Sommet contre sommet, les grandes puissances du monde se défient. D’un côté, les Occidentaux se sont réunis à Washington entre le 9 et le 11 juillet, à l’occasion du 75e anniversaire de l’Otan, fondé en 1949 au sortir de la Seconde Guerre mondiale. De l’autre, la semaine dernière, les 3 et 4 juillet, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est réunie à Astana, au Kazakhstan, pour sa réunion annuelle. L’OCS, fondée en 2001 par la Chine et la Russie, se veut une organisation de coopération en matière de sécurité et de défense.
“Engagée contre l’hégémonie des Occidentaux sur la scène internationale, l’OCS incarne une vision du monde multipolaire, en témoigne la présence de l’Iran, de l’Inde et du Pakistan aux côtés de la Russie et de la Chine et de 14 États partenaires”, souligne Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et ancien ambassadeur de France en Russie, dans un entretien publié sur le site de l’Iris.
Une alternative à l’Otan ?
Le Bélarus, plus grand allié de Moscou, vient par ailleurs d’intégrer l’Organisation de coopération de Shanghai, en devenant ainsi le dixième pays membre. Outre l’adhésion du Bélarus, l’agenda politique a été chargé cette année pour l’OCS, devant acter d’une coopération en matière de criminalité et terrorisme à la guerre en Ukraine, et traiter du projet de réconciliation entre la Turquie et la Syrie.
Néanmoins, cette coopération serait loin d‘égaler pour l’heure l’alliance transatlantique, les pays membres de l’OCS étant loin de former un bloc solide. “Il y en a un certain nombre d’entre eux qui sont en guerre, certains qui ont des relations très tendues comme la Chine et l’Inde, l’Inde et le Pakistan ou certains pays d’Asie centrale entre eux, donc on est très loin d’une organisation de défense collective comme peut l’être l’Otan, c’est difficilement comparable”, a expliqué Mathieu Droin, sur les ondes de RFI.
Sa vocation a toutefois évolué depuis le début des années 2000. Des problématiques de terrorisme, de criminalité transfrontalière, ou encore de séparatisme ethnique, “l’organisation a progressivement servi de cadre de légitimation aux routes de la Soie chinoises (Belt and Road Initiative)”, pointe Jean de Gliniasty. “Le sommet d’Astana est un pas supplémentaire dans cette évolution vers une organisation multilatérale qui se saisit des grands problèmes mondiaux dans un sens antioccidental”, ajoute-t-il.
Signalements stratégiques
Tout comme l’Otan, l’OCS réalise des exercices militaires conjoints. Quelques jours avant le sommet de de l’alliance transatlantique, la Chine a envoyé des soldats en Biélorussie, pile à la frontière de la Pologne, elle-même membre de l’Otan. Ces exercices militaires inédits avec le principal allié de la Russie dans la région étaient destinés avant tout à adresser un message aux Occidentaux. “Comme c’est souvent le cas au moment des grands sommets, on a ce que l’on peut appeler des signalements stratégiques, a indiqué Mathieu Droin à RFI. L’idée, c’est de montrer au moment où l’Otan insiste sur le fait qu’elle renforce ses partenaires avec les voisins de la Chine, les fameux partenaires de l’Indo-Pacifique, que la Chine est en capacité de nouer des partenariats et d’être active aux frontières de l’Europe”.
Loin d’être indifférents à ce rapprochement, les dirigeants de l’Otan, réunis mercredi à Washington, ont exprimé leurs “profondes préoccupations” face au rapprochement entre la Russie et la Chine. Ils ont dénoncé le soutien de Pékin à l’effort de guerre russe en Ukraine, selon un communiqué final. “Le resserrement du partenariat stratégique entre la Russie et la Chine, ainsi que leurs tentatives, se conjuguant entre elles, qui visent à déstabiliser l’ordre international fondé sur des règles et à le remodeler, suscitent de profondes préoccupations”, ont-ils affirmé.
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