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Déficit public : les raisons de ce nouveau dérapage de Bercy


C’est une énième bombe qui vient secouer l’édifice du budget. Plus dynamiques que prévu, les dépenses des collectivités, couplées à des recettes moindres qu’espérées pour l’Etat, pourraient, sans économies supplémentaires vigoureuses, pousser le déficit public à 5,6 % du PIB cette année, voire 6,2 % en 2025, selon des documents budgétaires transmis par Bercy, lundi 2 septembre, et consultés par des parlementaires.

Dans une lettre adressée lundi soir aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions des Finances des deux assemblées, le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire et le ministre démissionnaire délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave s’inquiètent de l'”augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités”. Ce surcroît de dépenses pourrait “dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros par rapport” à la trajectoire de déficit envoyée à Bruxelles au printemps.

Déjà abaissées de “près de 30 milliards d’euros” au printemps, les prévisions de recettes fiscales pourraient par ailleurs ne pas être atteintes “compte tenu de l’évolution de la composition de la croissance, moins favorable aux recettes fiscales”, redoutent les deux ministres. S’agissant des prévisions macroéconomiques, le gouvernement table désormais sur une croissance de 1,1 % en 2024, contre 1 % anticipé jusqu’ici, en raison d’un “acquis de croissance à mi-année 2024 plus élevé qu’anticipé et une prévision d’accélération de la croissance au 3e trimestre”. “Il revient au prochain gouvernement de modifier le cas échéant les éléments préparés, à la fois en matière de recettes et de dépenses”, écrivent-ils.

Défense et sécurité épargnées par la baisse des moyens

Le gouvernement démissionnaire prépare en effet pour son successeur un budget 2025 “réversible” sur la base de dépenses de l’Etat strictement équivalentes à celles de 2024, 492 milliards d’euros, mais réparties différemment. Dans un communiqué de presse lundi soir, le président de la Commission des Finances de l’Assemblée, Eric Coquerel (LFI) a indiqué que, parmi les documents reçus de Bercy, “un tableau de synthèse des budgets prévus à ce stade pour chaque ministère” montre, selon “une première analyse”, que “seuls les budgets dédiés à la défense et à la sécurité augmenteront plus vite que l’inflation” l’an prochain.

À l’inverse, “les politiques les plus touchées devraient être l’aide publique au développement (-18 % sans tenir compte de l’inflation), le sport (-11 %), l’agriculture (-6 %), l’outre-Mer (-4 %), l’écologie (-1 %) et la santé (-0,8 %). Le travail (+ 1 %) et l’éducation nationale (+ 0,5 %) “seront également concernés par une baisse de moyens”, puisque l’augmentation des crédits prévus est inférieure à une inflation prévisible autour de 2 % l’an prochain.

Selon Eric Coquerel, en tenant compte de l’inflation, et de la fin naturelle de certains programmes, ce projet de budget “constitue une baisse de 15 milliards d’euros par rapport à la loi de finance adoptée en 2024”, auxquels s’ajouteraient 5 milliards d’économies dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, soit 20 milliards au total. Or, selon les documents reçus, le déficit public atteindrait 5,6 % du PIB cette année au lieu de 5,1 % espérés, et plongerait à 6,2 % en 2025 – au lieu de 4,1 % – si 60 milliards d’économies n’étaient pas réalisées. Même avec 30 milliards d’économies, le déficit public stagnerait encore à 5,2 % l’an prochain, a pu lire Eric Coquerel. Le déficit public représente le solde des comptes de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales.

“Le pays dans le mur”

D’ici au 20 septembre, la France, qui subit déjà une procédure pour déficit excessif, comme six autres pays européens, doit envoyer à Bruxelles son nouveau programme de stabilité jusqu’à 2027, date à laquelle elle doit normalement être revenue sous 3 % de déficit public. “Les chiffres communiqués lundi démontrent que la politique de l’offre et de la compétitivité, que manifestement le président Macron entend poursuivre, emmène toujours plus vite le pays dans le mur”, estime encore Eric Coquerel, pour lequel “ce sont des recettes qu’il convient d’aller chercher”, et non de moindres dépenses.

Le parlementaire remarque enfin “qu’en plus des 10 milliards d’annulation de crédits, décidés en février, Bercy a gelé préventivement 16,5 milliards d’euros de crédits pour puiser 7 milliards d’euros d’annulations supplémentaires en fin d’année”. Si le futur gouvernement voulait annuler tous ces crédits gelés pour limiter le déficit, “une loi de finances rectificative serait indispensable”, selon lui.





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