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Droits de douane de Donald Trump : une bombe à retardement pour les républicains


Quelques mois seulement après l’élection de Donald Trump, “il devient évident que la prochaine phase de la politique américaine ne ressemblera en rien à ce qu’avaient imaginé les gagnants”, juge le New York Times (NYT). Pour plusieurs médias américains, l’application des tarifs douaniers massifs de Donald Trump va créer d’énormes risques économiques et politiques pour les républicains, avec le spectre d’une récession et d’une vague de victoires démocrates lors des élections locales et de mi-mandat en 2026.

Les nouveaux tarifs introduits par le 47e président des Etats-Unis placent une épée de Damoclès au-dessus des sièges des républicains, et sèment le trouble dans leurs rangs. Car cette fois, le risque d’un ralentissement économique violent et dangereux pour les ménages est clairement attribuable aux choix politiques de Donald Trump. Le milliardaire a pourtant bénéficié d’une gestion économique jugée efficace durant son premier mandat. Selon un sondage du NYT, en partenariat avec le Siena College, à l’automne dernier, plus de 40 % des électeurs ayant soutenu Donald Trump en 2024 mais pas en 2020 ont déclaré que l’économie ou l’inflation était la question la plus déterminante de leur vote. Lors de sa campagne présidentielle, le candidat républicain “avait promis un soulagement immédiat par des prix plus bas pour les électeurs écrasés par les pressions inflationnistes héritées de la présidence Biden”, souligne lui aussi le Washington Post.

Le risque immense de récession

En pointant du doigt les villes et bourgades de la ceinture industrielle autrefois prospère des Etats-Unis, Donald Trump affirme aujourd’hui que sa politique tarifaire vise à restaurer la puissance manufacturière des Etats-Unis, à créer des emplois bien rémunérés dans le pays et à réduire les déséquilibres commerciaux. Entre le 5 et le 7 avril, le milliardaire a finalement déclenché l’application d’un tarif douanier universel de 10 % sur les importations de 185 pays. Il a aussi “imposé des droits de douane supplémentaires individualisés à une soixantaine de pays, qu’il considère comme les plus grands contrevenants commerciaux”, rapporte Politico. Soit le début d’une guerre commerciale mondiale sans précédent, comme en témoigne la chute des bourses aux quatre coins du monde ce lundi 7 avril. Ces tarifs s’élèvent à 20 % pour l’Union européenne, 34 % pour la Chine, 24 % pour le Japon, 30 % pour l’Afrique du Sud, 32 % pour la Turquie, 26 % pour l’Inde ou encore 24 % pour l’Australie.

Au nom d’un “âge d’or” de l’Amérique promis par Donald Trump, la population américaine devra donc, selon les économistes, se préparer à vivre une période douloureuse sur le plan économique. Selon le magazine Forbes, une note de Sachs révélait le 30 mars une probabilité de récession de 35 % pour l’année prochaine, avec une forte hausse de l’inflation et une hausse du chômage, en parallèle d’une baisse de la croissance.

La contestation s’intensifie chez les républicains

Le 29 mars, Donald Trump affirmait qu’il “se moquait” que les prix augmentent à cause des tarifs douaniers. Pourtant, le président américain est déjà confronté à une approbation de plus en plus faible sur les questions économiques : selon un sondage Reuters/Ipsos publié début avril, seulement 37 % approuvent désormais sa gestion de l’économie. Sa cote de popularité est aussi retombée sous les 50 %. Ces décisions économiques pourraient aussi jeter une ombre conséquente sur les candidatures de nombreux républicains – dont beaucoup n’ont pas soutenu l’augmentation des tarifs douaniers – qui seront en lice pour les élections locales et les élections de mi-mandat de 2026 (qui renouvellent une partie des sièges du Congrès américain).

Face à ce risque, cette dernière semaine a déjà vu un mouvement de contestation gagner une vigueur inhabituelle au sein du camp républicain. Dans son podcast, le sénateur Ted Cruz, ancien candidat à la primaire républicaine et figure majeure du parti, a exprimé sa crainte d’un “bain de sang” pour les républicains aux prochaines élections de mi-mandat si la guerre commerciale plongeait l’économie américaine dans la récession, rapporte le Financial Times. Six sénateurs de droite ont également été jusqu’à soutenir une proposition de loi bipartisane qui vise à limiter le pouvoir du président sur les tarifs douaniers, laquelle stipule que toute nouvelle taxe douanière serait automatiquement annulée après soixante jours, sauf si elle reçoit une approbation explicite du Congrès. Une initiative qualifiée d’”encourageante” dans un éditorial du pourtant très conservateur et très trumpiste Washington Examiner, qui regrette néanmoins son peu de chances d’aboutir.

La perspective d’une nouvelle “vague bleue” ?

Les conséquences politiques pour les républicains sont déjà perceptibles. Mardi 1er avril, deux élections locales ont démontré le regain de forme des démocrates. L’élection pour deux sièges de députés à la Chambre spéciale de Floride, remportée de peu par les républicains, et celle d’un juge démocrate à la Cour Suprême du Wisconsin, ont ainsi pris une ampleur nationale. Des événements politiques qui “reflètent l’avantage du parti auprès des électeurs les plus informés, éduqués et engagés civiquement”, juge le NYT, et qui démontrent que “les démocrates disposent d’un électorat de base plus fiable et des moyens pour le mobiliser”, estime le Washington Post. C’est ce même avantage qui avait permis aux démocrates de remporter la majorité des élections locales sous le premier mandat de Donald Trump. Les résultats de mardi dernier offrent donc selon le grand quotidien national “un aperçu plausible des élections à venir dans les prochaines années : de grandes victoires démocrates, y compris lors des élections de mi-mandat de l’an prochain”.

L’effet pourrait être décuplé par la nouvelle politique inflationniste de Donald Trump. Dans les circonscriptions, les élus républicains sont déjà pressés de questions sur les tarifs et les risques d’inflation, rapporte quant à lui le média américain The Hill. “S’il y a des difficultés à court terme et que l’inflation existe toujours en novembre [2026], les républicains vont se faire balayer”, prévient un stratège républicain anonyme auprès du média. Pour le NYT, “si les retombées économiques sont suffisamment graves, l’insatisfaction envers l’administration Trump pourrait se combiner avec l’avantage structurel de la mobilisation démocrate pour rendre gagnables des Etats traditionnellement républicains en 2026”, lors des élections de mi-mandat. Et peut-être même faire basculer le Sénat.




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