S’ancrer durablement dans l’UE ou retisser des liens avec Moscou ? La Moldavie, longtemps tiraillée, organise ce dimanche 20 octobre un double vote : le choix de son futur président, avec comme favorite la dirigeante pro-occidentale sortante Maia Sandu, mais aussi un référendum pour ou contre le principe d’une future adhésion à l’Union européenne. Des enjeux très importants pour cette ancienne république soviétique, voisine de l’Ukraine en guerre.
Or le pays se révèle être un terrain de jeu particulièrement fertile pour la Russie, qui a investi des sommes colossales pour influer sur le cours de ce double scrutin. Les autorités moldaves estiment ainsi que le Kremlin aurait dépensé près de 100 millions de dollars (92 millions d’euros) depuis le début de l’année 2024 pour diverses opérations de corruption ou de désinformation sur les réseaux sociaux.
Un système massif d’achat de votes a été mis au jour ces dernières semaines, impliquant des dizaines de milliers de Moldaves payés pour glisser des bulletins anti-Sandu et anti-UE dans l’urne. Par son ampleur et la complexité du mécanisme, il s’agit d’un “phénomène sans précédent”, a déclaré à l’AFP le chef de la police, Viorel Cernauteanu. Avant on échangeait des enveloppes de billets, maintenant on parle de transferts bancaires de millions de dollars “destinés à corrompre 150 000 personnes, voire 300 000 en incluant leur famille”, a-t-il détaillé, soit environ un quart des électeurs qui devraient se déplacer pour voter dans ce pays de 2,6 millions d’habitants.
Un constat corroboré par une étude du New Strategy Center, basé en Roumanie. Celle-ci affirme qu’entre fausses informations et système massif d’achats de vote, “les interférences russes ont atteint un niveau sans précédent”. Les enquêteurs ont aussi découvert l’existence de “stages” en Russie et dans les Balkans pour former de jeunes recrues à des tactiques de déstabilisation. Face aux “tentatives de sabotage”, Washington s’est engagé cette semaine à “soutenir” le pays, tout comme l’UE qui a adopté de nouvelles sanctions contre des activistes pro-russes.
@lexpress 🇱🇹 Gitanas Nauséda, le président lituanien, était un invité exceptionnel du Grand Colloque de L’Express le 14 octobre. A cette occasion, il a rappelé le devoir de soutenir l’Ukraine fasse à la menace russe ⬇️ #legrandcolloquedelexpress #apprendresurtiktok #tiktokacademie #Sinformersurtiktok #newsattiktok
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“Une campagne de désinformation complexe”
Au cœur de ce système : Ilan Shor, un oligarque moldave en exil à Moscou. Condamné pour fraude l’an dernier pour avoir subtilisé près d’un milliard de dollars à trois banques dans le pays, il est l’homme-clé dans l’organisation des manœuvres de déstabilisation venues de Russie. Sur le réseau social Telegram, il fustige régulièrement “l’État policier” moldave, devenu une “marionnette obéissante” de l’Occident. Son parti politique – qui porte d’ailleurs son propre nom – a été interdit en 2023. Sûrement une des raisons pour lesquelles Ilan Shor n’a adoubé aucun autre candidat pour cette élection présidentielle.
La Russie a “changé de stratégie en utilisant une ribambelle de candidats, dont certains se disent pro-européens, pour conduire une campagne de désinformation complexe” ciblant essentiellement le référendum, dont le taux de participation sera scruté, note le New Strategy Center. Avec 10 % d’intentions de vote dans les derniers sondages, le candidat le mieux placé derrière la présidente sortante Maia Sandu – créditée, elle, de 36 % – se retrouve être Alexandr Stoianoglo, un ex-procureur de 57 ans soutenu par les socialistes prorusses.
A entendre ces derniers, la population serait “désespérée” face à la politique du gouvernement, commente auprès de l’AFP l’expert du groupe de réflexion WatchDog, Andrei Curararu. Le camp prorusse “alimente l’idée que les Moldaves sont prêts à tout pour exprimer leur mécontentement”, bien réel chez certains sur fond de pauvreté et d’inflation record. Avec en toile de fond la grande dépendance aux importations de gaz venu de Russie, qui a largement fermé les vannes depuis le début de la guerre en Ukraine.
Les partis prorusses ont ainsi lancé une campagne de boycott du scrutin. Et si le seuil de 33 % des inscrits nécessaire pour valider les résultats n’est pas atteint, le chemin européen de la Moldavie s’en trouverait fragilisé. Avec pour “bataille finale les législatives de 2025”, très incertaines à ce stade, commente Valeriu Pasha, analyste de WatchDog. Ainsi, pour la dirigeante pro-européenne Maia Sandu, la menace russe serait encore loin d’être écartée, même en cas de victoire ce dimanche.
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