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“Nous résistons, nous existons” : à Paris, le symbole fort de la Maison olympique ukrainienne

Drapeau aux couleurs ukrainiennes sur le dos, Svitlana Sopit ne peut réprimer un cri de victoire : sur l’écran géant qui lui fait face, l’équipe de football ukrainienne vient de marquer un but face au Maroc. Le match, qui a débuté à 17 heures ce samedi 27 juillet, est la toute première compétition retransmise en direct à la Maison olympique ukrainienne, qui vient d’être inaugurée au Trabendo, au cœur du parc de la Villette, dans le XIXe arrondissement de Paris. Baptisée “Volia”, qui signifie “liberté” ou “volonté” en ukrainien, le lieu accueillera durant tous les Jeux olympiques les supporters, officiels ou simples curieux afin de suivre les performances sportives des athlètes ukrainiens. Et de rappeler le poids symbolique de leur présence aux JO de Paris. “Ici, je me sens à ma place, c’est comme un petit bout d’Ukraine en France. Surtout, c’est une manière de montrer que nous sommes encore là, que nous n’avons pas été brisés. Et que nous continuerons toujours de nous battre”, confie Svitlana Sopit, spécialiste du fleuret.

Depuis l’invasion russe, il y a deux ans et demi, et malgré les bombardements, les sirènes d’alarmes ou les incessantes coupures de courant, cette escrimeuse n’a jamais cessé de s’entraîner. Si elle n’a finalement pas été sélectionnée pour ces JO, la jeune femme souhaite rappeler, par sa présence, l’immense résilience des athlètes ukrainiens. “Pour nous tous, les entraînements ont été très stressants et marqués par la violence du conflit. Nous avons perdu beaucoup d’infrastructures, de coachs, d’athlètes partis au combat ou victimes des bombardements”, rappelle-t-elle. L’un de ses camarades escrimeurs, âgé de 18 ans seulement, n’est ainsi jamais revenu du front. Cette perte, que Svitlana Sopit évoque avec émotion, est loin d’être exceptionnelle : depuis le 24 février 2022, près de 500 athlètes ou entraîneurs ont perdu la vie dans le conflit, engagés comme soldats ou victimes des frappes russes.

C’est le cas du judoka Stanislav Houlenkov, mort sur le front à 23 ans, de l’haltérophile Oleksandr Pieliechenko, double champion d’Europe dans la catégorie des moins de 85 kilos, tué au combat à l’âge de 30 ans, ou encore de l’entraîneuse de gymnastique acrobatique Anastasia Ihnatenko, tuée dans une attaque de missile russe à Dnipro avec son époux et son petit garçon de 18 mois. Autant de compatriotes morts au combat, auxquels Anastasia, étudiante ukrainienne réfugiée en France et volontaire au Volia Space, tient à rendre hommage. “Ils ont renoncé à leurs rêves olympiques pour s’engager dans les forces armées, et défendre notre pays. Cette maison ukrainienne, c’est aussi une manière d’honorer leur souvenir”, explique-t-elle. Pour la jeune femme, ce lieu est par ailleurs “une occasion unique” d’alimenter l’intérêt médiatique et politique autour du conflit en Ukraine. “La violence se poursuit. Même si on en parle moins, que le temps passe, que les gens se lassent. Des athlètes, des soldats et des civils continuent de mourir et d’être attaqués en ce moment même. Il faut le rappeler, faire en sorte que personne ne nous oublie”, souffle-t-elle.

Svitlana Sopit, escrimeuse ukrainienne, et son ami Charles, portant la mascotte “porte-bonheur” de l’équipe d’escrime ukrainienne.

“Nous savons ce que chaque victoire signifie”

Ici, entre les écrans géants et les tables prêtes à accueillir les supporters, la carcasse broyée des gradins d’un stade de Kharkiv, bombardés par les missiles russes, rappelle aux visiteurs la réalité de la guerre sur le terrain. A quelques mètres, une photo du spécialiste de saut en hauteur Andriy Protsenko s’entraînant à l’haltérophilie avec deux pneus dans la région de Kherson illustre le combat des athlètes pour continuer leur préparation, dans un pays où plus de 400 infrastructures sportives ont été détruites. Sur les murs de la porte d’entrée, les supporters et bénévoles sont appelés à coller des stickers à l’effigie du territoire ukrainien et d’y apposer le message de leur choix.

La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, venue inaugurer la structure aux côtés de son homologue ukrainien, Matviy Bidnyi, se prête à l’exercice et choisit d’y inscrire “Volia will to win” [NDLR : Volia, la volonté de gagner]. Après une minute de silence en hommage aux victimes de la guerre et la diffusion de l’hymne ukrainien, la ministre tient à rappeler l’engagement de la France auprès de l’Ukraine, notamment au travers de ces Jeux olympiques. “C’est un honneur pour la France d’accueillir cette maison ukrainienne […] et d’avoir pu aider financièrement les athlètes, par le biais de 3 000 heures de stages offertes par le ministère des Sports pour la délégation ukrainienne, dans trois centres du territoire, explique-t-elle. Nous savons à quel point votre entraînement a été difficile, et nous savons aussi ce que chaque victoire signifie.”

Des bénévoles et supporters inscrivent des messages d'espoir sur la porte de la Maison olympique ukrainienne, le 27 juillet 2024.
Des bénévoles et supporters inscrivent des messages d’espoir sur la porte de la Maison olympique ukrainienne, le 27 juillet 2024.

Symbole de résistance

Pour les athlètes ukrainiens, chaque match et chaque médaille comptent. Depuis le début du conflit, la stratégie de défense ukrainienne s’est notamment appuyée sur le sport et la popularité de certains athlètes pour faire campagne en faveur d’un soutien militaire à l’Ukraine. Les frères Klitschko, tous deux ex-champions du monde de boxe poids lourds, ont par exemple profité de leur notoriété pour collecter des fonds face à l’agresseur russe – l’aîné de la fratrie, Vitali, par ailleurs maire de Kiev depuis 2014, a ainsi multiplié les interventions médiatiques pour évoquer la situation de sa ville et la nécessité des aides étrangères. Lors de la cérémonie du Ballon d’or 2022, l’ancien joueur Andreï Chevtchenko, meilleur buteur ukrainien de l’histoire, n’a pas hésité à prendre la parole pour appeler à récolter des fonds pour la plateforme de donation United24, gérée par le gouvernement ukrainien.

La joueuse de tennis Elina Zvitolina, médaillée de bronze en simple aux JO de Tokyo et 31e joueuse mondiale, s’est, elle aussi, largement engagée pour l’Ukraine sur les réseaux sociaux et sur les courts, refusant par exemple de serrer la main de ses rivales russes ou portant un ruban noir à Wimbledon, en juillet, afin de rendre hommage aux victimes du bombardement de l’hôpital pour enfants de Kiev. Devenue symbole de lutte dans son pays, la joueuse a d’ailleurs été désignée comme porte-drapeau de la délégation ukrainienne pour la cérémonie d’ouverture, vendredi 26 juillet.

Une scène particulièrement parlante pour Vadym Guttsait, président du Comité national olympique ukrainien. “Hier, le monde entier a pu voir notre drapeau. Nous avons montré au monde entier que nous résistons, que nous existons, et que nous existerons toujours”, martèle-t-il à l’occasion de cette inauguration. La Russie, elle, a été exclue de la cérémonie d’ouverture et ses athlètes ne pourront participer aux Jeux que sous bannière neutre, à condition de n’avoir aucun lien avec l’armée et de n’avoir en aucun cas soutenu l’invasion en Ukraine.




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