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Réforme de l’assurance chômage : quel possibles effets sur le retour à l’emploi ?


A partir du 1er décembre, les règles d’indemnisation de l’assurance chômage seront durcies “pour aller vers le plein-emploi” et “valoriser encore plus le travail”, a déclaré Gabriel Attal dans une interview à La Tribune Dimanche, ce dimanche 26 mai. La durée d’indemnisation sera réduite à quinze mois “dans les conditions actuelles” – si le taux de chômage se maintient en dessous de 9 % -, pour les chômeurs âgés de moins de 57 ans. Et il faudra avoir travaillé huit mois sur les derniers vingt mois pour être indemnisé. Actuellement, la règle est d’avoir travaillé six mois au cours des vingt-quatre derniers mois.

Gabriel Attal a aussi confirmé l’ajout d’un nouveau seuil pour diminuer la durée d’indemnisation – qui avait déjà été réduite de 25 % depuis février 2023 – encore davantage si le taux de chômage tombe sous les 6,5 %. Il n’a pas précisé de combien. La CGT avait rapporté que cette durée serait diminuée dans ce cas de 15 points de pourcentage supplémentaires, soit 40 %, ce qui la ramènerait à douze mois.

3,6 milliards d’économies

“Pour préparer le rebond économique de 2025 que nous annoncent les prévisionnistes, je souhaite que les règles soient encore plus incitatives quand la croissance repartira davantage et que le taux de chômage diminuera”, a déclaré Gabriel Attal. Selon le ministère du Travail, le gouvernement attend de la réforme 3,6 milliards d’euros d’économies et projette une augmentation du nombre de personnes en emploi “de 90 000”.

Gabriel Attal a précisé que le gouvernement allait prendre un décret le 1er juillet pour que la réforme “puisse entrer en vigueur le 1er décembre”.

“90 000 chômeurs en moins”

Mais baisser la durée d’indemnisation permet-elle vraiment de réduire le taux de chômage ? Oui, selon plusieurs études menées ces dernières décennies dans les pays de l’OCDE, qui estiment même qu’allonger cette durée aurait un effet désincitatif sur l’emploi : “Lorsque la durée d’indemnisation est portée de sept à quinze mois, le taux de retour à l’emploi diminue de 28 % (soit un allongement de la durée de chômage de l’ordre de deux mois et demi)”, notait en 2013 l’économiste Thomas Le Barbanchon, auteur d’une étude à ce sujet publiée par l’Institut des politiques publiques. Plusieurs études montrent en revanche que si la mesure peut avoir un effet positif sur le taux de retour à l’emploi, cela se fait au détriment de la qualité du travail retrouvé.

Les économistes Bruno Amable et Baptiste Françon, qui se sont par exemple penchés sur l’effet des lois Hartz en Allemagne de réforme du code du travail, estiment qu'”une diminution de la générosité de l’indemnisation devrait écourter la durée des périodes de chômage, mais elle devrait en même temps avoir un effet négatif sur la qualité de l’emploi repris en obligeant les chômeurs à accepter des emplois n’utilisant pas nécessairement au mieux leurs compétences”, indiquaient-ils dans une étude publiée en 2015. Ce sont d’ailleurs les femmes âgées de 50 à 59 ans qui sont le plus pénalisées par ces réformes, devant se tourner majoritairement vers des temps partiel.

De son côté, Damien Euzénat, qui a étudié pour l’Insee l’effet de l’expiration des droits des chômeurs sur leur recherche d’emploi conclut que “l’’emploi retrouvé après la fin de droits est moins bien rémunéré et plus souvent de courte durée que lorsqu’il est retrouvé le mois et demi avant”, les bénéficiaires étant obligés d’accepter plus facilement un travail “motivés par des raisons financières”. De plus, l’insatisfaction vis-à-vis de l’emploi retrouvé ne dépend pas que de la rémunération : “Il est considéré comme moins intéressant, expose plus souvent à une situation de déclassement professionnel.”

C’est également un travail que l’on aura tendance à quitter plus rapidement pour un autre, avec un recours plus systématique aux CDD ou missions d’intérim. Si l’on réduit la durée d’indemnisation, va-t-on changer la stratégie de recherche d’emploi du chômeur ? La réponse est ’oui’ . Mais va-t-on améliorer son bien-être, sa capacité à trouver le bon emploi au bon moment ? Rien n’est moins sûr […] L’objectif de la réforme est plutôt de faire des économies que de se rapprocher du plein-emploi”, estime Bruno Coquet, expert affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques, interrogé par l’AFP.

En revanche, la réforme pourrait avoir des conséquences sur la précarité et la pauvreté des chômeurs, en baissant leur pouvoir d’achat : “L’assurance-chômage vise à soutenir le revenu des chômeurs. C’est un instrument de maintien du pouvoir d’achat et de stabilisation économique en cas de crise. Ce n’est pas un instrument de retour à l’emploi”, estime l’économiste Anne Eydoux sur Franceinfo.

“Un objectif financier”

Les syndicats n’ont pas manqué de réagir aux annonces de l’exécutif. “L’objectif, ce n’est pas l’incitation, le retour à l’emploi, puisqu’il n’y a aucun lien avec le fait de réduire les droits à ce point”, a estimé Olivier Guivarch de la CFDT. Pour le négociateur du premier syndicat, cela “confirme que l’objectif était financier”. Au gouvernement “ils partent d’une somme qu’ils doivent trouver et ils regardent quelles sont les mesures qui peuvent produire cette baisse de dépenses assez rapidement” au risque d'”obliger certaines personnes à prendre des emplois de mauvaise qualité, des contrats courts, de cumuler des emplois” pour s’en sortir, a-t-il dénoncé.

Dimanche 26 mai, le Premier ministre a également confirmé la création d’un “bonus emploi senior”. Grâce à cette mesure, “un senior au chômage qui reprendra un emploi moins bien rémunéré que son emploi précédent pourra cumuler son nouveau salaire avec son allocation de chômage” et “retrouvera ainsi sa rémunération initiale, pendant un an”, a expliqué Gabriel Attal. Les syndicats avaient rapporté que les salaires seraient ainsi compensés jusqu’à 3 000 euros.

Il a aussi souhaité créer un “index seniors” et étudier la création d’un “CDI senior”. Le système de bonus-malus sur les contrats courts, critiqué par le patronat et aujourd’hui limité à sept secteurs d’activité, fera également l’objet d’un examen sur “l’opportunité de l’étendre en fonction de l’évaluation à conduire”.




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