Elles jouent un rôle de premier plan dans la chute de la production automobile française. Elles, ce sont les citadines, ces petites voitures qui ont fait vivre des milliers d’ouvriers en France… jusqu’à leur délocalisation massive au tournant des années 2000. Qu’il s’agisse de la Twingo et de la Clio chez Renault, des Peugeot 208 et Citroën C3 côté Stellantis, aucun de ces modèles n’est produit en France. Et ce, alors qu’ils se disputent chaque année la tête des classements des véhicules les plus vendus dans l’Hexagone. Avec ses coûts élevés, la France ne fait pas le poids face aux pays de l’Est ou à l’Espagne dans la production de petites voitures pas chères, ont longtemps expliqué les deux constructeurs tricolores.
Un argumentaire dont semble être revenu Renault, qui a décidé de produire sa R5 à batteries dans son usine de Douai (Nord). Stellantis se refuse à un tel revirement. En juillet dernier, son patron Carlos Tavares a balayé d’un revers de main la demande de Bruno Le Maire de localiser la production de la Peugeot 208 électrique sur le sol français. Et ce, alors que le véhicule a très largement profité du dispositif de leasing social mis en œuvre par le gouvernement. Dans un entretien accordé au Figaro, Carlos Tavares expliquait avoir “un très gros doute sur le fait que l’on puisse produire des véhicules électriques très compacts de façon rentable dans notre pays”.
Or, l’arrivée des voitures à batteries change justement la donne, à en croire Jean-Philippe Hermine, le directeur de l’Institut mobilités en transition – une émanation de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), un groupe de réflexion. L’étude que cet ancien responsable de la stratégie environnement de Renault a publié à la fin du mois de mai avec la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH) démontre que l’écart de compétitivité entre la France et ses concurrents dans la production de petites voitures électriques est bien moindre qu’on aurait pu le croire.
Des “stratégies d’entreprises court termistes”
En étudiant une ribambelle d’indicateurs – coût du travail, prix de l’énergie, subventions aux investissements, impôts de production… –, les auteurs concluent que l’écart de prix de revient d’ici la prochaine décennie ne serait que de l’ordre de 2,5 % avec l’Espagne, de 2 % avec la Slovaquie et de 6 % avec la Chine. Soit des montants oscillant entre 390 et 960 euros par véhicule. “Pour une marque généraliste, un écart de compétitivité de 6 % la placerait potentiellement en dehors du cœur de marché. C’est le cas de l’écart avec la Chine, qui est par conséquent suffisant pour expliquer des délocalisations”, conviennent les auteurs de l’étude. D’où l’intérêt de réfléchir selon eux à un relèvement des droits de douane entre 15 et 17 % – contre les 10 % pratiqués en Europe actuellement sur les véhicules électriques –, et au déploiement d’un score environnemental à l’échelle européenne, à l’image du dispositif mis en œuvre pour calculer le bonus écologique en France.
“En revanche, un écart de 2,5 % ou 3 % correspond à la moitié de l’écart-type au sein d’un marché”, tranchent-ils. Et d’en conclure que les délocalisations qui profitent aujourd’hui aux pays d’Europe de l’Est ou à l’Espagne “sont plutôt la résultante de stratégies d’entreprises court termistes (commerciales) visant à maximiser les marges à moindre effort, c’est-à-dire sans travailler la productivité d’un tissu industriel installé”.
Au-delà de l’intérêt écologique, l’Iddri et la FNH estiment que la production de 700 000 citadines de segments A et B en France permettrait de sauvegarder 25 800 emplois directs et près de 70 000 à l’échelle de l’industrie automobile, tout en réduisant le déficit commercial de 14 milliards d’euros. De quoi en faire une opération gagnante sur tous les tableaux.
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