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Coût du stockage de CO2 : cette conséquence inattendue du Brexit


C’est un effet indésirable de plus lié au Brexit. Pour enfouir définitivement leur CO2 sous la mer, et respecter ainsi plus facilement leurs engagements en matière d’environnement, certains pays de l’Union européenne – comme la France – auraient bien besoin des eaux britanniques. Cela leur éviterait d’envoyer leur dioxyde de carbone bien plus au Nord, au large de la Norvège. Mais voilà, depuis que le Royaume-Uni a décidé de sortir de l’Union, ce n’est plus possible d’un point de vue juridique.

“En raison de cette barrière invisible traversant la mer du Nord, les projets de l’UE ignorent largement le potentiel de stockage du Royaume-Uni”, déplore Toby Lockwood, directeur de la technologie et des marchés de Clean Air Task Force, une ONG basée à Boston, aux Etats-Unis. Or celui-ci est loin d’être négligeable.

Les projets annoncés par le Royaume-Uni au large de ses côtes représentent près de 40 % de la capacité totale en cours de développement en Europe. Inclure le Royaume-Uni dans la stratégie de l’UE accélérerait la décarbonation sur l’ensemble du Vieux continent. Et réduirait sans doute la facture pour les gros émetteurs industriels situés au Nord de la France, comme ArcelorMittal. Pour l’heure, la Norvège rafle la mise grâce à une géologie bien étudiée et des installations offshore pouvant servir à stocker de grandes quantités de carbone. “A court terme, de nombreuses entreprises prévoient d’expédier leur CO2 par bateau en Norvège ou au Danemark, par l’intermédiaire de projets pionniers comme Northern Lights”, confirme Toby Lockwood. Une option plus coûteuse que le transport par pipelines.

Ces derniers arriveront dans un second temps. Le groupe norvégien Equinor étudie, en partenariat avec le gestionnaire du réseau gazier belge Fluxys, la possibilité de construire, d’ici 2030, un réseau reliant les futurs sites de stockage de CO2 norvégiens aux ports de Zeebruges, Dunkerque et, potentiellement, Eemshaven (Pays-Bas). Un chantier pharaonique qui s’étend sur plus de 1 000 km de distance ! Il y a pourtant plus simple. En comparaison, un pipeline acheminant du CO2 et reliant la France ou la Belgique au Royaume-Uni serait quatre fois plus court. “L’ouverture de l’accès au stockage britannique peut accroître la concurrence et contribuer à faire baisser les coûts, tout en réduisant le risque lié à l’incapacité des différents sites à se développer dans les temps ou à être temporairement hors service pour quelque raison que ce soit”, estime Toby Lockwood.

“Les négociations avec l’UE pourraient durer des années”

Actuellement, le coût total d’acheminement du CO2 jusqu’à son enfouissement varie entre 70 et 250 euros par tonne. Cependant, à long terme, si des sites de stockage voient le jour dans les zones où la géologie et les réglementations en vigueur le permettent, les tarifs pourraient tomber en dessous de 60 euros par tonne sur une bonne partie du continent. Laisser le Royaume-Uni de côté n’est donc pas une bonne option. Mais comment lever l’obstacle juridique lié au Brexit ? “Le Royaume-Uni semble développer son propre réseau pour acheminer et enfouir en priorité ses émissions nationales. Même si les importations venant de France ou d’autres pays accroîtraient la rentabilité de ses installations, les négociations avec l’UE pourraient durer des années”, souligne Toby Lockwood.

Le manque d’harmonisation entre le Royaume-Uni et l’UE crée déjà de l’exaspération. Au début de l’année, l’entreprise écossaise Carbon Capture Scotland Limited a signé un accord pour stocker les émissions de CO2 au Danemark, les fondateurs de l’entreprise qualifiant même de “ridicule” le fait qu’il n’y ait pas d’option britannique disponible. “Si le stockage reste concentré sur la Norvège, la situation pourrait devenir difficile pour certains pays situés au centre de l’Europe comme l’Autriche. Toutefois, le futur dépendra beaucoup de l’évolution du prix du carbone”, prédit Toby Lockwood.

Selon la législation en vigueur au sein de l’UE, les entreprises qui enfouissent leur CO2 échappent à ce tarif. Plus le prix du CO2 monte, plus le recours au piégeage du carbone peut s’avérer économiquement intéressant pour certains émetteurs. “Certaines projections tablent sur une remontée du prix du carbone à 150 dollars par tonne, d’ici à 2030. Cela pourrait rendre le stockage sous la mer compétitif, même s’il faut payer une compagnie norvégienne pour cela”, explique Toby Lockwood. Mais pour bénéficier d’un tarif optimal, il faudra quand même compter avec l’Angleterre.




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