Considéré comme l’architecte du massacre du 7 octobre, son nom figurait en tête de la kill list israélienne des personnalités à abattre. Au terme d’un an de traque, l’Etat hébreu a annoncé le 17 octobre la mort de Yahya Sinouar, le chef du Hamas, lors d’une opération à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Deux mois après l’assassinat de son prédécesseur, Ismaïl Haniyeh, dans une frappe israélienne à Téhéran, cette élimination constitue un nouveau séisme pour le groupe terroriste, déjà décimé par des mois de combats contre les forces de Tsahal dans l’enclave palestinienne.
“C’est un revers cuisant pour le Hamas, résume Hugh Lovatt, spécialiste du Moyen-Orient à l’European Council on Foreign Relations. Cela va avoir un impact majeur sur les dynamiques internes du mouvement, mais aussi sur sa stratégie dans les mois à venir.”
Bien que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou ait annoncé quelques heures plus tard que la mort de Yahya Sinouar marquait “le début de la fin” de la guerre menée à Gaza, le mouvement a affirmé dès le lendemain, ce vendredi 18 octobre, qu’il ne pouvait “pas être éliminé” malgré la mort de ses dirigeants.
Affaibli sur le plan militaire
En dépit de ce succès indéniable des forces israéliennes, la disparition du Hamas est encore loin d’être acquise. “Son emprise sur la bande de Gaza reste majeure, reprend Hugh Lovatt. Le mouvement dispose d’autres leaders potentiels, comme Khalil al-Hayya, le vice-président du bureau politique.” Basé au Qatar, ce haut responsable de 62 ans, devenu ces derniers mois l’une des figures les plus visibles de la branche politique de l’organisation, a affirmé ce vendredi sur Al-Jazeera que la mort de son chef “ne fera que renforcer” le mouvement islamiste. Il n’est, en outre, pas l’unique successeur possible. Le frère de Yahya Sinouar, Mohamed, l’un des commandants de la branche militaire, pourrait prendre la tête de l’organisation. Et le nom de Khaled Mechaal, membre fondateur du groupe et ancien président du bureau politique entre 1997 et 2017, est lui aussi évoqué.
Reste qu’un peu moins d’un an après le début de l’opération lancée par les forces israéliennes le 27 octobre 2023 sur la bande de Gaza, le groupe terroriste apparaît plus affaibli que jamais sur le plan militaire. “Aujourd’hui le Hamas ne dispose plus que de capacités résiduelles, explique le général Nicolas Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée. Si avant le 7 octobre il disposait d’une véritable armée, d’une hiérarchie bien établie, et de stocks d’équipements et munitions, tous ces éléments ont été très entamés.”
Outre les morts consécutives d’Ismaïl Haniyeh et de Yahya Sinouar, le reste de l’état-major du Hamas a, lui aussi, été décimé. Le 1er août, Israël avait ainsi revendiqué la mort de Mohammed Deïf, le chef de sa branche armée, dans une frappe survenue deux semaines plus tôt près de Khan Younès, ou celle de Saleh al-Arouri, le numéro deux du mouvement, le 2 janvier lors d’un bombardement dans la banlieue sud de Beyrouth. Les forces combattantes de l’organisation terroriste ont également payé un lourd tribut. En août, un porte-parole de Tsahal avait estimé que plus de 17 000 combattants du Hamas avaient été éliminés, sur les 25 000 à 30 000 qu’il compterait dans la bande de Gaza.
“L’organisation peut renaître de ses cendres”
Militairement au tapis, le groupe conserve néanmoins une capacité de nuisance non négligeable. Profitant de ses nombreux tunnels encore opérationnels et de l’environnement urbain tortueux, propice aux embuscades, de l’enclave palestinienne, le mouvement est encore en mesure de poursuivre sa guérilla contre les forces israéliennes – et de lui infliger des coûts croissants à mesure que se prolonge son opération.
Malgré l’hécatombe dans ses rangs, la branche armée du Hamas n’a pas attendu pour réitérer sa volonté de poursuivre le combat. “Notre djihad ne s’arrêtera pas jusqu’à la libération de la Palestine, l’expulsion du dernier sioniste et la restauration de tous nos droits légitimes”, ont déclaré les Brigades Ezzedine al-Qassam dans un communiqué publié ce 18 octobre. “Le Hamas aura besoin de temps pour remonter une force crédible et structurée, jauge le général Richoux. Mais même si ce processus pourrait prendre entre 5 et 10 ans, l’organisation peut renaître de ses cendres tant que ses idées persistent.”
Se pose également la question des otages israéliens – 97 se trouvent toujours à Gaza dont 34 ont été déclarés morts par l’armée. Au lendemain de la mort de son chef, le Hamas a affirmé ce vendredi qu’ils ne seraient pas libérés tant que l’Etat hébreu ne mettrait pas fin à son opération. Comme un écho aux propos tenus la veille par le chef d’état-major de l’armée israélienne, le général Herzi Halevi, qui avait assuré que la guerre “ne s’arrêterait pas” avant la capture de tous les auteurs de l’attaque et le retour de “tous les otages”. “Même affaibli, le Hamas continue d’être le mouvement le plus puissant à Gaza, pointe Hugh Lovatt. Son idéologie imprègne encore la société, et en l’absence de solution politique, l’élimination de Sinouar ne suffira pas à le vaincre.”
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