ll y a vingt et un ans, Nicolas Baverez publiait un best-seller retentissant, La France qui tombe. Aujourd’hui, une édition actualisée pourrait s’intituler “La France à terre”. Alors que notre pays s’embourbe dans une crise politique née de la dissolution, tout en faisant face à un déficit public qui devrait encore dépasser les 5 % de PIB en 2024, même les plus optimistes auront du mal à contester un déclassement annoncé par l’avocat et essayiste libéral.
Dans un grand entretien accordé à L’Express, ce disciple de Raymond Aron analyse les causes et les conséquences de ce qu’il qualifie de “tournant historique”. Un entretien en forme d’avertissement : après quatre décennies d’”impunité” permise par la solidité de la Ve République puis la protection de l’euro, la France ne doit, selon lui, plus compter sur l’indulgence de ses partenaires, qui sont en train de construire, sans elle, l’Europe de demain, et ne seraient pas mécontents de se venger de l’arrogance d’Emmanuel Macron…
L’Express : Quelles sont les racines de la crise politique actuelle, qui peut laisser présager une crise financière à venir ?
Nicolas Baverez : Nous vivons l’aboutissement de quatre décennies de déclin, durant lesquelles la France a perdu régulièrement de la croissance, s’est désindustrialisée et s’est enfermée dans le chômage de masse. L’extrême droite s’est nourrie d’une colère sociale provoquée par la paupérisation de la population et par une polarisation géographique qui sont parvenues à un point critique. Seules quelques métropoles peuvent encore, en matière de niveaux de revenus, se comparer avec les régions les plus riches en Europe. Pour le reste, des pans entiers de la population et du territoire français sont descendus à des niveaux de vie d’autant plus inquiétants qu’ils dépendent largement de transferts sociaux financés par la dette publique.
Le chômage, la pauvreté et l’exclusion ont alimenté des secousses sociales en chaîne propres à la France. Notre pays a connu les mêmes chocs que l’ensemble des pays développés : le krach de 2008, la crise de l’euro, la pandémie de Covid, l’inflation et le choc énergétique déclenchés par la guerre en Ukraine… Mais il a également vu se multiplier des épisodes de violences de nature quasiment insurrectionnelle qui lui sont propres. Des gilets jaunes à la guerre civile de Nouvelle-Calédonie, la France a connu les manifestations très dures autour de la réforme des retraites, des émeutes urbaines qui ont dévasté 500 villes puis le soulèvement des agriculteurs, qui comportait aussi une dimension européenne.
La dette publique s’est substituée aux dévaluations pour devenir le facteur d’ajustement aux chocs et de régulation des tensions au sein de l’économie et de la société françaises, passant de 20 à 110 % du PIB depuis 1980. Elle a permis d’acheter une fausse paix sociale, de masquer et de refuser de traiter les problèmes fondamentaux. La France a ainsi perdu sa souveraineté en dépendant de la Chine pour la fourniture de ses biens de consommation essentiels, des Etats-Unis pour la technologie, de l’Allemagne pour la réassurance de sa dette. Tout ceci s’est traduit par une déconnexion de plus en plus évidente entre une rhétorique de la puissance et les moyens effectifs de la puissance, entraînant une perte d’influence en Europe et dans le monde.
Nous sommes parvenus au point de rupture, où le château de cartes s’écroule avec la prise de conscience, en France comme à l’étranger, du caractère insoutenable non seulement de la dette mais du modèle économique et social français.
Mais jusqu’à présent, notre pays a tenu bon…
Pendant des décennies, la France a bénéficié d’une impunité. Elle le devait d’abord à la solidité et à la flexibilité de la Ve République : le pays a toujours été gouvernable et l’Etat opérationnel. Ensuite, elle a bénéficié de la protection de la zone euro : elle est en partie fictive car l’Allemagne n’a ni la volonté ni les moyens de réassurer la France, mais elle était néanmoins considérée par les marchés comme crédible en raison de la nature systémique de notre pays pour l’Union comme pour la monnaie unique. Enfin, a joué l’incroyable efficacité du ministère des Finances pour prélever les impôts et les taxes, même avec peu de croissance, et de la manière la plus indolore et masquée possible. Contrairement à ce qui est dit, la fraude est très limitée en France, surtout si l’on considère les taux d’imposition. Vaille que vaille, l’Etat prélève tous les ans plus de 52 % du PIB, ce qui est extravagant.
