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Israël interdit l’UNRWA sur son territoire : les raisons d’un choix très critiqué


Un texte interdisant les activités en Israël de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été approuvé lundi 28 octobre à la Knesset, le Parlement israélien, par 92 voix contre 10, et doit prendre effet 90 jours après son adoption. Depuis longtemps très critique à l’égard de l’agence onusienne, Israël a accusé certains employés de l’UNRWA d’avoir participé à l’attaque du Hamas dans le sud du pays le 7 octobre 2023 et d’être des combattants du mouvement islamiste palestinien.

Qu’est-ce que l’UNRWA ?

L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) fournit depuis plus de sept décennies une aide et une assistance indispensables aux réfugiés palestiniens, que ce soit à Gaza en guerre, en Cisjordanie occupée, au Liban, en Syrie ou en Jordanie. Elle est “une bouée de sauvetage” pour des millions de personnes, a résumé récemment le Suisse Philippe Lazzarini, vieux routier de l’humanitaire qui dirige l’agence depuis 2020.

L’agence a été créée en décembre 1949 par l’Assemblée générale des Nations unies dans le sillage du premier conflit israélo-arabe, peu après la création d’Israël en mai 1948. L’UNRWA avait alors pour mission d’aider quelque 750 000 Palestiniens expulsés pendant la guerre le temps de trouver une solution durable. Mais en l’absence de règlement du conflit israélo-palestinien, l’UNRWA a vu son mandat renouvelé pour poursuivre sa mission. Depuis, le nombre de réfugiés a lui été multiplié par huit pour atteindre actuellement presque 6 millions de personnes protégées par ce statut très spécifique de réfugié palestinien, lié au premier exode. Selon le site de l’agence, ils sont enregistrés dans cinq zones d’opérations (Jordanie, Liban, Syrie, Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et Gaza).

L’UNRWA est le principal fournisseur de services publics de base (éducation, santé et santé mentale, secours et services sociaux). C’est aussi un important employeur de la population dont elle a la charge avec plus de 30 000 employés (dont 13 000 à Gaza), principalement des réfugiés palestiniens et un petit nombre de personnel international. L’organisation compte 58 camps de réfugiés officiels et gère plus de 700 écoles pour plus de 540 000 élèves. Elle gère également 141 établissements de soins de santé primaires, avec près de sept millions de visites de patients chaque année, et fournit une aide alimentaire et en espèces.

Que reproche Israël à l’UNRWA ?

L’UNRWA est depuis longtemps dans le collimateur d’Israël et de ses soutiens qui accusent les écoles de l’agence d’enseigner la haine d’Israël. Depuis le 7 octobre, les accusations se sont intensifiées. L’agence est accusée de servir de couverture aux Hamas et d’employer des centaines de membres du Hamas, y compris de la branche militaire. Israël a accusé en janvier une douzaine de ses employés d’avoir été impliqués directement dans les attaques du 7 octobre menées par le Hamas, qui a déclenché la guerre la plus meurtrière dans le territoire.

Une série d’enquêtes a révélé quelques “problèmes liés à la neutralité” à l’UNRWA, et a déterminé que neuf employés “pourraient avoir été impliqués” dans l’attaque du 7 octobre, mais n’a trouvé aucune preuve pour les principales allégations d’Israël.

Ces soupçons ont poussé de très nombreux pays donateurs, dont la France, à suspendre leurs financements en pleine guerre avant de finalement les reprendre pour la plupart, mais pas les États-Unis, ce qui laisse l’agence dans une grande précarité financière. Selon son patron, elle devrait pouvoir trouver les 80 millions de dollars qui lui manquent d’ici la fin 2024, en particulier grâce à la générosité sans précédent du grand public.

La commissaire chargée de la politique des droits de l’homme et de l’assistance humanitaire en Allemagne, Luise Amtsberg, a estimé lundi que “l’UNRWA a pris des mesures pour répondre aux allégations de soutien à des organisations terroristes par des membres individuels du personnel et pour réformer les procédures internes”. Selon Le Monde, l’agence partage en outre chaque année la liste de ses employés à Gaza avec les autorités israéliennes.

Quelles sont les réactions face à la décision d’Israël ?

Dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas depuis 2007, la situation humanitaire était déjà critique avant le début de la guerre, avec plus de 80 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Le territoire, coincé entre Israël, l’Egypte et la Méditerranée, compte huit camps et environ 1,7 million de réfugiés, soit la majorité de la population de 2,4 millions d’habitants, selon l’ONU. Depuis le 7 octobre, la situation humanitaire est devenue catastrophique à cause des bombardements incessants de l’armée israélienne et des combats au sol. La guerre contre le Hamas a coûté la vie à plus de 43 000 personnes, principalement des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du territoire, jugés fiables par l’ONU.

“Au milieu de tous ces bouleversements, l’UNRWA est plus que jamais indispensable”, a clamé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. “Si elles étaient mises en œuvre, les lois adoptées aujourd’hui par la Knesset d’Israël empêcheraient probablement l’UNRWA de poursuivre son travail essentiel dans le territoire palestinien occupé, avec des conséquences dévastatrices pour les réfugiés palestiniens”, a-t-il mis en garde sur X.

L’interdiction des activités de l’UNRWA en Israël “crée un dangereux précédent”, relève sur X le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, Philippe Lazzarini. L’Autorité palestinienne, elle, “rejette et condamne” le vote, estimant qu’il est “une indication de la transformation d’Israël en Etat fasciste”.

Avant même le vote, les États-Unis s’étaient déclarés “très préoccupés” par le texte et avaient “exhorté” le gouvernement israélien “à ne pas l’approuver”, selon le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller. Le Royaume-Uni s’est également dit “gravement préoccupé” par le vote : “Cette législation risque de rendre impossible le travail essentiel de l’UNRWA pour les Palestiniens”, a dénoncé Premier ministre britannique Keir Starmer. L’Allemagne aussi “critique vivement” le projet de loi, et pointe du doigt un “dangereux signal de manque de respect pour les Nations unies et pour la coopération internationale”. L’Irlande, la Norvège, la Slovénie et l’Espagne, qui reconnaissent l’Etat de Palestine, ont “condamné” lundi le vote dans un communiqué commun.

En réaction, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé sur X que “l’aide humanitaire durable doit être disponible à Gaza maintenant et dans l’avenir […] Nous nous tenons prêts à travailler avec nos partenaires internationaux pour nous assurer qu’Israël continue à faciliter l’aide humanitaire à Gaza d’une façon qui ne menace pas la sécurité d’Israël”.





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