Michèle Pappalardo, énarque, ancienne rapporteuse de la Cour des comptes, a été nommée présidente du comité du label ISR (Investissement socialement responsable) avec une mission : le refondre afin qu’il tienne réellement ses promesses.
L’Express : Pourquoi le label ISR a-t-il été réformé ?
Michèle Pappalardo : C’est très simple : le référentiel du label ISR datait de sa création, en 2016, à la suite de la COP 21 qui s’était déroulée à Paris l’année précédente. C’était alors un jalon important, mais, en matière de finance durable, il s’agit presque de la préhistoire. Il était temps de le repenser entièrement, sachant qu’il conviendra ensuite de l’amender au moins tous les trois ans, à mesure que la finance durable progresse, tant en exigence qu’en transparence.
En quoi consiste cette nouvelle mouture ?
Nous avons mis dix-huit mois pour définir une mécanique qui oriente efficacement l’épargne vers une économie qui prenne en compte les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Il s’agissait d’opérer un tour de vis, tout en veillant à ce que le dispositif reste accessible aux yeux des sociétés de gestion qui souhaitent atteindre ce niveau d’exigence. Par exemple, le précédent label prévoyait que 80 % des meilleurs élèves puissent intégrer un fonds labellisé ; ce sera désormais 70 %. L’objectif consistait à ne pas trop pénaliser les fonds très thématiques, dont l’univers est déjà très restreint et qui sont souvent vertueux.
Nous avons aussi demandé que 15 % des entreprises financées par les fonds ISR présentent un plan de transition cohérent avec les accords de Paris. Et j’espère que d’ici à 2026 la version actualisée du label permettra d’augmenter fortement ce pourcentage. En attendant, il s’agit d’une nouvelle pratique que nous essayons d’instiller.
Ensuite, en matière de gouvernance, nous avons instauré des obligations de vote aux assemblées générales : les sociétés de gestion défendront ainsi leurs convictions face aux entreprises. Elles joueront pleinement leur rôle d’aiguillon sociétal et environnemental.
Vous avez également mis beaucoup d’exclusions en place. Est-ce une manière de répondre aux nombreuses critiques dont était l’objet le précédent label ?
Evidemment. L’exclusion a été un élément central de notre travail de refonte. Désormais, les fonds labellisés ISR ne peuvent plus financer le tabac ou le charbon, mais les nouvelles exploitations fossiles non plus. Il en va de même pour les entreprises situées dans les paradis fiscaux. Le label actuel va même plus loin que les propositions que nous avions faites en comité !
Il faudra un peu de temps pour que ce dispositif se mette en place, mais les nouveaux fonds désireux d’être certifiés sont déjà concernés depuis le 1er mars dernier. Quant aux fonds qui souhaitent conserver leur label, ils ont jusqu’au 1er janvier 2025 pour se conformer à ces nouvelles règles. Ils seront ensuite audités tout au long de l’année.
Quelle sera la prochaine étape ?
Avant de se remettre à l’ouvrage sur le label ISR en 2026, nous allons nous concentrer ces dix-huit prochains mois sur la création d’une certification pour le private equity (investissement au capital d’entreprises non cotées), comme nous l’avons déjà fait pour l’immobilier. Avec ces trois labels, mis à jour régulièrement, la place de Paris va véritablement devenir exemplaire.
Un article du dossier spécial “Placements responsables”, paru dans L’Express du 30 mai.
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