Mais aujourd’hui, ces trois protections n’existent plus. Les législatives ont débouché sur une Assemblée ingouvernable éclatée en trois blocs, très loin d’une majorité même relative, et sans réel esprit de compromis. La dissolution a créé la crise politique, alors qu’elle sert normalement à la résoudre. La Ve République retrouve sa nature parlementaire des périodes de cohabitation. Mais la délégitimation du président et le blocage de l’Assemblée rendent a priori le pays ingouvernable, ce qui n’a pas de précédent depuis 1958.
Dans la zone euro, le changement est également spectaculaire, car nos partenaires ont compris que la France n’est pas seulement un risque pour elle-même mais pour eux tous puisque nous jouons avec leur monnaie, leurs finances, leur réputation sur les marchés. L’immunité de la France n’existe plus. La Commission a lancé une procédure de déficit excessif le 9 juillet, ce qui signifie que la France doit proposer des solutions pour rétablir ses comptes dès le 20 septembre. Par ailleurs, le ministre allemand des Finances a déjà indiqué que son pays s’opposerait à ce que la France puisse disposer du mécanisme de stabilité de la BCE si elle devait être touchée par un choc financier.
Sur les marchés, nous sommes dans l’œil du cyclone. Un calme de surface règne, lié au fait que la possibilité de l’arrivée au pouvoir du RN a été écartée et que le programme délirant du NFP ne paraît pas pouvoir être appliqué ni d’un point de vue politique ni d’un point de vue juridique. Mais notre pays est désormais sous surveillance permanente, comme le montre l’écart de taux croissant avec l’Allemagne. Un programme de hausse massive des dépenses publiques et des impôts est insoutenable. S’il devait être expérimenté, la sanction serait aussi rapide qu’au Royaume-Uni en 2022.
Avec l’euro, la France s’est mise dans une situation de passager clandestin dans la mondialisation
Enfin, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. L’année 2023 s’est achevée avec un dérapage du déficit de 4,9 % à 5,5 % du PIB. Ce n’était pas un accident, comme a tenté de le faire croire le président de la République, puisque, pour les cinq premiers mois de 2024, nous enregistrons un nouvel excès des dépenses de 6 milliards d’euros et un déficit des impôts de 1,4 milliard. La faiblesse des recettes est structurelle. Elle est liée à l’atonie de la croissance, à la montée des faillites, aux difficultés de nombreux secteurs : l’immobilier, l’agriculture, les banques et assurances qui sont télescopées par la montée des taux et la déstabilisation de la dette publique.
L’heure est donc grave ?
C’est un tournant historique. Une forme de nouvelle débâcle, quatre-vingt-quatre ans après juin 1940. La dissolution s’inscrit en effet dans un contexte international très dégradé. L’Europe est prise en étau entre le dumping chinois et la réindustrialisation américaine portée l’IRA ou le Chips Act. Sur le front ukrainien, Poutine engrange les succès. Et, plus globalement, l’ère de la mondialisation et de l’argent gratuit et illimité est close. Les taux d’intérêt longs resteront élevés car les besoins de financement pour le vieillissement, la réindustrialisation, la révolution numérique, la transition climatique, le réarmement sont gigantesques.
Avec l’euro, la France s’est mise dans une situation de passager clandestin dans la mondialisation. Elle a renoncé à produire pour importer à bas prix tout en distribuant des revenus fictifs à travers les transferts sociaux, dont dépendent désormais de manière vitale les trois quarts des ménages français, alors que moins de 20 % d’entre eux, surimposés, contribuent de manière nette aux finances de notre pays. Au passage, nous avons sacrifié nos entreprises, nos emplois, nos investissements, mais surtout l’avenir de nos enfants.
L’année 2024 restera celle où la France s’est vue rattrapée par quatre décennies de lent déclin, de déni et de lâches renoncements.
Avons-nous aujourd’hui touché le fond ?
