“Les bases d’une reprise et d’une croissance économique saines doivent être consolidées.” C’est en ces termes évasifs que le Bureau national des statistiques de Chine (BNS) – organisme de tutelle sous la responsabilité du Conseil des affaires de l’Etat – évoque la situation économique de la deuxième puissance mondiale.
Les dirigeants du parti communiste chinois (PCC) auront tout le loisir de discuter de ce constat à l’occasion du 3e plenum, qui se déroule du 15 au 18 juillet. Cette assemblée plénière est l’une des six tenues à chaque mandat. De celle-ci découlera le futur plan économique quinquennal, l’actuel arrivant à son terme en 2025 pour un bilan économique morne.
Il est fort probable que l’assemblée plénière de 2024 ne fasse pas date comme celle de 1978. La réussite économique de la Chine, sous Deng Xiaoping (1978-1989) et même au-delà, est impulsée lors de ce rendez-vous coutumier de planification économique. Ce dernier a amené le pays au socialisme de marché, sortant, selon Reuters, 800 millions de Chinois de la pauvreté. A chaque mandat son 3e plénum, donc, et pour cette année, la tendance est à la modération.
Les ratés du moteur chinois
Au deuxième trimestre 2024, la croissance du pays est en augmentation de 4,7 % par rapport à l’année précédente. Une tendance au ralentissement comparé aux 5,3 % du trimestre précédent. Pour illustrer ce ronronnement, deux données apparaissent pertinentes : la vente au détail, en hausse d’à peine 2 % au mois de juin 2024, et la hausse de seulement 5,3 % de la production industrielle.
Epicentre de la crise sanitaire, la Chine n’a levé ses mesures draconiennes que depuis un an et demi, et son économie peine toujours à s’en relever. Car depuis, les principaux marchés – où abondent les exportations chinoises – ont commencé à ériger des barrières commerciales, en particulier dans le secteur de l’industrie verte. En mai dernier, Joe Biden augmentait de 100 % les droits de douane sur les voitures électriques provenant de Chine. L’Union européenne, dans une moindre mesure, a imité son allié d’outre-Atlantique, augmentant les droits de douane jusqu’à 38 % pour le groupe Saic.
Sur son territoire, le pays fait face à l’antienne de la crise immobilière. Des délibérations du 3e plénum, l’analyste financier Moody’s anticipe seulement “quelques mesures de soutien” pour ce secteur autrefois fer de lance de l’économie chinoise. L’immobilier s’est effondré en même temps que l’entreprise Evergrande, un géant étranglé par les dettes. La société avait perdu 80 % de ses actions à l’automne 2021, entraînant tout le secteur dans sa chute tout le secteur.
Dans un entretien accordé en mars à L’Express, le spécialiste de l’économie chinoise, François Chimits, assurait que l’apparente stabilisation du troisième trimestre 2023 relève davantage de “leviers artificiels” et craint que l’accroissement du “stock d’invendus” conjugué à la “non-correction des prix, […] augure une nouvelle chute d’activité”.
“Quelques mesures” pour l’immobilier, des “ajustements” pour le secteur des hautes technologies… Moody’s, dans ses prévisions pour la Chine, ne mise guère sur un radical changement de cap. Le gouvernement, en qualité de timonier, envisagerait un objectif de taux de croissance aux alentours de 5 %, bien loin de ce que l’usine du monde a connu lors des deux dernières décennies, où la croissance à deux chiffres était une norme.
Une stratégie d’entêtement
Les dirigeants craignent qu’un changement trop radical puisse être synonyme d’échec. Le virage autoritaire pris par Xi Jinping – fin d’une limitation du nombre de mandats exercés – ne laisse plus la place aux divergences dans les grandes assemblées. “Tout le monde répète ce qu’il pense être censé dire, ce que le chef a envie d’entendre, et […] ça peut avoir un effet négatif sur les politiques publiques qui sont mises en œuvre”, analyse Jérôme Doyon, professeur assistant au Centre d’études de Relations Internationales de Sciences po, pour RFI.
Ces préoccupations laissent dans l’angle mort la question du chômage chez les jeunes, qui le BNS chiffrait, en juin 2023, à 21,3 %. Par ailleurs, le régime mise toujours, malgré la tendance protectionniste du marché américain et européen, sur son industrie, sans apporter de réponse au problème d’une consommation en berne.
Enfin, une autre thématique devrait empiéter sur la question économique, censée être l’objet principal du 3e plénum : le sujet militaire. En mai dernier, Asialyst, un média spécialisé sur les thématiques asiatiques, insistait sur la gestion des rapports anticorruption au sein d’Armée populaire de libération, ainsi que la question de la nomination, en décembre 2023, du nouveau ministre des Armées, Dong Jun.
Source