La rupture semblait inexorable, au vu des déclarations mutuelles ces dernières semaines. Elle a bien eu lieu, ce mardi 21 mai. Le Rassemblement national ne siégera plus avec l’AfD, le parti d’extrême droite allemand, au Parlement européen. Un choix venu du président du RN et tête de liste pour les européennes, Jordan Bardella, a indiqué à l’AFP son directeur de campagne Alexandre Loubet, confirmant une information de Libération.
La goutte de trop fut une déclaration plus qu’ambiguë sur le régime nazi de la tête de liste de l’AfD pour ces élections européennes, Maximilian Krah. “Je ne dirai jamais que quiconque portait un uniforme SS était automatiquement un criminel”, a-t-il déclaré au journal italien La Reppublica, dans une étrange tentative de réhabilitation du principal groupe responsable du génocide juif. “Parmi les 900 000 SS, il y avait également beaucoup d’agriculteurs : il y avait certes un pourcentage élevé de criminels, mais ils ne l’étaient pas tous”.
Des polémiques répétées
Mais il ne fallait pas attendre ce week-end pour voir des membres de l’AfD s’enliser dans des déclarations ou des réunions polémiques. Le même Maximilian Krah avait déjà été appelé par son parti à se mettre en retrait de la campagne des européennes après que l’un de ses collaborateurs parlementaires à Bruxelles avait été mis en examen pour des soupçons d’espionnage en faveur de la Chine. Le numéro 2 de la liste pour les élections européennes, Petr Bystron, a quant à lui été épinglé dans le réseau de propagande russe “Voices of Europe”, accusé d’avoir reçu de l’argent pour faire la promotion du Kremlin.
Mais l’AfD avait surtout également été au cœur des polémiques pour la participation d’un de ses leaders à un rassemblement à Vienne de la mouvance néonazie autrichienne, dans laquelle il était promu un projet de “rémigration” de près de deux millions de personnes vers l’Afrique du Nord. La révélation de cette réunion avait conduit à des manifestations très importantes en Allemagne, plusieurs centaines de milliers de personnes défilant et appelant à l’interdiction du parti d’extrême droite.
Des tensions qui s’accentuaient
Ces frasques répétées avaient déjà conduit le Rassemblement national à prendre ses distances avec son désormais ex-partenaire allemand. “Nous serons amenés à discuter des divergences, et voir si ces divergences ont ou n’ont pas des conséquences sur la capacité que nous avons à nous allier dans un même groupe”, déclarait alors Marine Le Pen, fin janvier. Le 20 février, elle et le président du parti, Jordan Bardella, avaient également déjeuné avec Alice Wiedel, coprésidente de l’AfD, l’appelant à revenir sur cette proposition de “rémigration”.
De son côté, l’AfD avait assez peu goûté aux remontrances répétées du RN. Avant finalement de contre-attaquer sur le sujet de Mayotte, s’interrogeant sur le respect vis-à-vis du droit international de son non-rattachement à l’archipel des Comores. La pique de trop pour Marine Le Pen, qui met très souvent en scène son attachement pour l’archipel. “L’AfD ferait mieux de s’occuper des problèmes de l’Allemagne et je suis fâchée de cette situation”, avait-elle alors répondu. Avant de poursuivre le week-end dernier : “L’AfD n’est pas dirigée. Cela pose un souci dont il faudra que nous discutions lorsque nous réfléchirons au futur groupe”. Une discussion finalement tranchée.
Cette prise de distance pourrait cependant avoir de fortes conséquences sur la future composition du Parlement européen. Depuis 2019, le RN et l’AfD siégeaient ensemble au sein du groupe Identité et Démocratie, où ils apportaient la grande majorité des sièges. De quoi poser la question des futurs alliés du Rassemblement national à Bruxelles. D’autant plus que le dernier parti majeur du groupe ID, la Ligue italienne (24 eurodéputés), devrait quant à lui voir son nombre d’élus largement fondre au scrutin du 9 juin prochain, au détriment de Fratelli d’Italia, le parti de la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni.
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