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Faut-il se précipiter voir l’exposition d’Hervé Di Rosa au Mucem ?

C’est la grande tendance de ces dernières années : faire dialoguer les œuvres d’un artiste avec celles d’un fonds muséal. La formule, désormais presque banale, a souvent le mérite d’exhumer des pièces rarement montrées et d’opérer un rapprochement inédit entre les univers, les époques. Après Macha Makeïeff cet automne, c’est au tour d’Hervé Di Rosa de mettre en lumière des pièces originales puisées dans les collections du Mucem. Face à cette profusion de mobiliers et d’objets issus des arts et traditions populaires, le chantre de la figuration libre des années 1980 y a vu “comme un air de famille” avec le Miam, le Musée international des arts modestes qu’il a créé avec Bernard Belluc à Sète, sa ville natale, il y a près de vingt-cinq ans. Un “air de famille” qui donne d’ailleurs aujourd’hui son intitulé à la réunion marseillaise. Celle-ci est à l’image du volubile Sétois, lui-même collectionneur compulsif : un joyeux bric-à-brac réparti sur une quinzaine d’îlots, entre lesquels le visiteur navigue à son gré, Vincent Giovannoni et Jean Seisser, commissaire et scénographe de l’exposition, ayant résolument banni les barrières physiques entre les pièces et ceux qui les regardent.

Hervé Di Rosa et Jean Seisser (direction artistique) déroulent un parcours d’îlots au Mucem.

L’approche rejoint pleinement celle du créateur multidisciplinaire et globe-trotteur invétéré qu’est Hervé Di Rosa : interroger les limites entre l’art, l’artiste et les gens, qu’ils viennent ou non au musée dans notre ère numérique saturée d’images. Il sait de longue date que le monde bouge, que les modes tournent, lui, le vieil adepte de la céramique, qui a vu les métissages entre art et artisanat, longtemps snobés par l’art contemporain, à une époque où l’installation vidéo et le conceptuel étaient rois. Déjà, étudiant à la fin des années 1970, le jeune Di Rosa arpentait avec gourmandise les salles du Musée des arts et traditions populaires du bois de Boulogne : “Il y avait ces unités écologiques qui reconstituaient des intérieurs traditionnels, ça me fascinait”, se souvient-il. Dans les réserves du Mucem, localisées à la Belle de Mai, il a d’abord et naturellement été aimanté par les objets renvoyant au carnaval, à la foire et aux images grotesques, mais s’en est rapidement détourné : “J’ai pensé que cela serait redondant avec mon travail qui est en partie influencé par ces univers, explique-t-il. Avec Vincent Giovannoni et Jean Seisser, nous nous sommes donc plutôt focalisés sur des objets plus simples, comme du mobilier ancien, des pièces d’attelage ou des boules de jeux de quilles.”

Au Mucem, l’artiste, a voulu “enchâsser” ses trouvailles glanées à la Belle de Mai dans ses propres créations. Et réciproquement. De fait, ces “enchâssements” offrent de nouvelles perspectives à l’imaginaire en dépassant la simple mise en regard entre deux œuvres pour en créer une nouvelle. Le résultat est souvent spectaculaire à défaut d’être toujours évident, mais c’était l’objectif d’Hervé Di Rosa : proposer “une sorte de jeu de piste pour ceux qui essaieront de retrouver des corrélations – qui s’avéreront parfois lointaines – entre les œuvres”. Ainsi, sous nos yeux, une échelle de jougs de bœuf à l’horizontal surplombe une vache en résine peinte par l’artiste ; une cohorte de figurines colorées issues de sa collection personnelle surgissent d’une vieille armoire normande ; une impressionnante maquette en ciment, métal, charbon et fil électrique rend hommage aux mineurs et aux trieuses du siècle dernier ; ou encore, concession aux arts forains affectionnés par Di Rosa, un orgue monumental doté de 1 040 tuyaux actionnés par un système pneumatique parade, superbe, tel un vaisseau insubmersible. Pour faire revivre l’instrument aux 105 touches, l’artiste a demandé aux musiciens Pascal Comelade et Régis Campo de lui associer chacun une composition que le visiteur peut écouter casque sur les oreilles.

Au Mucem, vue sur “Les Visiteurs” (détail), par Hervé Di Rosa.

Pas loin de là, un imposant fusil, jadis utilisé pour le gibier d’eau, trône au milieu d’oiseaux en bois. Les volatiles, façonnés sur la table de la cuisine familiale par Marius Di Rosa, le père de l’artiste, récemment disparu, étaient destinés à jouer les “appelants de chasse” sur les étangs. Ils ont bercé l’enfance d’Hervé, et viennent rejoindre, comme un symbole, cette réunion éclectique d’”objets populaires à la beauté intrinsèque que nous avons tous eu sous les yeux, mais dont on n’a pas toujours perçu la valeur et la matérialité”. L’hommage paternel se double ici d’une ode à la diversité incarnée par la cité phocéenne et ses habitants. Dans le hall d’accueil du musée, Les Visiteurs, un bas-relief en papier mâché de 7 mètres figurant une foule de visages composite, annoncent la couleur. On retrouve cette thématique au fil du parcours, sur une grande toile, Les Marseillais, mais aussi à travers les plaques en métaux découpés de 4 mètres sur 3, où Di Rosa reprend à son compte les fameuses « résilles » de Rudy Ricciotti, le concepteur du Mucem. La boucle est bouclée, l’artiste touche-à-tout chez lui.




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