C’est une histoire qui s’est répandue à travers l’Etat de Géorgie comme une traînée de poudre : dans le comté de Whitfield, une électrice qui utilisait une machine à voter avec un écran tactile a sélectionné par erreur le nom d’un candidat qu’elle ne souhaitait pas élire. Si l’incident a été évité – l’électrice a pu instantanément corriger son erreur et voter pour le bon candidat -, l’affaire a pris d’énormes proportions sur les réseaux sociaux. Dans tout le pays circule désormais une fake news selon laquelle les machines à voter du fabricant Dominion Voting Systems serviraient en réalité à orchestrer une fraude électorale de grande ampleur, rapporte le New York Times. A moins de deux semaines du résultat des élections américaines, qui opposent la vice-présidente démocrate Kamala Harris à l’ex-président républicain Donald Trump, ces fausses accusations de fraude électorale se multiplient dans tout le pays.
A chaque scrutin aux Etats-Unis, des théories complotistes accusent, avec une régularité de métronome, les machines de modifier les votes. En 2020, c’est Donald Trump qui a lui-même colporté ces rumeurs après sa défaite contre Joe Biden, accusant l’entreprise Dominion d’avoir permis une fraude en sa défaveur lors du scrutin. Selon lui et ses conseillers, l’ancien maire de New York Rudy Giuliani et l’avocate Sidney Powell, l’entreprise était même liée au régime d’Hugo Chavez au Venezuela.
Deux Etats, une théorie du complot
En 2024, des rumeurs de fraude semblables à celles de 2020 font leur grand retour sur les réseaux sociaux, relayées par des complotistes, des militants d’extrême droite mais aussi… des personnalités politiques américaines. Dans le cas de la Géorgie, c’est l’élue républicaine Marjorie Taylor Green qui a colporté la rumeur. “C’est exactement le genre de fraude que nous avons vu en 2020 et cela ne peut être toléré”, a-t-elle sur son compte X, avant d’aller colporter la fausse nouvelle sur le livestream d’Alex Jones, pape du complotisme aux États-Unis et animateur de radio d’extrême droite. D’après une étude du New York Times, la fake newsa été lue des millions de fois (3,5 millions pour le seul tweet de Marjorie Taylor Green), sur X, Rumble et d’autres réseaux sociaux marginaux.
La fausse information a pris une telle ampleur qu’elle a été démentie par la start-up spécialisée dans le suivi de la désinformation en ligne NewsGuard. “Sur les réseaux sociaux, des utilisateurs de droite ont prétendu que cet incident démontrait que les machines de vote intervertissaient les votes des électeurs de Géorgie. Cependant, il n’existe aucune preuve crédible que les machines à voter Dominion intervertissent les votes dans le comté de Whitfield”, relate notamment l’organisme.
La même rumeur complotiste a d’ailleurs été montée en épingle – et elle aussi démentie par NewsGuard – dans le comté de Tarrant, au Texas, où un homme prétendait dans une vidéo avoir voté pour un candidat… avant que la machine à voter ne transforme son vote.
Cette multiplication de rumeurs, même vigoureusement démenties, pourrait avoir des conséquences sur l’issue du scrutin. “Les recherches montrent que plus on croise une information, plus on a tendance à la juger vraie. C’est lié à un mécanisme cognitif : l’information est traitée de façon plus fluide dès la deuxième fois qu’on la reçoit”, expliquait en juin à L’Express le sociologue et directeur de la recherche de la Fondation Descartes, Laurent Cordonier. De plus en plus exposés à ces intox, les Américains pourraient-ils tous finir par croire, le soir du 5 novembre, que l’élection leur a été volée ?
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