Non, les vrais chocs restent à venir. Le choc politique de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite n’a été que reporté grâce au front républicain. Le RN, avec plus de 10 millions d’électeurs, reste en embuscade et va se nourrir de la colère et des frustrations nées d’une donne politique qui penche à gauche dans un pays qui n’a jamais été aussi à droite. Ensuite, il y a un risque de choc social avec le fossé entre les promesses et les attentes d’un côté, l’absence de toute marge économique et financière de l’autre. Et enfin, il y a le choc financier. La vraie crise, c’est le moment où les taux d’intérêt augmentent de deux à trois points, comme en Italie en 2011, voire où l’accès aux marchés se ferme comme pour la Grèce en 2009. La France devra alors effectuer un ajustement très violent, voire passer sous la tutelle du FMI, de l’UE et de la BCE.
Le changement fondamental, qui n’est pas perçu par les Français, c’est la modification radicale du regard que le monde extérieur porte sur la France. Le temps de l’indulgence est terminé. La France est un risque et non pas un partenaire ou un allié fiable. Plus personne n’est prêt à lui faire confiance, à lui faire crédit, à lui faire des fleurs. D’autant plus que nous n’avons cessé de donner des leçons aux autres. Macron a poussé cette logique à l’extrême avec des prises de position aussi arrogantes qu’erronées sur la mort cérébrale de l’Otan ou sur l’ouverture vers la Russie qui la conduit à discuter vainement avec Vladimir Poutine pendant plusieurs mois après l’invasion de l’Ukraine, avant de changer totalement de position pour proposer, contre toute raison, d’envoyer des troupes au sol en Ukraine. Le tout sans avoir procédé au réarmement de la France. Tout ceci a eu pour seul résultat de diviser nos alliés, d’exaspérer nos partenaires européens, de faire le jeu de la Russie. Aujourd’hui, la France est à terre. Et, à tort ou à raison, beaucoup de pays et de dirigeants d’en réjouissent et s’apprêtent à nous présenter l’ardoise.
Longtemps robuste, la Ve République montre-t-elle ses limites ?
La Ve République a non seulement prouvé qu’elle résistait aux alternances, mais la gauche, qui avait beaucoup critiqué ce régime quand elle était dans l’opposition, a fait plus qu’adopter la monarchie républicaine tout comme la dissuasion nucléaire à partir de 1981. Personne n’est allé aussi loin que François Mitterrand quand il a déclaré : “la dissuasion, c’est moi”. La Ve s’est aussi adaptée aux cohabitations, mais avec des partis qui étaient tous républicains et partageait une même ligne en matière de politique étrangère et de défense. Aujourd’hui, la Constitution de 1958 affronte un nouveau crash test.
Jamais le président, garant des institutions, n’avait délibérément mis en péril son mandat, sa majorité, la stabilité du régime, la République, sur un mouvement d’humeur insensé. Jamais la Ve République n’a connu l’ingouvernabilité. Va-t-elle survivre ? Je pense que oui. Si le blocage s’installe, le président devra démissionner. L’épreuve ultime sera de savoir ce que donnent ces institutions entre les mains d’un parti extrémiste. Car les pouvoirs accordés au président en France n’ont pas d’équivalent dans aucune autre démocratie occidentale. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, l’Etat de droit et le suffrage universel ont résisté à l’arrivée au pouvoir des populistes, ce qui a permis la réversibilité du choix des citoyens. Il n’est pas certain que cela reste vrai si Donald Trump est réélu. Qu’en sera-t-il en France si le RN ou LFI accèdent à la présidence ?
A quel point la France connaît-elle un déclassement au sein de l’Union européenne ? Au Parlement européen, la France ne compte par exemple que six députés au sein du premier groupe, le PPE…
Et deux de ces six députés ont pris position pour Eric Ciotti… La France n’existe plus au Parlement européen, c’est tout à fait clair. Le RN s’est allié avec le pire, à savoir Viktor Orban, qui profite de sa présidence pour saper l’UE et effectuer, sans aucune concertation, une tournée diplomatique dévastatrice chez Vladimir Poutine ou Xi Jinping, sans oublier Donald Trump. Les libéraux de Renew, au sein duquel on retrouve les députés macronistes, ont été relégués en cinquième position. La France a été rayée de la carte des postes de responsabilité au sein du Parlement européen. Elle est absente des négociations sur la future Commission, nul ne sachant qui sera le prochain commissaire français et comment il sera nommé. Les nouvelles institutions sont en train d’être mises en place sans la France, ce qui est sans précédent. Macron est monopolisé par la crise interne, et totalement discrédité. Là encore, un tabou est en passe de tomber. Les Européens sont en train de comprendre qu’ils peuvent faire avancer l’Europe sans la France. Elle ne compte plus.
