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“Ce serait catastrophique pour l’Ukraine” : Pokrovsk, la bataille de tous les dangers


La scène en deviendrait presque habituelle en cette fin d’été : un drapeau russe flottant sur le bâtiment d’un village nouvellement conquis dans l’est de l’Ukraine. Malgré l’attaque lancée le 6 août dans la région russe de Koursk par les forces de Kiev, l’armée russe a accéléré ces dernières semaines sa progression dans l’oblast ukrainien de Donetsk, épicentre des combats depuis le début de la guerre. Dernière prise en date, la localité de Karlivka, le 4 septembre, à une trentaine de kilomètres au sud-est de la ville de Pokrovsk, dont la conquête est devenue l’un des objectifs prioritaires de Moscou.

L’armée russe ne serait plus qu’à une dizaine de kilomètres de cette cible stratégique, après être entrée fin août dans le village de Novohrodivka, lors d’une autre offensive plus au nord. “La ville de Pokrovsk est cruciale pour les Ukrainiens puisqu’il s’agit d’un nœud logistique de premier plan dans la région, note Ivan Klyszcz, chercheur à l’International Centre for Defence and Security (ICDS) de Tallinn. Son réseau routier et sa ligne de chemin de fer sont essentiels pour l’approvisionnement des forces ukrainiennes basées dans ce secteur.” Un bastion logistique particulièrement important à l’heure où Moscou redouble d’efforts pour progresser dans la zone.

Menace pour le ravitaillement sur le front

Après la chute d’Avdiivka en février dernier, l’armée russe a patiemment grignoté du terrain, au prix de lourdes pertes, parvenant à s’enfoncer dans une zone d’une quarantaine de kilomètres de long pour une vingtaine de large en direction de Pokrovsk. “La bataille de Pokrovsk pourrait se révéler assez décisive dans cette zone du front, pointe le général Nicolas Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée. Si les Russes s’emparent de cette ville, ils couperont une partie du flux logistique qui y passe avant d’être distribué dans d’autres secteurs, et ce serait catastrophique pour les Ukrainiens.”

L’autoroute T-0504 reliant les villes de Pokrovsk à Tchassiv Iar, en passant par Kostiantynivka est l’un des axes vitaux pour l’approvisionnement en armes, personnels et munitions des défenseurs ukrainiens présents dans le secteur. La prise de la ville, et de facto, la coupure de cette artère, serait lourde de conséquences. Cela rendrait “plus difficile pour les forces armées ukrainiennes de réapprovisionner et de manœuvrer rapidement des ressources vers plusieurs bastions clés entre Tchassiv Iar et Vouhledar”, relevait dès le 1er septembre une note du renseignement britannique. De quoi fragiliser un dispositif défensif ukrainien déjà mis à rude épreuve.

“Des axes alternatifs existent, mais rien ne remplace une autoroute en matière de fluidité des transports, relève le général Richoux. Si les forces ukrainiennes n’ont d’autre choix que d’utiliser des routes secondaires, des chemins de terre ou de se déplacer la nuit à travers les bois, cela réduira nécessairement leurs capacités à ravitailler leurs troupes.” D’autant que la zone, constellée de rivières et petits étangs, se prête mal au hors-piste. L’arrivée des pluies et des boues de la raspoutitsa [NDLR : période durant laquelle les terrains deviennent boueux à la suite de pluies ou du dégel] à l’automne risque de compliquer encore plus l’équation. “Même s’il est peu probable qu’une prise de Pokrovsk puisse conduire à un effondrement généralisé, cela pourrait mettre en danger la partie centrale du front dans l’oblast de Donetsk”, résume le général Richoux.

“La priorité numéro un” du Kremlin

Dans un discours prononcé ce jeudi 5 septembre à Vladivostok, Vladimir Poutine a martelé qu’en dépit de l’offensive ukrainienne dans la région de Koursk, “la priorité numéro un” pour Moscou restait la conquête du Donbass – dont le Kremlin a revendiqué l’annexion dès 2022. Si l’un des objectifs de l’incursion ukrainienne en territoire ennemi était de pousser la Russie à dégarnir ses troupes présentes sur le front du Donbass pour venir protéger ses frontières, l’état-major russe n’a jusqu’alors, selon les données en sources ouvertes, prélevé qu’une infime partie des soldats engagés autour de Pokrovsk. A l’inverse, les gains russes se sont accélérés dans la région depuis l’offensive ukrainienne, conduisant certains observateurs à s’interroger sur la pertinence de ce calcul.

Soucieuses de se préparer à un assaut qui semble imminent, les autorités locales de Pokrovsk ont ordonné dès le 19 août l’évacuation des familles avec enfants, puis confirmé début septembre le renforcement en cours des cinq lignes de défenses construites depuis 2022 autour de cette cité de 60 000 habitants avant la guerre. “Les villes offrent toujours un avantage au défenseur pour essayer d’arrêter les forces ennemies, souligne Ivan Klyszcz de l’ICDS. La prise de Pokrovsk s’annonce donc comme un combat difficile pour les Russes, d’autant que les Ukrainiens tenteront vraisemblablement de s’y accrocher.” Pour Kiev, l’enjeu est immense.




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