Le nombre des naissances en Allemagne a chuté de près de 13 % en deux ans : alors que 795 500 enfants sont nés en 2021, ils n’étaient plus que 693 000 en 2023, note l’institut de conjoncture allemand Ifo, dans un article paru ce mercredi 23 octobre. Le recul est particulièrement marqué dans l’est du pays, avec une chute du nombre de nouveaux-nés de 17,5 %. Parmi les explications relevées par l’auteur, une baisse du nombre de femmes en âge de procréer, mais aussi la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et l’inflation, qui auraient poussé les familles à retarder leurs projets d’enfants.
Des explications démographiques
Le taux de natalité en Allemagne est passé en 2023 à 1,35 enfant par femme, alors qu’il était d’1,58 en 2021. A l’Est comme à l’Ouest, la forte diminution du nombre des femmes âgées de 27 à 36 ans, qui représentent environ deux tiers de tous les enfants nés, est en partie à l’origine de cette évolution.
La planification des naissances est un autre facteur : une légère hausse des naissances (29 000 enfants de plus que prévu) a été observée en 2021, après le confinement dû à la pandémie de Covid-19. Or en Allemagne, l’écart de natalité pour le deuxième enfant est de de 3,1 ans, et de 3,6 ans pour un troisième enfant. “Les femmes qui ont eu un enfant en 2021 n’ont donc généralement pas encore donné naissance à un autre enfant en 2022 ou 2023”, pointe Joachim Ragnitz, l’auteur de l’étude de l’institut Ifo. Par conséquent, le nombre de naissances en 2022 et 2023 est resté en-dessous de ce qui était attendu (21 000 enfants de moins que prévu en 2022 et 56 000 de moins en 2023).
Une conjoncture marquée par les crises
“Cela ne peut toutefois pas expliquer entièrement le recul actuel des naissances, car au total, 48 000 enfants de moins que ce à quoi on aurait pu s’attendre sont nés en Allemagne entre 2021 et 2023”, poursuit Joachim Ragnitz de l’institut Ifo. Les explications sont aussi conjoncturelles. “Il est clair que la crise du Covid, le déclenchement de la guerre en Ukraine et la perte de revenus réels due à la forte inflation ont poussé de nombreuses jeunes familles à reporter leurs projets d’enfants”.
Le nombre des femmes en âge de procréer en Allemagne a récemment légèrement augmenté, principalement en raison de l’afflux de réfugiées de guerre ukrainiennes. Entre 2021 et 2023, le nombre des femmes étrangères en âge de procréer s’est accru de près de 500 000, tandis que celui des femmes allemandes de la même tranche d’âge a diminué de plus de 100 000. Mais la plupart des femmes ukrainiennes sont arrivées sans leur partenaire, ce qui n’a pas entraîné une hausse équivalente des naissances au total en Allemagne, note l’Ifo.
En outre, les jeunes ressentent une plus grande insécurité, et la hausse de l’inflation, “a entraîné une baisse des revenus réels en Allemagne, de sorte que certains couples ont sans doute reporté leur désir d’enfant pour des raisons matérielles.”
Un recul plus net à l’Est depuis plusieurs années
“Le recul disproportionné dans les Länder de l’Est (-17,5 %) est particulièrement frappant”, constate encore Joachim Ragnitz. Selon lui, cette évolution s’inscrit dans une tendance depuis 2016, “alors que dans les Länder de l’Ouest, le nombre de naissances est resté à peu près constant de 2015 à 2020.” Alors que le nombre de femmes en âge de procréer a nettement augmenté à l’Ouest de l’Allemagne entre 2011 et 2023, il a diminué de près de 10 % en Allemagne de l’est. En plus des causes déjà évoquées, l’auteur met en avant le facteur historique : en Allemagne de l’Est, l’unification a entraîné un déficit de 92 000 naissances entre 1990 et 1994, “ce qui, associé à l’émigration des années 1990 et 2000, se traduit depuis 2015 environ par un nombre de mères potentielles toujours plus faible”.
L’Ifo note enfin qu'”il reste à voir si les incertitudes liées à la crise s’estompent pour laisser place à une nouvelle hausse des taux de natalité”, ou s’il s’agit d’un renversement durable des tendances. D’après les premiers chiffres de natalité disponibles pour 2024, l’institut ne constate pas, pour le moment, de reprise du nombre de naissances.
Source