avocats de Donald Trump ont, par exemple, accumulé des plaintes pour violation du code déontologique. L’un d’entre eux, Rudy Giuliani, s’est même vu suspendre son droit d’exercer dans certains États, pour avoir avancé des fausses affirmations lors de la contestation des résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020. “Mais en général, une marge de manœuvre est accordée. Même les avocats qui commettent des arguments farfelus en justice ne sont généralement pas poursuivis légalement ou supposé agir de mauvaise foi”, poursuit le Washington Post.
Plusieurs cabinets dans le viseur du gouvernement
L’annonce intervient alors que le gouvernement de Donald Trump se trouve dans un bras de fer avec plusieurs cabinets d’avocats. “Au cours des dix derniers jours, [elle] a dépouillé les autorisations et les contrats des entreprises qui ont conseillé n’importe qui sur leur liste d’ennemis”, résume le Financial Times. La semaine dernière, elle est ainsi parvenue à soumettre l’une des plus grandes entreprises juridiques du pays : le cabinet Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison, connu pour être proche des démocrates et avoir dénoncé à plusieurs reprises les mesures de la nouvelle administration.
Menacé de se voir suspendre ses habilitations de sécurité (qui permettent d’accéder à des informations protégées cruciales dans certaines affaires), le cabinet a finalement conclu un accord pour fournir des dizaines de millions de dollars de services juridiques à la Maison-Blanche, rapporte l’Associated Press. “La décision de conclure un accord plutôt que de se battre devant les tribunaux a provoqué une onde de choc dans la communauté juridique. La radicalité de la décision du président intervient alors qu’il a également intensifié ses attaques publiques contre les juges et les tribunaux”, commente le New York Times.
“Attaque contre tous ses opposants”
Perkins Coie, un autre cabinet ciblé par Donald Trump, a, lui, choisi une autre stratégie : déposer plainte devant un tribunal fédéral afin d’obtenir une ordonnance de protection temporaire. Car ils ne sont pas les seuls visés. Covington et Burling, le cabinet qui représente l’ancien procureur spécial Jack Smith – qui a instruit les procédures contre Donald Trump – a quant à lui perdu ses habilitations de sécurité.
“L’objectif du président Trump est clair. Il veut que les avocats et les cabinets d’avocats capitulent et se fassent petits jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne pour s’opposer à son administration devant les tribunaux”, a dénoncé dans une note Marc Elias, l’un des avocats à l’origine des soupçons d’ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, qui avait donné lieu à une enquête du FBI. Le Financial Times s’inquiète de son côté de “la rapidité des agressions de Donald Trump contre l’État de droit : les tribunaux peuvent à peine suivre le rythme”.
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