Les nouvelles institutions européennes sont en train d’être mises en place sans la France, ce qui est sans précédent
On voit émerger de nouvelles voix fortes, qu’il s’agisse du nouveau Premier ministre en Grande Bretagne, ou de Friedrich Merz, en piste pour devenir le prochain chancelier en Allemagne, sans parler de Giorgia Meloni en Italie…
C’est vrai. Keir Stamer a déjà dit qu’il souhaitait discuter avec la Commission et avec l’Allemagne, mais il n’a pas cité la France… Quant à l’Italie, on peut ne pas apprécier les idées de Madame Meloni, ce qui est mon cas, mais on doit constater qu’elle a été à tort largement sous-estimée et qu’elle a réalisé une percée politique qui bénéficie à son pays. Sa première force vient de son leadership et du maintien de sa popularité à un niveau très élevé. Elle a récolté 29 % des suffrages aux élections européennes ; elle tient sa coalition d’une main de fer ; elle déploie une politique d’influence extrêmement efficace en Europe ; elle a parfaitement réussi son G7, où elle a obtenu la venue du Pape François. Elle défend une offre politique, que je ne partage pas, mais qui trouve beaucoup d’écho en Europe. Son post-populisme allie conservatisme sur les valeurs, fermeté sur l’immigration et la sécurité, stratégie économique favorable aux entreprises, insertion dans les institutions européennes, orientation atlantiste, opposition à la Russie et soutien de l’Ukraine. C’est aux antipodes du RN qui reste englué dans des positions étatistes, protectionnistes, hostiles à l’économie de marché, incompatibles avec l’Union européenne, complaisantes envers les autocrates, à commencer par Vladimir Poutine. Un RN dont l’alliance avec Orban au sein du Parlement européen souligne le tropisme autoritaire et illibéral.
La France va-t-elle connaitre son moment populiste alors même que le Royaume-Uni semble en sortir ?
Les trois grandes nations qui ont inventé la liberté politique – Royaume-Uni, France et Etats-Unis – sont malades du populisme. Les Britanniques, qui ont commencé avec le vote du Brexit en 2016, referment ce cycle. Mais la renaissance d’une social-démocratie modérée va de pair avec le regain du populisme à l’extrême droite, avec la poussée de Reform UK de Nigel Farage qui a remporté 14 % des voix. Les Etats-Unis ont réussi à se défaire de Donald Trump en 2020 mais pas à l’éliminer. Il revient en force, aidé par l’âge et les défaillances de Joe Biden mais aussi par la corruption du droit par les juges conservateurs de la Cour Suprême. La France, qui présentait tous les facteurs favorables au populisme, fut longtemps protégée par les institutions de la Ve République, le scrutin majoritaire, la droite et la gauche de gouvernement, le bouclier de l’euro. Tout ceci a disparu. La dissolution débouche en apparence sur la réactivation du front républicain. En réalité, elle a fait sauter les dernières digues en déchaînant les populismes et en donnant le leadership aux radicaux à droite comme à gauche.
Qui porte la responsabilité de cette situation ?
L’accélération de la crise est le fait d’Emmanuel Macron. Par deux fois, en 2017 et 2012, il s’est fait élire en obligeant les Français à jouer une carte forcée en sa faveur comme meilleur rempart contre l’extrême droite. Or non seulement il ne l’a pas combattue en désarmant les causes de son succès, mais il a fait son lit. Il l’a promue en la traitant en partenaire-adversaire privilégié et en faisant en sorte qu’il n’y ait rien entre lui et les deux forces extrémistes. Il a mis en place un techno-populisme irresponsable qui a endetté le pays de 1 000 milliards d’euros. Par sa légèreté et son narcissisme, il s’est fait détester des Français. Il n’est évidemment pas responsable des quatre décennies de déclin. Mais il restera le président qui a fait exploser le modèle français avec le slogan “quoi qu’il en coûte”, qui a déstabilisé la Ve République en installant la transgression au sommet de l’Etat, qui a dévalorisé les valeurs de la République en cédant aux passions identitaires.
