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L’esprit sportif, ce grand “non” au politiquement correct, par Julia de Funès


Comment ne pas se soulever d’admiration et d’enthousiasme devant les prouesses sportives des Jeux olympiques ? A juste titre, le monde entier admire, applaudit, félicite, tremble, pleure, enrage, vibre grâce aux athlètes de haut niveau. Rien ne semble rassembler plus, n’émouvoir autant, ne plaire davantage que le sport, alors qu’il ne coïncide plus en rien avec les idéologies actuelles. Jamais l’héroïsme du sport ne s’est trouvé en si grande divergence avec les opinions bien-pensantes du moment.

Tout dans le sport est discipline, rigueur, travail, effort. Termes et réalités que le sacro-saint progressisme juge rances et rejette à jet continu au profit du loisir, du fun, du cool. La gamification et le système “distractionnaire” ont envahi l’apprentissage et le monde de la formation. Le sport, c’est aussi le temps long, la progression dans la durée. Il suffit d’écouter les sportifs décrire leur laborieuse préparation sur des années pour ne plus croire aux farces et attrapes des boutiquiers de développement personnel proposant des recettes comportementales rapides, dont les titres des ouvrages sont à eux seuls parlants et mensongers : la confiance en cinq leçons, le dépassement de soi en quelques semaines, le succès à portée de main. Le sport illustre tout le contraire. Rien de plus hiérarchique qu’un podium, de plus distinctif qu’une médaille, de plus sélectif qu’un chronomètre !

L’écrémage impitoyable qu’est une compétition sportive rend difficilement audibles les pastorales d’égalitarisme intégral que prêchent pourtant sans répit les apôtres du Bien, en confondant l’égalité de droit (nous sommes tous égaux) et l’équivalence de compétences (nous nous valons tous). Le sport, lui, sait faire la différence. Les marchands de bien-être doivent se trouver bien vaporeux devant la souffrance, les douleurs, les accidents, les fractures, la peur, le stress et tout ce mal-être qu’engendre nécessairement le sport de haut niveau. Se hasarderont-ils encore à vendre que la performance procède du bien-être ? Le sport prouve l’inverse ! Ce n’est pas parce que les sportifs sont tout heureux qu’ils performent, mais plutôt parce qu’ils gagnent et performent qu’ils pleurent de joie. Quant aux doux refrains sur la bienveillance et l’empathie dont les chevaliers du Bien nous abreuvent, ils semblent bien loin de l’esprit acharné de compétition et de la volonté inébranlable de vaincre l’adversaire qui habitent chaque athlète qu’on acclame.

Le sport résiste au saint empire de l’indifférenciation

Les évangélistes de la post-vérité, soutenant avec une mine satisfaite qu’il n’y a pas qu’une seule vérité, mais plusieurs, et que tout est relatif, doivent eux aussi changer de frimousse devant l’unanimité d’un verdict sportif mettant brutalement fin à tout relativisme. Car une seule et unique vérité féroce gouverne le sport (et devrait gouverner l’école, mais aussi les entreprises) : celle du mérite.

Au nom de l’injonction vertuiste d’en finir avec les différences, les hiérarchies s’estompent, les différences deviennent suspectes, les distinctions se gomment. Toutes ces ambitions indifférenciantes s’accordent pourtant mal avec celles des compétiteurs dont l’objectif est justement de faire la différence. Seul l’écart fait le vainqueur. Seule la différence fait la distinction que chaque nation attend derrière son athlète. S’il y a encore des champions que l’on admire, des êtres que l’on considère comme extraordinaires, c’est que le sport résiste au saint empire de l’indifférenciation. Enfin, le sport ne nie pas le combat, ne redoute pas le défi, ne déjoue pas l’affrontement, toutes ces réalités rugueuses qu’il est de bon ton d’éviter dans la ouate rose bonbon du consensuel “pas de vague”.

Ironie noire des JO, le sport réussit l’exploit quasi olympique de se faire unanimement encenser par la bien-pensance alors qu’il s’y oppose en tous points. Il est de bon ton d’en louer les valeurs, alors qu’elles sont un retournement complet de l’esprit du temps, un pied de nez à la bien-pensance, une insoumission à l’angélisme, et un coup de force aux bons sentiments. Espérons que la fin des JO ne marque pas la fin de l’esprit sportif, qui reste un grand “non” au politiquement correct, et sans doute la meilleure des philosophies.

Julia de Funès est docteur en philosophie




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