Cet argent n’était-il indispensable pour surmonter les différentes crises ?
Il n’a pas produit ni croissance, ni investissement, ni innovation. Il a fabriqué du clientélisme en distribuant des revenus que les générations futures devront rembourser. Il a installé au plus profond des mentalités l’idée que l’argent public est gratuit et illimité.
Le vrai pari de Mélenchon, c’est de prendre le pouvoir dans la rue et pas dans les urnes
Aucun responsable politique, à l’exception d’un Bruno Le Maire de manière bien tardive, ne porte aujourd’hui cette parole sur la gravité de la situation…
Force est de constater que pas un parti n’a suggéré de faire des économies dans un Etat au bord du défaut et mis sous surveillance par les marchés comme par ses partenaires. C’est même l’inverse : les centristes proposaient environ 1 point de PIB de dépenses en plus, le RN 3 points, et le NFP 6 points. C’est un concours de démagogie ! Nos responsables ont renoncé à faire la politique de la France pour servir des revenus fictifs et des acquis illusoires aux Français. S’y ajoute une trahison des clercs. L’immense majorité des économistes soutient sans rire que le programme du NFP est crédible. Depuis la relance de 1981 et à la lumière des crises grecque, italienne et britannique, il est acquis que son application provoquerait une chute de l’activité, une hémorragie d’emplois, une fuite massive d’entreprises et de capitaux, avec à la clé une énorme crise financière. Le débat intellectuel s’est installé en dehors du monde réel plus encore que le débat politique. Dès lors qu’il n’y a plus la capacité à trouver la solution de l’intérieur, le dénouement viendra par la contrainte extérieure. Avec un coût démesuré en termes de perte de souveraineté et de risques pour la démocratie.
Ne craignez-vous pas que certains soient tentés de jouer aux incendiaires, en prônant la politique du pire ?
La stratégie de Jean-Luc Mélenchon, de son aveu même, c’est la tempête, la colère et la fureur. Son vrai pari, c’est de prendre le pouvoir dans la rue et pas dans les urnes. Dans cette logique révolutionnaire de type chaviste, plus il y a de crises, plus il y a de désordre, plus il y a de chaos, et plus cela légitime la violence. Quant au RN, sans toutes ces erreurs et sans le déclin de la France, il n’existerait pas. Il se nourrit de l’aggravation de la crise française qui ne peut que le servir. Mais sa stratégie est pour l’heure de conquérir le pouvoir par les urnes, avant peut-être de l’assurer et de chercher à le conforter dans la rue.
Sur quels atouts pouvons-nous compter pour rebondir ?
Le tableau n’est pas complètement noir. Lors de ce cycle électoral, les Français ont pris pleinement conscience que les choses allaient très mal. Ils se sont mobilisés massivement pour aller voter et faire barrage à l’extrême droite : c’est assurément positif. Les trois blocs politiques seront-ils capables de trouver une forme de compromis sur une politique permettant au moins de laisser le pays à flot ? Les forces politiques raisonnables et modérées vont-elles parvenir à trouver une forme d’accord ? Rien n’est fait, mais il est encore possible d’espérer que les dirigeants se montrent aussi responsables que les Français.
Par ailleurs, il existe aujourd’hui une chance paradoxale. Tous les faux-fuyants et les artifices qui ont été utilisés dans le passé sont caducs. On ne peut plus abuser ni les marchés, ni nos partenaires européens ni nos alliés. Dès lors que nous ne pouvons plus tricher ou masquer les faits, il va falloir accepter les réalités et traiter les problèmes. Enfin un nouveau cycle historique a démarré en 2022 qui peut être une opportunité pour la France. Nous sommes totalement passés à côté de la mondialisation. La nouvelle donne mondiale est placée sous le signe du retour en force de la souveraineté et de la sécurité, qui suppose un partenariat étroit entre l’Etat les entreprises et la société civile. Notre culture, imprégnée du fait que la nation s’est construite autour de l’Etat, peut jouer en notre faveur et nous aider à rebondir. Nous avons raté le XXIe siècle de la mondialisation. Nous devons reprendre pied dans le XXIe siècle de la souveraineté, en renouant le fil de notre histoire nationale qui réside dans une certaine idée de la liberté.
Source